Antony & the Johnsons – 2006/11/07 – Paris l’Olympia

Antony & the Johnsons se produisent à l’Olympia sur une mise en scène de Charles Atlas. Le nouveau héros de la scène new-yorkaise qui fait se déplacer les plus grands, Lou Reed chante sur son dernier disque I’m a bird now, nous ouvre ce soir son monde tragique et bouleversant. Antony c’est d’abord une voix troublante dont le vibrato diffuse la douceur et la délicatesse d’un oisillon tombé dans les bas-fonds d’un monde acharné à l’écraser et qui regarde malgré tout vers le ciel dans l’espoir de retrouver l’illusion de son nid. Cette voix à l’amplitude vertigineuse transcende la souffrance de son auteur, elle incarne ce personnage torturé qui se tient devant nous, tout de noir vêtu. Lorsqu’il chante, ses mains se tordent en mouvements désordonnés, on a l’impression d’un processus douloureux et infiniment solitaire.

Les cordes et le piano qui l’accompagnent se cachent derrière cette voix sublime juste pour marquer la tonalité et laisser s’envoler le flot de ses vocalises.

Durant les 13 chansons du show, 13 femmes montent l’une après l’autre sur une mini-scène, tournant sans fin sur elle-même, pour être projetées sur le grand écran derrière le groupe. Jeunes ou vieilles, minces ou rondes, modernes ou classiques, c’est la féminité qui s’expose derrière l’artiste masculin/féminin et cette ambigüité est le thème majeur de ses textes et de sa douleur.

On a le souffle coupé par les flots d’émotion qui nous submergent en vagues de mélancolie. C’est le propre de l’artiste d’extérioriser ses sentiments. La réussite d’Antony est à cet égard proprement incroyable ! Tout est posé la où il le faut pour arriver à composer un joyau de pureté et de dépouillement. Il y de multiples inspirations dans cette musique : soul, blues, mais surtout la formidable énergie créatrice d’un auteur à part, guidé par un mal-être qu’il met en notes chaleureuses. Et là n’est pas la moindre des contradictions de cette musique étrange, elle est interprétée avec tellement d’âme qu’elle en devient douce !

Le rappel Man is the Baby est chanté au milieu des 13 femmes dispersées sur la grande scène.

Forgive me, Let live me
Bless my destiny
Set my spirit free
Weakness sown, Overgrown
Man is the baby.

L’assistance reste muette de bonheur mais sans arriver à se dégager de cette tristesse qui imprègne la performance artistique de ce chanteur/compositeur d’exception. Sa fragilité effraie, son désespoir est contagieux, son monde est obscur. Mais quelle beauté tirée de toute cette noirceur !