C’est le dixième anniversaire de la mort du grand pianiste italien Aldo Ciccolini, décédé à 89 ans en 2015. Pour l’occasion France Musique édite une série de podcasts basés sur une longue interview du musicien réalisée en 1998 au crépuscule de sa vie. D’une voix douce, mélancolique et un peu lasse, avec une pointe d’accent italien qui rend son élocution si harmonieuse, il raconte sa vie exceptionnelle tout entière consacrée à la musique. Il affirme qu’il sut lire la musique à 4 ans, avant de savoir écrire, s’être dirigé vers la composition puis d’y avoir renoncé, persuadé qu’il n’avait pas le talent suffisant pour devenir un compositeur au-dessus du lot, pour l’interprétation domaine dans lequel il fut véritablement un pianiste hors pair.
Il explique avoir été 1er grand prix du concours Marguerite Long en 1949, « par hasard » ajoute-t-il, sans vraiment l’avoir voulu. Quand on connait le niveau d’exigence de ce concours on a du mal à imaginer qu’il l’ait emporté en passant. Mais du coup il s’installe en France dont il fera son pays de résidence principale. Il est enterré dans la région occitane, à côté de Déodat de Séverac, l’un des compositeurs français qu’il a défendu toute sa vie, avec Satie, Ravel, Debussy, Chabrier… Il dit : « Jusqu’à Webern, tous les grands du passé sont des Dieux » ou « Je crois qu’il n’y a pas de la mauvaise musique, il y a de la musique inutile » mais refuse d’en désigner des exemples, « par discrétion ».
Samson François parlait de lui comme « la grâce ». C’est d’ailleurs Ciccolini qui joua pour un concert hommage en 1972 au Festival de Nohant après la mort de Samson en 1970. Il a rêvé de Beethoven dans sa jeunesse mais a toujours refusé d’enregistrer ses œuvres à l’époque car ne s’estimant pas assez mûr pour affronter ce géant, « avant d’avoir vécu assez longtemps ». Et s’il les avait jouées quand même, eh bien il lui aurait fallu les réenregistrer plus tard, à l’âge de la maturité.
Il forma un duo musical légendaire avec la soprano Elisabeth Schwarzkopf (1915-2006) dont quelques subsistent quelques enregistrements. Il n’aime pas Bach au piano. Il est fasciné par le compositeur Janáček (1854-1928) qui est mort fou en se sachant fou et qui écrit des compositions qui sont des pages pleines de « désagrégation de la pensée musicale », un territoire qui n’avait été touché par personne, pas même Schuman dont la folie était « humaine ».
Sur une île déserte il emporterait le 4e concerto de Beethoven, le pianiste Michelangeli, Tristan & Iseult et Parsifal.
Il n’a jamais écrit ses mémoires et n’en écrira jamais « il suffit d’écouter mes disques ; on ne parle pas de musique, on en fait ». On ne sait rien de sa vie privée sinon qu’il préfère la compagnie des chats à celle des hommes. Artiste solitaire, un peu misanthrope, il est de ces géants qui continuent d’élever leurs auditoires en interprétant la musique des Dieux.


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