« Le Belvédère – maison de Maurice Ravel » à Monfort l’Amaury

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Maurice Ravel (1875-1937), immense compositeur français, a passé les quinze dernières années de sa vie dans cette maison de Monfort l’Amaury acquise en 1921 grâce à un héritage. Il y composa certaines de ses grandes œuvres comme le Concerto pour piano en Sol, celui « Pour la main gauche » ainsi que le célèbre Boléro. La maison est de dimensions modestes, en dénivelé à mi-hauteur d’une colline. Elle est de forme triangulaire, faisant l’angle d’une allée qui descend en la contournant et d’une rue qui monte en serpentant autour du parc qui occupe le sommet de la colline. La façade ouest domine une vaste vallée de verdure et, au fond, on nous dit que se trouve Paris ; la nuit le faisceau lumineux de la Tour Eiffel se voit depuis Montfort. Ravel vivait ici avec ses deux chats siamois

L’ensemble de la maison a été décoré par le compositeur qui avait des idées assez précises en la matière. Également tourné vers la technologie de l’époque, il y fit installer le téléphone, le chauffage central et un chauffe-eau à gaz, luxes assez rares dans les années 1920. Il avait un électrophone pour écouter ses disques de jazz. La demeure est un peu conçue comme une maison de poupée. Tout est étroit et restreint, sans doute aussi dimensionné pour les tailles et corpulences plus petites il y a un siècle qu’aujourd’hui. Mais Ravel aime aussi le lilliputien, les meubles et étagères sont méticuleusement décorés de multiples petits bibelots et porcelaines, de minuscules jeux mécaniques dont le compositeur raffolait. Chaque pièce a ses propres thèmes et couleurs. Ravel avait une fidèle servante et les menus servis étaient toujours les mêmes avec systématiquement en entrée des maquereaux au vin blanc. Il recevait ses amis, ses interprètes, Colette qui n’habitait pas loin et qui avait écrit le livret de L’Enfant et les Sortilèges. Régulièrement il faisait des allers-retours sur Paris pour fumer ses Caporal dans les clubs de jazz de la capitale.

On arrive enfin dans la pièce où Ravel composait sur son piano à queue.

C’est le vrai piano ! Un des visiteurs, musicien, portant religieusement sa propre partition du Tombeau de Couperin comme s’il avait voulu l’imprégner de l’esprit ravélien qui hante cette demeure, demande très timidement s’il peut au moins poser un doigt sur une touche pour en jouer une note, une seule, voit sa requête rejetée poliment par la guide. C’est sur ce piano que Ravel a tenté de jouer la partition du Concerto en Sol qu’il avait lui-même écrite mais dont la difficulté technique était telle qu’il dû y renoncer et faire appel à Marguerite Long pour créer l’œuvre. Il avait dédié la Toccata du Tombeau de Couperin à Joseph de Marliave, mari de Marguerite, lui-même pianiste, mort au champ d’honneur en 1914. La reproduction en plâtre de la main de Marguerite Long est exposée en bonne place dans la vitrine de l’entrée, à côté de ses gilets et vestons, car Ravel était très élégant, presque dandy. A gauche du piano, le portrait de sa mère, en face le sien enfant et, à droite, celui de son père. Il y a là l’essentiel et on ressent une forte émotion et du respect devant ce piano qui permit à Ravel de composer parmi les plus belles pages de la musique du XXe siècle. A défaut des touches en ivoire du clavier, on se permet d’effleurer le dessus du piano en partant…

Aux pieds du petit escalier se trouve la chambre de Maurice avec sa salle de bains dans laquelle sont minutieusement ordonnés son matériel de rasage sur une étagère haute et ses instruments de manucure disposés sur une serviette dessinée en touches de piano sur celle du dessous. La pièce donne de pleins pieds sur une terrasse et le jardin japonais en contrebas, également aménagé par Ravel. A l’horizon, bien loin, il y a l’agitation parisienne.

En quittant Monfort l’Amaury, le visiteur découvre que le comté de Monfort était lié au duché de Bretagne depuis le XIIIe siècle, d’où la profusion de références à Anne de Bretagne qui ramena ce compté à la couronne de France lors de la réunion définitive de la Bretagne à la France au XVIe. L’église de Monfort l’Amaury organise toujours un pardon breton autour de l’Ascension.

C’était juste une petite heure dans le monde hors de portée d’un géant de la musique !