Barbara Hannigan, soprano et chef d’orchestre canadienne, spécialisée dans la musique contemporaine, a présenté ce soir un incroyable concert à la direction de l’Orchestre philharmonique de Radio-France, en déplacement dans la petite salle de la Cité de la Musique.
« Métamorphoses » de Richard Strauss (1864-1949) constituent la première œuvre de la soirée. La pièce est qualifiée de « étude pour 23 cordes solistes ». C’est l’ensemble des cordes de l’orchestre qui joue, violons, altos, violoncelles et contrebasse. Barbara est habillée d’une chemise noire sur pantalon de cuir de la même couleur et de bottes montantes. Elle a lâché sa dégoulinade de cheveux blonds sur le noir de ses vêtements pour diriger cette pièce plutôt tragique, un long glissando de cordes déchirantes aux harmonies modernes, parfois légèrement dissonantes.
Pour la « Voix Humaine », Barbara Hannigan assure depuis son estrade, à la fois le chant de l’œuvre, une pièce de Cocteau, mise en musique par Francis Poulenc, et la direction de l’orchestre réuni ici au complet. Elle a changé de tenue noire avec cette fois-ci un pantalon de toile rentré dans ses bottes, façon Dock-Martens, et attaché ses cheveux. Comme elle fait face à ses musiciens, un grand écran les surplombe sur lequel sont projetés des images prises en direct par des vidéastes qui y ajoutent quelques effets techniques plutôt de bon aloi. La gestuelle de Barbara est à la fois celle du personnage de Cocteau et celle nécessaire à la conduite de l’orchestre qui semble sa satisfaire de ce partage des tâches. C’est un « dialogue » entre la voix et les instruments qui laisse de larges plages a capella où la soprano prend le pas sur l’orchestre. Son chant est légèrement sonorisé à l’aide d’un petit micro accroché à son oreille et dont la fine tige est appuyée sur une de ses pommettes.
L’histoire de Cocteau est celle d’une femme délaissée s’entretenant au téléphone avec l’amant qui la délaisse. Elle menace de se suicider, brame son amour, dialogue avec l’opératrice car la communication coupe, cherche à s’étrangler avec le fil du téléphone… Les paroles sont un peu nunuches mais c’est la règle du genre de la chanson lyrique française au mitan du XXe siècle. La musique est là pour accompagner, un peu en arrière de la main, dans des rythmes et des harmonies pouvant légèrement heurter les oreilles habituées à des représentations plus classiques.
La performance de Barbara Henningan et son orchestre rencontre un franc succès. Sans doute épuisée par ce double rôle elle revient saluer de nombreuses fois mais évite le « bis ».