John Cale, héraut du Rock’n’Roll alternatif nous présente une rétrospective de ses créations au Café de la Danse, entouré d’un groupe de gamins qui ont l’âge de ses enfants et jouent comme des dieux. Après l’immense prestation de Lou Reed à Paris en avril dernier, voilà réunis à six mois d’intervalles les deux piliers de l’âme du Velvet Underground, groupe new-yorkais qui il y a trente ans, avec seulement cinq disques, a si considérablement influencé le Rock moderne jusqu’à nos jours, et mon propre parcours musical depuis toujours.
Le show commence avec le seul rappel de ce passé glorieux, Venus in Furs, Cale à l’alto électrique relance cette stridence de cordes lancinantes : Shiny, shiny, shiny boots of leather/ I am tired, I am weary/ I could sleep for a thousand years/ A thousand dreams taht would awake me/ Different colors made of tears, un vent d’émotion souffle sur les spectateurs.
Et d’enchaîner ensuite sur un pêle-mêle de morceaux choisis au hasard des trente années d’une carrière solo post-Velvet sur des chemins de traverse qui l’ont vu endosser les costumes d’inventeur multi-instrumentiste, de producteur (The Stogges, Patti Smith pour Horses, The Modern Lovers, Nico), de collaborateur à des projets musicaux originaux (Brian Eno, Kevin Ayers, Lou Reed encore pour le Song for Drella en hommage à Andy Wahrol), de compositeur d’opéra (en souvenir de Nico, l’amour foudroyé dont il ne s’est jamais remis). Mais bien plus fondamentalement, Cale est un Musicien écorché qui surfe sur l’émotion des notes, des textes et des sons. Ce concert parisien en est la preuve perpétuée.
Dans cette salle conviviale, je suis debout aux pieds de Cale et détaille le jeu de guitare précis et torturé du vieux professionnel aux cheveux blancs. Ses mains courent sur le manche avec habilité et automatisme, ainsi qu’une certaine lassitude. Ces doigts ont joué sur tellement de cordes, remonté des arpèges sur tant de notes d’ivoire noir et blanc, délivré combien de bonheur, inspiré nombre de musiciens amateurs, peuplé les ténèbres de si nombreuses personnes durant si longtemps. C’est le compagnon d’une génération.
Je suis aux pieds d’une légende qui a porté haut l’étendard de l’expression musicale et poétique et j’en suis ému. Loin des expériences musicales avant-gardistes d’antan ou des sombres mélopées sur base d’harmonium jouées un temps dans des églises, John Cale nous délivre un rock-pop pur et énergique, comme un retour aux valeurs artistiques simples et dépouillées. L’audience, évidement conquise, en redemande.