The Strokes – 2003/12/10 – Paris le Zénith

par

dans Catégorie :

The Strokes arrivent en France précédés d’une dithyrambique réputation et le public parisien se presse au Zénith pour découvrir « le nouveau Velvet » encensé par la presse rock internationale. Leur dernier disque Room On Fire est disponible dans les bacs depuis un mois. Il déclenche a priori moins d’enthousiasme que le premier.

Et l’on voit débouler sur la scène nos cinq trublions new-yorkais qui entament leur set avec Reptila sous une lumière éblouissante de stroboscopes flashant la salle. Avec son refrain déclamé sur un rythme effréné :

I said please don’t slow me down / If I’m going to fast

le ton est donné, et personne ne viendra ralentir ni tenter de décourager cet emballement musical.

Ils sont dégingandés, fagottés dans d’improbables Jeans/Converses, le cheveu dégoulinant, le jeu de scène plutôt statique. Julian Casablancas, auteur compositeur du groupe, promène sa rogue hésitante entre deux cigarettes et trois pirouettes avec le public. Fils du patron de l’agence de mannequins Elite, on imagine sa vie sentimentale plutôt fluide. Il développe une voix rocailleuse qu’un traitement électronique rend nasillarde. Il déclame des onomatopées sur les couples, la gloire, l’après, les nuits urbaines, le temps qui manque, bref l’urgence de la vie sur une planète hystérique.

Ce look désabusé n’empêche pas un déferlement d’énergie stupéfiant. Le son est puissant, les riffs saccadés crachent l’urgence sans rémission (Give me some time, I just need a little time / Is this how it ends?), les guitares déchaînent le beat furieux de nos temps modernes. Les solos sont réduits au strict minimum, quelques notes qui s’échappent par accident de la machine infernale en route vers l’enfer (Never was on time). Le tout est prévisible mais furieux, contrôlé mais débridé. On ne croule pas sous le déluge des notes ni des accords mais on reste pantois de leur maîtrise répétitive et machinale du fond musical. Guitares, bass et batterie sont au carré pour déployer le tapis pourpre d’une cadence hallucinante. C’est la grande force des Strokes d’impulser un rythme itératif et féroce sur lequel se placent à bon escient la voix et les mots de Casablancas.

Les morceaux de leurs deux disques se succèdent tels les flots de voitures dans les rues de Manhattan, seulement ponctués des Walk / Don’t Walk de feux impuissants à enrayer le déferlement : What Ever Happened, Automatic Stop, 12 :51, New York City Cops, Hard To Explain, Someday, Last Nite, …

Hommage aux Maîtres, ils nous offrent une redoutable reprise de Clampdown du Clash prélevé sur London Calling. Et plutôt que les références journalistiques au Velvet Underground ou à Blondie, on tient avec The Clash la réelle inspiration de ce groupe hargneux qui hurle à la cantonade :

The end has no end the end has no end

The Strokes nous sert un final éblouissant avec Take It Or Leave It et après une petite heure de musique enfiévrée, plie bagage pour ne plus revenir, laissant frustré un Zénith dans le feu du coitus interomptus.

Ce départ précipité relève de la faute de goût, d’autant plus qu’elle est récurrente. Mais soyons généreux, il s’agit seulement d’une bande de cinq gamins de 23 ans, à la morgue rafraîchissante, qui nous ont fait rock’n’roller aux rythmes incandescents de la rue new-yorkaise dans la joie et la bonne humeur. C’est revigorant et percutant. Ca pulse, ça déménage et ça réveille es morts. Ce n’est peut-être pas l’avenir du Rock’nRoll mais c’en est un présent emblématique.

Et puis des garnements qui inscrivent Thank You au dos de leurs disques ne peuvent pas être simplement de mauvais garçons.