An Pierlé & White Velvet – 2007/12/05 – Paris le Zèbre de Belleville

An Pierlé et son White Velvet ont posé leur sac pour une dizaine de jours dans cette agréable petite salle du Zèbre de Belleville qu’elle qualifie de son living room. Un environnement intimiste, propice aux confidences et au partage, un cadre où An parle à chacun de nous. Le White Velvet est en concert privé dans notre salon, laissons nous aller et ne boudons pas notre plaisir.

Une première partie, également belge, The Bony King Of Nowhere fait bonne impression.

Blonde charmeuse toute habillée de noir, An se faufile à travers les instruments posés au hasard de cette scène microscopique pour s’asseoir sur un ballon et attaquer l’ivoire de son piano électrique. Elle exhale un léger sentiment de domination en posant son fondement sur cette mappemonde, même Chaplin n’avait pas osé telle posture lorsque le Dictateur jouait avec le globe terrestre. Mais il y a surtout de la souplesse, de la rondeur, de l’à-propos à un tel siège. Elle le roule doucement lorsqu’elle remonte les arpèges, l’ovalise en l’écrasant lorsqu’elle plaque des accords rageurs. Tel un clown et son nez rouge elle vogue sur les vagues d’une musique profondément romantique et sereine.

Son groupe est inchangé, mené par son amoureux Koen Gisen aux guitares, renforcé par un clavier, un deuxième guitariste qui touche aussi au violoncelle, un bassiste et un batteur dont la batterie est réduite à sa plus simple expression vu l’exigüité de la scène.

Ses premières notes font frissonner ses invités, toujours cette voix chaude et douloureuse qui nous a tant séduits sur ses disques. Une voix parfaitement contrôlée qui exprime toute la gamme des sentiments avec la même perfection. Une voix à cœur ouvert pour nous enchanter. Une voix qui laisse couler des flots d’émotion et nous emporte dans le tourbillon de mélodies pleines de subtilité et d’allant. Des mots qui racontent le temps qui passe, les moments de bonheur qu’il faut préserver avant qu’ils ne se dissolvent dans les airs. Des textes empreints d’une sourde mélancolie que les clowneries d’An entre les morceaux ne suffisent pas à lever. Les instruments se complètent à merveille pour distiller la tension, appuyer le tragique ; le cello, comme toujours, les cordes de la tristesse.

Ce soir l’atmosphère est plus délicate que l’an passé au Café de la Danse mais le groupe sait reprendre le chemin la route du rock et se lance dans un hommage posthume et énergique à Fred Chichin avec la reprise endiablée de C’est comme ça des Rita Mitssouko sur laquelle les guitares claquent et la belle se déchaîne. Retour à la douceur avec une autre reprise originale : Such a Shame des Talk Talk. Quelques nouvelles chansons sont présentées laissant présager un futur disque à la hauteur des précédents.

Ce soir est à l’heure du romantisme et de l’harmonie, qui s’en plaindra tant la voix et la personnalité d’An sont séduisantes et envoutantes ? Sa maison de production s’appelle « A gauche de la Lune », quel meilleur endroit pour inspirer cette musique spatiale : Jupiter looks good tonight/ But I fear to fall into the sky/ Let it be, for what it’s worth/ Let it bleed into a mild surprise/ I musn’t make you call/ We ain’t got a future/ That is all.

Et après ces moments d’émotion à l’état pur, An revêtue d’un sweet-shirt noir passé sur sa chevelure blonde en sueur dédicace son disque au chroniqueur, après l’avoir gratifié d’un joli dessin naïf sur la couverture de Mud Stories.