L’obsession syndicale et politique de l’âge de la retraite en France

Avec constance et détermination les syndicats et partis « progressistes », appuyés par le Rassemblement National (RN, droite) continuent à essayer de faire abroger ou suspendre la réforme des retraites adoptée en 2023 consistant, notamment, à faire passer l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans. Si tout le monde admet désormais que le système est déficitaire, c’est-à-dire que les cotisations versées sont inférieures aux prestations servies, et le resteront encore pour des années, les parties prenantes avancent des solutions différenciées pour financer le déficit, les uns veulent « taxer Bernard Arnault », les autres souhaitent redéployer sur les retraites françaises les aides dont bénéficient les immigrés.

Plus le gouvernement est faible et plus les élus reviennent sur ce mantra en en faisant l’alpha et l’oméga de leurs programmes affichant des résultats de sondages dans lesquels on demande à Mme. Michu si elle est d’accord pour travailler plus longtemps, comme si le résultat faisait mystère… Les partis abolitionnistes avancent également les arguments misérabilistes habituels, indexant les travailleurs de force qui se sont épuisés à travailler dans des usines (tout au moins dans celles qui existent encore) ou les centres logistiques d’Amazon et consort, passant sous silence ceux qui ont œuvré dans des bureaux ou dans des jobs physiquement peu fatigants. Si la France est bien en voie de « désindustrialisation » comme tout le monde s’en plaint c’est bien qu’il doit y avoir moins d’emplois industriels et plus d’emplois dans les services, a priori moins usants pour les organismes et donc susceptibles d’être tenus plus longtemps ?

Au-delà de ces combats partisans et un peu répétitifs, cette lubie française est symptomatique du rejet du travail par une Nation qui se rabougrit. Dans le monde d’aujourd’hui on ne connaît guère d’autres solutions pour enrichir les individus, les ménages, les entreprises, les nations… que le travail. Cette notion tend à disparaître progressivement de la conscience nationale au fur et à mesure que le sens de l’intérêt général se dissout au profit des intérêts particuliers. Alors de plus en plus de jeunes, du moins ceux qui sont dans l’emploi, prennent des années sabbatiques ou choisissent leur employeur non plus seulement sur le salaire offert ou d’un profil de carrière, mais aussi et surtout en fonction des possibilités de télétravail, des régimes de congés, des heures de présence demandées, des exigences en matière de tenue de travail, etc. De plus en plus les uns se plaignent de « burn-out », les autres de « souffrance au travail ». Devant ces évolutions les employeurs sont bien obligés de s’adapter, surtout ceux dans les secteurs demandeurs de profils plus rares sur le marché, et d’offrir à leurs candidats des conditions susceptibles de les séduire mais jouant généralement contre l’amélioration de la productivité.

La France tout entière tournée vers sa conception de l’égalitarisme veut baser son système de retraite sur la situation des « plus précaires » plutôt que de le formater sur le cas moyen avec des correctifs pour prendre en compte les écarts par rapport à cette moyenne, c’est-à-dire pour ceux qui sont au-dessous de ce cas moyen mais aussi pour ceux qui se trouvent au-dessus. Une majorité des partis représentés à l’assemblée nationale, de La France Insoumise (LFI) au RN veut rabaisser l’âge légal de la retraite à 62 voire 60 ans. Comme ils ne s’entendent pas sur le reste de leurs programmes respectifs ils n’arrivent pas pour le moment à se liguer pour obtenir satisfaction sur ce point. Les centristes qui ont porté le projet de l’âge légal à 64 ans se sentent bien seuls, d’autant plus que leur « allié » Les Républicains a été plutôt changeant sur le sujet et n’est pas pour rien dans la chute du gouvernement Bayrou, justement sur cette question de la retraite.

C’est ainsi que le pays continue son cheminement vers son rabougrissement déjà bien entamé.