La célèbre salle de concert parisienne présente ce soir Lucas Moinet Trio. Son créateur est Lucas Moinet, musicien passionné, qui a créé le Studio 937 autour duquel gravitent ses amis musiciens dont les cinq qui sont présents ici. Eh oui, le trio est en fait composé de six membres. Lucas devait se préoccuper de ses arpèges de guitare pendant ses cours de mathématique à l’école et nous n’avons qu’à nous en féliciter. Un sextet certes, mais un groupe plein de talent, d’enthousiasme et de sincérité. Lucas, multi-instrumentiste, exerce aussi des activités de DJ, de producteur et de patron de studio. Et quand il ne fait pas musique, il semble qu’il ait en plus un métier dans le « civil ».
Le programme du New Morning et les annonces du concert sur les réseaux dits « sociaux » parlent de jazz-fusion, de funk retro-futuriste, de boogie, de house ou de groove romantique, appellations quelque peu abscondes pour les plus de 30 ans mais qu’importe les termes puisque seuls comptent la musique et ceux qui la font et l’interprètent.
Lucas entre en scène, vissé sous sa casquette (portée à l’endroit), pour s’installer devant ses claviers et accueillir les musiciens qui le rejoignent un par un. La bassiste Camille Frillex qui est sans doute la virtuose du groupe, ses cheveux engoncés dans une casquette de titi parisien (portée à l’envers), sa guitare-bass tenue à l’épaule par une bandoulière aux couleurs rasta. Grande bringue impassible son jeu marque le rythme sur lequel se règle la musique. Son solo de fin de concert est éblouissant. La batteuse, Lulu Jems, lunettes noires et cheveux bouclés, tatouages et gros bras, assume un look hard-rock mais délivre un touché jazzy tout en finesse. Elle fait le duo rythmique parfait avec Camille.
Le saxophoniste Lukasa, à la chevelure romantique, souffle de façon flamboyante, et se recoiffe le reste du temps. Il joue parfois en duo avec un trompettiste invité et s’installe aussi derrière le piano à queue sur certains morceaux. Le guitariste « Stupid flash » est tout en riffs secs et pizzicatos délicats.
L’ambiance du New Morning est du genre cabaret pour bandes de jeunes cultivés alors, même pendant le show, les spectateurs continuent à parler (fort) et à se déplacer vers les bars pour remplir leurs pintes. Mais tout le monde est heureux sauf quelques vieux grognons qui auraient pu vivre avec un peu plus de concentration et un peu moins de lumière.
La musique s’écoule avec bonheur et naturel sous la direction discrète de Lucas qui anime le groupe avec un naturel de vieux professionnel. De longs morceaux de 10 mn aux rythmes chaloupés et élégants. Une espèce de muzak méditative qui pousse à la sérénité et à l’apaisement. Lucas pose sa voix vocodée sur l’ensemble. C’est lui qui compose les notes et écrit les mots… que l’on ne comprend pas du fait du traitement de sa voix. Qu’importe, on se laisse porter par la vague chaude et ondulante de cette musique qui nous envahit comme la crème brûlée coule dans le gosier. Il nous dit quelques mots de présentation avant certains morceaux. Sur New Morning, il explique que ses parents l’emmenaient régulièrement assister à des concerts dans cette salle quand il était jeune, lieu qu’il fréquenta encore plus quand il fut en âge d’acheter lui-même ses billets, d’où sa grande émotion d’y jouer ce soir avec ses amis ; Close to You, une histoire d’attachement pour ceux qui tiennent l’un à l’autre, Something about Us, une reprise de Daft Punk qui clôt le concert avant le rappel sur Waste my Time.
Avant la porte de sortie une table propose le disque du groupe Time Travel… uniquement en version vinyle. Les jeunes cultivés d’aujourd’hui n’écoutent plus que des vinyles, format que les vieux grognons ont abandonné avec leur jeunesse il y a cinquante ans. Dehors, un vendredi soir dans le Xe arrondissement parisien, l’atmosphère est aussi très jeune, sans doute un peu moins érudite, plus tournée vers la bière que le jazz-fusion. Il faut de tout pour faire le monde, et surtout de la musique. Merci au Trio et à leurs amis de combler si magnifiquement ce besoin vital !

