L’accordéoniste Bogdan Nesterenko a présenté ce soir un nouveau programme et, toujours, son immense talent.
C’est avec une oeuvre de Rameau que le musicien ouvre la soirée qui sera centrée sur la danse, celles de son pays, joyeuses et entraînantes, d’autres venant de Norvège ; mais aussi des pièces plus tragiques, de Dvorak et l’immense Chaconne de Bach, écrite pour le violon, transposée ici pour accordéon, à la construction mathématique en 64 variations répétées sur 256 mesures, interposant une tonalité mineure entre deux majeures, alternant la virtuosité avec la méditation. Elle a été écrite par le Maître Bach à l’occasion de la mort de sa première épouse.
Bogdan marque un temps de silence, les yeux fermés, avant de se lancer dans ce monument de 15 minutes qui exige de son interprète autant de technique musicale que d’engagement émotionnel. Le résultat est époustouflant et laisse le public admiratif.
Deux pièces spécialement écrites pour l’accordéon sont aussi présentées ce soir. L’une d’un compositeur ukrainien, l’autre, plus contemporaine s’intitule « Guernica, 26 avril 1937 ». Ecrite par un compositeur espagnol, elle fait bien entendu référence au bombardement de la ville espagnole de Guernica par l’aviation des forces nazies et mussoliniennes en 1937. La composition évoque dans ses mouvements rapides la brutalité des bombes déversées par les avions félons et dans ses moments plus intimistes, la dévastation qui en résultat.
Entendre ce soir un accordéoniste ukrainien dont le pays est envahi par son voisin, jouer une pièce dédiée à Guernica, symbolise tristement la permanence de la barbarie du monde. Comme souvent, la musique essaye de panser les plaies.
Bogdan est non seulement un musicien flamboyant mais il est aussi un bon pédagogue, prenant le temps de nous expliquer le fonctionnement de son accordéon « Bayan » (ou accordéon de concert), 17 kg de mécanismes métalliques sophistiqués, et de nous présenter les oeuvres jouées ce soir.
Après un « bis » de Rameau, Bodgan reste un bon moment pour partager avec le public. On l’entend même parler ukrainien avec des compatriotes venus ce soir.