Blonde Redhead – 2008/04/17 – Paris le Bataclan

Les Blonde Redhead nous ont offert ce soir une très troublante prestation musicale et artistique, à laquelle peu nombreux parmi les spectateurs ont pu rester insensibles.

Devastations, un trio australien, donne le la avec un warm-up sombre et technoïde, composé de guitares larsénisantes et obsédantes. Three imaginary boys déployant leur créativité électrique dans l’univers du chaos.

Les Blonde que l’on avait vus à Paris en 2007 en première partie de Air au Zénith sont cette fois-ci le point d’orgue de la soirée. Fruit de la rencontre artistique d’une paire de jumeaux italiens guitare-voix/ batterie et d’une chanteuse japonaise, enregistrant à New-York, le trio égrène la scène musicale arty de ses productions novatrices et délicates depuis une petite douzaine d’années.

Après l’entrée en scène du duo italo-masculin-frisotant du groupe, Kazu débarque habillée d’une robe blanche et courte, brodée façon inuit urbain, les cheveux longs et raides, une frange masquant ses yeux. Elle s’empare d’une bass et lance Falling Man chanté par Amadeo le guitariste solo. Ils échangeront tout au long du show bass, guitare et vocaux en une étonnante symbiose, marque d’un fructueux travail de groupe et de composition. Kazu passe parfois au clavier tout en continuant à chanter, assise ou debout. La formation la plus efficace et la plus envoutante reste Amadeo à la guitare et Kazu au chant/ bass ou clavier.

Les lumières sont tamisées tout au long du show, entretenant cette atmosphère entre deux eaux dans laquelle se coule si bien cette musique aux couleurs obscures mais aériennes.

Les guitares sont stridentes, agiles et traitées grands espaces. Au-delà du déchaînement électrique des cordes, la voix de Kazu flotte bien haut dans les nuées et se propage sur nos épidermes ultra-sensibilisés par une telle énergique harmonie. Une espèce de fusion délicieuse qui nous emmène au paradis d’un rock subtil et dérangeant.

Et lorsque soudain au détour d’un morceau Kazu se prend à danser elle plonge alors dans une transe solitaire et extatique que l’assemblée s’essaye à partager, mais elle est tombée de l’autre coté de notre réalité, dans un monde qui est le sien, toujours reliée à son public par cette voix transcendante qui nous touche au but, telle une éruption solaire se propageant à travers le vortex de nos sentiments. D’une sensualité déchirante ses pas de danse la promènent sur la scène derrière la cascade de ses cheveux brun-roux. Elle est ailleurs, dans son propre espace, celui de l’intimité de l’artiste où l’on est à la limite de se sentir incongru. Elle est touchante, gracile, débridée, sauvage, et chante si divinement sur une guitare new age parfaitement placée. Lorsqu’elle passe le relais du chant le show reste fascinant, la voix masculine d’Amadeo, tendue et haut perchée, est également troublante comme le reste Kazu concentrée sur ses cordes et ses mouvances.

Les albums 23 et Misery is A Butterfly constituent l’essentiel de l’inspiration de ce concert (personne ne s’en plaindra) mené tambour battant, qui monte en intensité jusqu’à l’explosion finale de deux rappels exceptionnels chantés par Kazu. Sa voix émouvante, forcée dans les aigus, toujours à la limite de la brisure, susurre des paroles mystérieuses sur la guitare d’Amadeo. 23 est une perle de jade offerte dans son écrin velouté : Twenty three seconds/ All things we love will die/ Twenty three magic/ If you can change your life/… / He was a friend of mine/ He was a son of god/ He was a son of a gun/ He was a son of god. La sale frissonne d’émotion et s’accroche jusqu’à Misery is A Butterfly pour revenir en douceur vers un peu de sérénité et l’atmosphère douce-amère diffusée par la musique ce groupe.
Quelques minutes après le retour des lumières, Kazu redescendue sur notre planète, s’assied sur le bord de la scène pour signer des autographes.

Set list: Falling Man/ Dr. Strangeluv/ Spring And By Summer Fall/ In Particular/ SW/ The Dress/ Melody Of Certain Three/ Equus/ 10/ (We Are a Real Team) Harry and I
Encore1: Publisher/ 23/ Melody
Encore2: Silently/ Misery Is A Butterfly