HALLIER Jean-Herdern, ‘Fin de siècle’.

Sortie : 1980, Chez : Albin Michel.

Jean-Edern Hallier (1936-1997) fut un trublion de la vie littéraire et politique française des années 1970-1980, un polémiste fantasque mais flamboyant. Il publie « Fin de siècle » en 1980 alors que la diplomatie de l’humanitaire se déploie à travers une planète ravagée par des conflits dans le tiers monde : Biafra, Vietnam, Cambodge… et où s’illustrent une nouvelle génération de héros, celle des médecins sauveteurs partant sur la planète pour y déverser la culpabilité de l’Occident au des sacs de riz.

Ce roman raconte avec un cynisme envoutant le monde interlope de l’humanitaire en Asie. Il débute sur la terrifiante image de la collision d’un avion bourré d’aide humanitaire atterrissant à Bangkok avec un autre aéronef en décollant, transportant des enfants adoptés partant trouver refuge en Occident où ils n’arriveront jamais. Le ton est donné…

La narrateur, Falchu’un qui est archéologue déambule dans les jungles d’Asie du sud-est et en Ecosse en compagnie de Kohler, patron suisse et adipeux de l’UNICEF, qui roule en Rolls Royce blanche et glose sur l’organisation du monde, ses misères et sa rédemption en cours à travers l’industrie pharmaceutique. Il vit une aventure amoureuse avec Lisa, l’assistante de Kohler, à la sexualité aussi torride que le soleil qui frappe les tropiques, qui met en œuvre avec brio le marketing de l’humanitaire, et qui s’éteint en Ecosse dans le cataclysme d’un cancer qu’elle refuse de traiter. Et il accompagne la vieillesse de son père, réfugié dans son manoir breton et muré dans le silence, avec un fils simple d’esprit, un autre militant communiste international qui se trouvait par hasard dans l’un des deux avions crashés à Bangkok et le troisième qui court après ses illusions.

Ces personnages baroques permettent à Hallier de donner libre cours à son lyrisme sur les maux d’une planète à la dérive. On se réjouit du ton halluciné qu’il met dans leurs dialogues et qui est sans doute assez proche de ses propres pensées, ou du moins celles qu’il affiche publiquement. Hallier confirme dans ce roman son goût pour le pamphlet en y étalant son grand talent pour la raillerie, l’humour noir et le cynisme. Un vrai régal !