« Orchestre philharmonique de Radio-France Alice Sara Ott et Jaap von Sweden » à l’auditorium de Radio France

L’Orchestre philharmonique de Radio France est dirigé ce soir par Jaap van Zweden qui, malgré un patronyme de coureur cycliste, est un chef réputé qui prendra la direction musicale de l’orchestre à partir du mois de septembre prochain.

La première œuvre, Arising Dances, est contemporaine, composée par Thierry Escaich, par ailleurs organiste du grand-orgue de Notre-Dame de Paris. Comme souvent, la programmation débute par des incursions dans le monde de la musique classique de notre temps. Ce peut être parfois un peu délicat pour l’oreille mais ce soir le dynamisme de l’orchestre pour cette modernité nous convainc. M. Escaich est présent dans la salle et partage le succès avec l’orchestre.

Le concerto en sol majeur de Maurice Ravel (1875-1937) est ensuite interprété avec la pianiste Alice Sara Ott. Allemande née 1988 d’une mère japonaise, elle apparaît ce soir vêtue d’une longue jupe jaune plissée de laquelle émergent ses pieds nus aux ongles rouges, comme ceux de ses mains qui courent sur le clavier. On connait cette œuvre de génie en trois mouvements, créée en 1932. L’histoire raconte que Maurice Ravel voulait la jouer lui-même pour cette création mais que l’exigence de virtuosité demandée par son compositeur… Ravel Maurice surpassait ses propres talents de pianiste. Il la fit donc interpréter par Marguerite Long à qui le concerto est d’ailleurs dédié.

Près de 90 ans plus tard, le concerto continue de se révéler une œuvre résolument moderne. Il a été, et est toujours, joué par les plus grands. L’interprétation ce soir d’Alice Sara Ott est sublime : enthousiaste sur l’Allegramente, redoutable de vivacité sur le Presto, et bouleversante sur l’Adagio assai, encadré par les deux premiers.

Cet Adagio, commencé par le piano seul se développe avec un duo avec la flûte, puis le hautbois, et la pianiste avant que l’orchestre ne reprenne en sourdine pour murmurer le fond sonore de cette longue phrase du piano qui monte et descend sur le clavier en même temps que les émotions dans nos âmes. La délicatesse de cette composition si mélancolique est fascinante et l’on se prend à rêver que, le moment venu, elle soit jouée pour accompagner notre dernier souffle. Alice l’interprète avec toute sa sensibilité et son talent, la salle est suspendue à son jeu. Cet Adagio est le chef d’œuvre dans le chef d’œuvre.

La pianiste revient pour un « bis » et interprète une Nocturne de John Field, compositeur irlandais contemporain de Beethoven à qui on attribue la paternité du genre « Nocturne » porté ensuite au plus haut par Chopin.

Avec le Concerto pour la main gauche écrit à la même période par Ravel pour un ami pianiste revenu manchot de la 1e guerre mondiale, le Concerto en sol fut la dernière œuvre écrite par le compositeur qui s’épuisa à la tâche, déjà guetté par la maladie cérébrale incurable qui le condamna au silence les quatre dernières années de sa vie et devait l’emporter en 1937.

Dans un message publié sur les réseaux sociaux, la pianiste Alice Sara Ott a annoncé, il y a quelques temps, qu’elle était atteinte de sclérose en plaques, une maladie diagnostiquée en janvier 2019.

La seconde partie est consacrée à des extraits des suites du ballet Roméo et Juliette de Prokofiev (1891-1953), une musique plus légère, rythmée, entraînante, parfois puissante. On en oublie complètement Shakespeare. Le programme nous apprend que la création de l’œuvre en 1936 rencontra un grand succès en URSS, y compris auprès du régime soviétique sui voyait dans les deux amoureux un symbole de liberté, en lutte contre les conventions bourgeoises.

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