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  • Soulwax – 2005/02/21 – Paris l’Elysée Montmartre

    SoulWax est de retour à Paris après sa prestation au Festival des Inrock, avortée pour cause de couvre feu. Ils sont précédés d’une honorable première partie : Whitey qui sonne dur et hargneux.

    Fondé par les frères Dewaele, les SoulWax, groupe de cinq musiciens belges, vedettes de la soirée, arrivent ensuite, tous de noir vêtus, sur fond de décor crypto-ska (à moins d’une réminiscence de Parallel Lines de Blondie ?), lignes noires et blanches verticales.

    Guitares et machines synthétiseurs composent la base de cette musique de DJs qui mixe le rock et l’électro. Le son est fort et les rythmes brutaux. Le chanteur dégoise dans un micro à l’ancienne, style Elvis. Désertant par moment leurs guitares et micros cette équipée sauvage de musiciens déjantés se penche sur ses ordinateurs, tournant boutons et agitant curseurs, nous délivrant du Kraftwerk revisité transe.

    Avec les Radio4 et autres The Killers, cette nouvelle vague de gamins fringants et pressés reviennent à une punk attitude modernisée du meilleur effet. A suivre de près.

  • Radio 4 – 2005/02/16 – Paris le Trabendo

    Une petite foule passionnée d’habitués se presse ce soir au Trabendo pour de nouvelles découvertes rock. La programmation de cette annexe du Zénith se fait pointue pour le plus grand bonheur des parisiens qui assistent dans une ambiance bar-boîte à la présentation des groupes de demain.

    Nadj démarre le show par une demi-heure rafraîchissante. Une jeune néo-punkette grenobloise emmène un trio de choc qui ne mesure pas son énergie pour nous servir de courts morceaux plaqués de riffs vengeurs. C’est carré, charmeur et concis. Trois musiciens de circonstance se font plaisir en nous présentant leur création et en rêvant de gloire future. Je laisse 10 euros au comptoir pour repartir avec le disque de Nadj

    Les cinq new-yorkais de Radio4 prennent la suite. Proprets, ils cachent bien leur jeu lorsque démarrent la lourde bass du chanteur-leader qui nous révèle un musique urbaine et saccadée. Un percussionniste placé sur le devant de la scène enrichit la classique batterie d’une touche exotique tirant parfois sur l’hystérique. Un guitariste funky sur le fil du rasoir assène des riffs électriques, grimaçants et coupants. Un clavier joue les utilités en trifouillant dans des machines au son techno. C’est une réincarnation des Talking Heads, moderne et attirante comme la formation de leurs glorieux aînés, peut-être pas encore aussi machiavélique.

    La musique file à toute allure sur les rails d’une dance-punk originale et évidente. La salle s’en donne à cœur joie et goûte une félicité sans partage. Après un premier rappel, les musiciens, cédant aux hourras, reviennent sans instrument pour expliquer qu’ils ont joué toutes les chansons qu’ils connaissaient. On ne aurait bien réécouté une ou deux. Rideau !

  • Etxebarria Lucia, ‘Amour, Prozac et autres curiosités’.

    Sortie : , Chez : . Biographe de Courntey Love, Etxebarria nous raconte la vie déjantée de trois sœurs madrilènes, l’une accrochée à Joy Division et à l’ecstasy, la deuxième au Prozac et la troisième à sa carrière. C’est une chronique désopilante et troublante des malheurs ordinaires de nos vies sans relief. On y trouve tous les ingrédients du désastre : le sexe lâche, la drogue illusoire, le père disparu, la mère envahissante, le travail sans création ; bref, la vie sans passion dans un quotidien sans enjeu.

  • Harrison Jim, ‘En Marge’.

    Sortie : 2022, Chez : Christian Bourgois Editeur

    Harrison revient sur le parcours qui l’a fait un des écrivains importants du XX° siècle. Bien sûr il y est question de la nature sauvage du Michigan nord, de chasse, de pêche, de bouffe et, toujours, d’écriture et de poésie qui sont la trame du livre et de la vie de son auteur. Un destin pensé pour et orienté vers la création littéraire, qui a produit parmi les œuvres majeures de la littérature américaine. De l’université à Hollywood, du Nebraska à la Bourgogne, Harrison absorbe tout ce qui passe à sa portée et le restitue dans l’écriture. Il pêche son matériau dans les eaux profondes de l’humanité et ce qu’il ferre n’est pas toujours réjouissant mais c’est ce qui a forgé Dalva et Sur La Route Du Retour alors on en redemande.

    Je suis de nature un semi-reclus, un mélancolique bénin à la recherche d’un équilibre précaire entre des extrêmes effrayants, bien décidé à ne pas me faire remarquer, mais tout aussi désireux de ne pas garder un profil bas.

    Dans son style foisonnant et riche mais sans fioritures, Harrison cite Steinbeck, Rimbaud, Rilke (« Qu’est-ce que le destin, sinon la densité de l’enfance ? ») et moulte autres écrivains peu connus du lecteur français. Il jongle avec les mots et les idées, ose des rapprochements acrobatiques entre situations et pensées, souvent drôles, jamais cyniques.

    Malheureusement, les diverses variantes de l’apitoiement sur soi sont les émotions les plus dangereuses que nous puissions connaître.

    Malgré quelques dérives alimentaires à Hollywood cet homme n’est que littérature et maîtrise des mots. Déjà une légende !

  • Kasabian – 2005/01/27 – Paris le Trabendo

    Kasabian, le groupe dont on parle est en tournée à Paris. C’est le Trabendo qui accueille cette joyeuse bande de va-nu-pieds de 25 ans, chevelus et barbus, à l’humour crypto lycéen : Kasabian est le nom de la petite amie de Charles Manson…

    Dans cette petite salle au plafond bas plane l’atmosphère garage rock qui sied excellemment à ce groupe vainqueur assurant ici la promotion de son premier et unique disque. A la découverte du rock nouveau, on se prend à se souvenir de la Factory si créatrice sous l’ombre tutélaire d’Andy.

    La musique de Kasabian est tendue, servie par un light show stroboscopique ajoutant à l’urgence de ce rock. La rythmique prééminente emmène l’ensemble dans une logique résolument moderne, pleine de joyeuse énergie. Les musiciens se relaient aux claviers pour produire quelques arabesques sonores synthétisantes qui viennent briser l’axe évident suivis par les guitares.

    La voix grave du chanteur-compositeur Sergio Pizzorno déclenche l’hystérie de jeunes girls qui grimpent sur la scène pour déposer de bruyants smack sur ses joues mal rasées, débordant les body-guards qui ne savent plus où donner de la tête.

    Puisqu’il est de bon ton de faire référence à Primal Scream, n’hésitons pas à confirmer. Avec Kasabian, Radio4, The Strokes et quelques autres, c’est le rock du 21ème siècle qui balbutie pour trouver ses marques. Rien de fondamental mais simplement des gamins de notre temps, avides de musique, qui nous développent une vitalité audacieuse et enthousiasmante.

  • Rouaud Jean, ‘Les Champs d’Honneur’.

    Sortie : , Chez : . Un livre étonnant sur la mort des proches de l’auteur qui publie un premier roman d’une grande maturité. La Mémoire est investie dans ses moindres détails par un narrateur à la précision balzacienne. On y retrouve les habitudes de famille, les petites querelles et les grandes valeurs, les paysages trempés de la Loire inférieure et les tranchées tragiques de la Grande guerre. Au gré de ces brumes et de ces souffrances, on plonge au coeur de l’enchevêtrement des personnalités qui font notre Société. Ceux qui restent poursuivent l’Histoire !

  • Beigbeder Frédéric, ‘Windows on the World’.

    Sortie : , Chez : . Les dernières minutes de visiteurs du dernier étage du World Trade Center entre le crash des jets et l’effondrement des tours. Beigbeder, incorrigible, en profite largement pour parler de lui et de ses angoisses « existentielles » d’ancien pubeur cocaïné. Malgré ces dérapages égocentriques, c’est enlevé dans le tragique, percutant dans le style, déprimant dans la narration de cet événement fondateur de la décadence de notre Monde.

  • Beautiful Losers

    Arte a diffusé en 1997 un merveilleux documentaire : Beautiful Losers, ou les pérégrinations vitales de Willy De Ville, Marianne Faithfull et Leonard Cohen, troubadours désespérés, transformés en créateurs inspirés par les affres de la drogue. C’est une ballade triste mais sereine dans les années 60’ qui ont engendré parmi les plus belles pages du Rock’n Roll.

    Tout ce petit monde, désormais à l’abri du besoin mais sans ostentation, se penche avec une nostalgie analytique sur un passé fondateur de la musique qui a bercé plusieurs générations depuis. Un passé de désastre et de fracture qui a trouvé son aboutissement dans une création artistique apaisée pour ces survivants quinquas.

    A leur écoute on ressent du soulagement d’être présents pour raconter. Il n’y a plus d’amertume face à leur révolte défaite. La poésie a comblé le vide et la perte, la musique a stoppé les artistes au bord du gouffre. L’art a vaincu la déchirure, finalement ! Il a sauvé l’essentiel !

    Les voix de notre trio sont doucement troublantes, des voix décavées, usées par l’alcool et la nicotine, extraites des profondeurs de la souffrance qui n’est jamais loin. La légèreté des années 60s a fondu dans leurs expériences tragiques. Leur quête constante pour transcender les peurs de notre siècle s’est libérée dans une énergie revigorante bien qu’un soupçon désabusée, forgée au cœur d’une solitude créatrice qui a pris le pas sur la vie communautaire d’antan.

    On sent des artistes matures, en paix avec eux-mêmes, simplement en lutte avec le processus d’écriture et de composition si exigeant, ne voulant rendre des comptes qu’à leur public et à leurs muses. Qu’il en soit ainsi pour encore de longues années !

    A la fin du DVD, Leonard Cohen, tranquillement accoudé à la fenêtre de sa cuisine de Los Angeles récite calmement quelques strophes de son poème A Thousand Kisses Deep :

    Don’t matter if the road is long,
    don’t matter if it’s steep,
    don’t matter if the moon is gone
    and the darkness is complete,
    don’t matter if we lose our way
    it’s written that we’ll meet,
    at least, that’s what I heard you say
    a thousand kisses deep.

    I loved you when you opened
    like a lily to the heat
    you see, I’m just another snowman
    standing in the rain and sleet
    who loved you with his frozen love
    his second hand physique
    with all he is and all he was
    a thousand kisses deep.

    I know you had to lie to me,
    I know you had to cheat,
    you learned it on your father’s knee
    and at your mother’s feet,
    but did you have to fight your way
    across the burning street
    when all our vital interests lay
    a thousand kisses deep.

    I’m turning tricks,
    I’m getting fixed,
    I’m back on boogie street,
    I’d like to quit the business
    but I’m in it, so to speak,
    the thought of you is peaceful
    and the file on you complete
    except what I forgot to do
    a thousand kisses deep.

    Don’t matter if you’re rich and strong,
    Don’t matter if you’re weak,
    Don’t matter if you write a song
    the nightingales repeat,
    don’t matter if it’s nine to five
    or timeless and unique,
    you ditch your life to stay alive
    a thousand kisses deep.

    The ponies run
    the girls are young
    the odds are there to beat,
    you win a while, and then it’s done
    your little winning streak,
    and summon now to deal with your invincible defeat
    you live your life as if it’s real
    a thousand kisses deep.

    I hear their voices in the wine
    that sometimes did me seek,
    the band is playing Auld Lang Syne
    but the heart will not retreat,
    there’s no forsaking what you love
    no existential leap
    as witnessed here in time and blood
    a thousand kisses deep.

    Leonard Cohen
  • Derrida / Roudinesco , ‘De quoi demain… Dialogues’.

    Sortie : , Chez : . Élévation fascinante dans le monde de la pensée de ces deux grands esprits. L’un est le philosophe de la « déconstruction », l’autre est historienne. Ensemble ils « déconstruisent » les idées et passent notre monde à la moulinette de l’analyse philosophique, historique et psychanalytique. Ils montent à l’assaut des principes et idées reçues sur des sujets aussi divers que la peine de mort, la famille, les violences contre les animaux, les héritages politiques et la révolution, ou l’antisémitisme. Derrida, juif né à Alger, évoque ses origines avec discrétion au hasard des pages. Les références littéraires et philosophiques sont nombreuses et rendent l’ensemble pas forcément évident à suivre pour les néophytes qui sentent tout de même passer le souffle de l’Esprit sur ces débats.

  • Rocard Francis, ‘Planète Rouge, Mars : mythes et exploration’.

    Sortie : , Chez : . Francis Rocard, fils de… et ancien pote du Lycée Montaigne, ci-devant astrophysicien médiatique, m’a dédicacé son livre sur Mars. Un peu compliqué à suivre entre les ellipses orbitales, les glaces carboniques ou le spectromètre de l’hématique, mais suffisamment romantique pour laisser la place aux rêves face à ces espaces aussi sidéraux que sidérants, et reposer la question lancée par David Bowie dans les 70s : Life On Mars?

  • Festival les Inrocks – 2004/11/09 – Paris l’Elysée Montmartre

    C’est la finale du Festival des Inrockuptibles ce mardi soir à l’Elysée Montmartre. Quatre groupes au programme à partir de 18h pour terminer avant la deadline incontournable à 23h pour cause de couvre-feu urbain.

    Nouvelle Vague ouvre le feu et nous sert la quasi intégralité de son disque qui caracole en tête des ventes. Deux gamines sucrées qui susurrent les standards punks de l’époque de leurs parents, accompagnées du guitariste arrangeur (qui, lui, a du hanter les concerts du Clash) et d’un clavier. Robe-noire-collants-verts, robe-blanche-bottes-crèmes, elles sont douces sur Love Will Tear Us Apart (Joy Division), langoureuses sur Making Plans For Nigel (XTC), rythmiques sur Just Cant Get Enough (Depeche Mode), émouvantes sur This Is Not A Love Song (PIL), polissonnes sur Too Drunk To Fuck (Dead Kennedys), décidées sur Guns Of Brixton (The Clash), originales sur le bonus de la soirée Ever Fall In Love des Buzzckoks. Quelle merveilleuse idée que ce disque de reprises qui coule comme un filet d’eau fraîche dans une gorge assoiffée. On a envie de leur refourguer tout notre catalogue de classiques pour qu’elles les ré-assaisonnent à leur sauce toute en rondeurs et bossa-nova. Sucrées-salées, aigres-douces, Camille et Mélanie s’en donnent à cœur joie sous la baguette inspirée de leur producteur et nous collent la joie au cœur lorsqu’elles s’arrosent en finale sous un déluge de bière.

    Estelle prend la suite et installe son combo black pour un set soul-hip-hop. Huit garnements venus de Londres rappouillent sur les ziggouillis d’un DJ en casquette à l’envers. Ca reste globalement mélodique et ponctué de messages peace & love délivrés par Estelle affublée d’un turban de mama sénégalaise. Pas inoubliable !

    LCD Soundsystem entre ensuite en piste et on parle un autre langage avec ce gang dur et hargneux venu de New York. Retour sur une électronique urbaine en noir et blanc. C’est fort et violent, définitivement dance et agrémenté de ritournelles à la New Order jouées par une petite asiatique cachée derrière des fils et ses machines, fondue dans une incroyable rythmique soulignée à l’occasion par deux bass. James Murphy, leader-chanteur, est immense à la tête d’un show incendiaire mené sans respiration. Le rideau noir retombe sur un set de braises, la température de l’Elysée est sérieusement montée sur le mercure du beat. Pour ceux qui en redemande, on retrouve LCD aux cotés de The Rapture et d’autres sur la récente compilation mijotée par DFA, le nouveau label hype lancé par EMI et… Murphy.

    Tout le monde est en retard et lorsque que les Soul Wax, groupe phare de cette soirée, entrent en scène, ils n’ont que 20 minutes avant l’extinction des feux. Juste de quoi faire saliver l’assemblée et monter le plaisir. La scène s’ouvre sur un ensemble de lignes verticales noires et blanches et nos flamands tous de noir vêtu qui alternent entre leurs instruments à manches et à cordes, et des boîtes à électronique qui font couler la lave. On a juste le temps de se forger l’image d’un groupe inspiré de Kraftwerk mâtiné de Devo déchaînant le feu hypnotique du 21e siècle sur nos esprits dérangés, et Soul Wax plie bagage sous les huées des festivaliers frustrés par ce coitus interomptus affichant des doigts d’honneur à un parterre de VIP branchouilles dégustant des coupes de champ à la balustrade de l’Elysée Montmartre. Les Inrokuptibles, bon prince et incorruptibles, annonceront le lendemain un nouveau concert de Soul Wax en janvier, gratuit pour les rescapés qui auront conservé leur souche de billet. Il y a une morale, même au royaume de la dance.

  • Sagan Françoise, ‘Bonjour Tristesse’.

    Sortie : , Chez : . Le roman qui a lancé Françoise Sagan en 1954. On y parle d’été dans le sud, de mer chaude, de cigales chantant dans les pins, d’insouciance, de plaisir et de la jeunesse « dont c’est le privilège de penser peu au futur ». La Sagan fera flores sur la base de ce roman tout fou qui fondera un élan d’affirmation du féminisme, léger mais volontaire. Cette aventure est aussi celle d’une époque de joie et d’optimisme pour une intelligentsia qui croyait encore que tout était possible. Depuis, Sagan a fini sa vie dans un manoir normand, ruinée, impliquée dans des affaires de drogue et de corruption politique. Du soleil éclatant de Saint-Tropez aux bruines tristounettes de Honfleur, tout un symbole !

  • Nuit Blanche… assurément !

    Nuit Blanche… assurément !

    Je passe une partie de la nuit à parcourir les créations culturelles contemporaines de La Nuit Blanche. Programme en papier glacé signé par Delanoé, directeurs artistiques melting-pot, foules en deux-roues, agents d’accueil bigarrés, RATP et Batobus qui font des heures supp., l’art contemporain a fondu sur Paris, me laissant perplexe et frigorifié !

    Comme tout événement populaire, il y a le peuple et les files d’attente conséquentes. Après avoir retrouvé mes potes cyclistes devant une bière au Delaville Café, décidément de plus en plus hype, nous nous tapons une première heure de queue devant l’ancien hôpital Saint-Lazare dans les arbres duquel sévissent quelques acrobates chorégraphiés façon Roi de la Jungle. La performance physique est impressionnante ne serait-ce une musique live quelque peu agaçante à coté de laquelle Stockhausen joué par Boulez passe pour une Nocturne de Chopin… Une artiste monte et descend dans toutes les positions imaginables le long d’une corde lisse accrochée à une câblerie végétale dans une sorte de ballet mi-téléphérique, mi-Homme. Elle est souple la bougresse, et affiche une technique remarquable qui la fait se mouvoir verticalement avec une facilité déconcertante. De temps en temps elle fait une pause dans un filet suspendu où l’attend un de ses comparses avec qui elle « s’exprime corporellement » via des attouchements de pieds, de mains, de corps, avant de redescendre le long de son fil d’Ariane la tête en bas. Pendant ce temps, un troisième larron s’agite au sol dans ce qui doit être des mouvements de danse moderne, caressant au passage quelques spectateurs esbaudis.

    On n’arrive pas trop à identifier le début ni la fin du show, alors quand la foule commence à onduler vers la sortie, on suit et on laisse Jane suspendue à ses lianes pour se retrouver face (i) à des murs intérieurs sur lesquels sont projetés des vidéos immobiles : plans fixes d’un aéroport, d’une meute de chiens de chasse vue d’un arbre, etc. (ii) un mur extérieur où s’affichent des mots et phrases en écriture automatique que l’on peut lire depuis une batterie de transats installés façon promenade des Anglais, mais désertés par l’assistance pour cause de froid de canard.

    Et l’on passe ensuite dans la cour suivante à la reconstitution d’un chantier de travaux publics où s’agitent une petite troupe en casque jaune, dont deux donzelles, debout sur un tas de sable, égrenant dans un micro une succession de chiffres pendant que des ingénieurs, toujours en casque canari, consultent des ordinateurs. Il fait de plus en plus froid alors on laisse ce petit monde à sa créativité.

    Interloqués, en sortant on relit le programme qui parle de :

    musique donnant l’urgence, la temporalité, la certitude du présent…

    et je passe sur :

    l’atmosphère qui est à l’œuvre permanente, à la nuance et au vertige… le sens devenu sensation et la sensation des sens.

    Encore sous l’émotion du choc culturel, on hésite à poursuivre ce vaste itinéraire contemporain de la Nuit Blanche de peur de ne pouvoir s’en remettre, sans parler du rhume qui couve. Bon, mais les potes nous appellent pour les rejoindre dans la communion des Caresses de Marquises. Soyons fous puisque nous sommes encore vivants ! Et va pour les Marquises caressantes.

    On se retrouve sur une balustrade qui surplombe les quais de la gare de l’est et là, toujours transis, nous contemplons les rails de la SNCF, à la poétique industrielle si marquée, éclairés aléatoirement par des spots clignotant en rythme sur une musique gargouillante. On s’attend à voir émerger E.T. de la salle des pas perdus. Les spectateurs entassés prennent des photos en pagaille de ce spectacle peu commun et on imagine les impressionnants diaporamas qui émergeront de cette séance pour animer les longues soirées d’hiver. Un point rapide sur le programme nous apprend que nous sommes ici en présence d’une œuvre qui :

    est non seulement inventée mais apprise et développée en temps réel.

    Les potes sont déjà repartis pour les Buttes Chaumont pour la création Les Marmottes Vocales. C’en est trop pour votre serviteur qui heureusement est toujours avec deux copines plutôt dubitatives et nous décidons un repli stratégique sur le Delaville pour faire le bilan de cette soirée. Dans l’escalier de la gare nous croisons une jeune femme en train de photographier une bétonneuse Bouygues, ne figurant a priori pas dans le programme des créations contemporaines. On imagine qu’elle est chef de chantier TP reconvertie en espionne industrielle, ou que les Marquises caressantes lui ont grillé les synapses.

    Le mot de la fin revient à un anonyme spectateur : « tout ceci est très Jack Lang » ! On ne peut mieux dire.

    Il est deux heures du mat et le Delaville est fermé. Bad news ! On se replie sur le troquet d’en face pour écluser dans la bière une nuit de création contemporaine. Je résume : tout ceci est éminemment sympathique, volontaire, tendance, structurant, généreux, et le succès populaire atteint est rassurant sur les limites du décervelage que la Star’Ac exerce sur les neurones de nos concitoyens sous l’égide appliquée et consciencieuse de Le Lay le (très) laid. Mais je suis décidément trop traditionaliste pour partager une quelconque émotion face à ces élucubrations contemporaines. Heureusement ma bonne fée me rappelle que la modernité c’est justement la manière dont on traite la tradition. À la bonne heure et à l’année prochaine pour la Nuit Blanche 2005.

    Rehve 10/2004
  • SOLLERS Philippe, ‘Passion Fixe’.

    Sortie : 2000, Chez : Gallimard. 

    Dora (Mar ?), avocate vagabonde, Clara (Schumann ?), pianiste virtuose, François, révolutionnaire itinérant, inspire le narrateur, écrivain (manqué ?) qui nous emmènent dans une pérégrination haletante à travers la planète, à travers l’art et l’Histoire.

    De digressions en références, Sollers saute d’un continent à une théorie, de Bach au Tao pour nous servir un roman aussi vif que son auteur qui se joue des idées et se régale des délices de la pensée. C’est léger, ça palpite et ça concentre la vie sur la création et les créateurs, tout ce qu’on aime pour donner un sens à nos existences.

  • Maier Corinne, ‘Bonjour Paresse, De l’art et de la nécessité d’en faire le moins possible en entreprise’.

    Sortie : , Chez : . Une analyse désopilante de la vie en entreprise avec quelques analyses remarquables de clairvoyance : Le mariage du crétinisme et de l’hypocrisie est fructueux, cela donne la pratique du management moderne… ou encore …culture d’entreprise est donc un oxymore, une formule de style qui consiste à associer deux mots qui n’ont rien à faire ensemble…elle n’est en fait rien d’autre que la cristallisation de la bêtise d’un groupe à un moment donné… elle se traduit alors par une débauche de séminaires creux, de tee-shirts immettables, de pin’s (oui, cela existe encore), de slogans soit-disant mobilisateurs.

  • Harrison Jim, ‘De Marquette à Veracruz’.

    Sortie : , Chez : . Un nouveau Harrison de la même veine que toute son œuvre : puissance et souffle au service du retour aux racines et d’une évocation des grands espaces de la Péninsule Nord dans la région des grands lacs américains. Comme toujours, les racines sont celles d’une famille torturée et violente, d’un père prédateur qui, bien qu’absent, obsède chaque instant de la vie d’un fils à la recherche de rédemption familiale en revenant sur les lieux et les personnes liés aux méfaits du père. Harrison court après les mots avec un style cru et haletant pour décrire les fuites de son héros dont les valeurs refuges le ramènent toujours sur les rives sauvages du Michigan au bord desquelles il tente de transcender toutes les lâchetés qui peuplent nos vies.

  • PILLE Lolita, ‘Hell’.

    Sortie : 2002, Chez : Grasset.

    L’histoire déjantée d’une gamine parisienne des beaux quartiers qui se noie dans la coke, les sorties au Queen, l’inactivité et les voitures de luxe. Tranche de vie (sans doute) réaliste de la décadence de notre occident opulent. Ça se termine comme cela devait se terminer. Premier roman écrit à 17 ans d’une jeune femme qui connaît ce milieu, qui écrit avec cynisme et désabusement sur les folies d’une caste privilégiée et probablement peu nombreuse, même à Neuilly. A suivre.

  • Festival Rock en Seine – 2004/08/28 – Paris Parc de Saint-Cloud

    Pour la deuxième année consécutive, un politicard quadra, ex-rocker-soixante-huitard-PSU œuvre en faveur de l’organisation d’un festival de rock aux portes de Paris. Elu chef de la région Ile de France il oublie les lambris de la République en se replongeant dans l’univers de ses jeunes années. L’embonpoint gagné grâce aux cuisines des ministères du VIIe arrondissement n’a pas entamé le bon goût de l’impétrant, la programmation de ce festival reste excellente. Nous nous en félicitons !

    White Stripes, Archive

    Il a plu ce week-end et les flaques de boue donnent un petit air Woodstock au parc, pas désagréable. La jeunesse en jean et piercing passe des stands de merguez aux deux scènes mises en place au pied des collines boisées. Les White Stripes ont fait flamber Saint-Cloud hier. Ce soir samedi de lourds nuages noirs survolent le festival quand Archive entre sur la petite scène à 20h30. Avec un nouveau disque Noise ce groupe britannique continue sa route trip hop et un relatif succès d’estime. Trois claviers, deux guitares et une rythmique pour une musique pesante et triste à qui le live donne une touche de réalité. C’est du Massiv Attack mâtiné de The Cure et on aime ça. Une Nouvelle Vague réinventée à la sauce bionique et glaçante. Les morceaux sont construits sur une intro lente peuplée de stances vocales tragiques et nappes de claviers amers. Le climat est sombre et propice à la montée de tension. Les guitares entrent dans le jeu et transforment une mélodie horizontale en une déchirure verticale où les riffs métalliques ouvrent la route vers l’apocalypse et l’électronique est supplantée par les cordes au service de la violence. Les textes parlent d’amours diaboliques et d’ivresses désespérées, de larmes et de fuites. Les harmonies en mode mineur bousculent la voix élastique d’un chanteur-guitariste qui n’est qu’un élément de ce groupe à l’unité percutante qui nous aura ravi une bonne heure durant.

    Certains spectateurs désertent avant la fin du show pour ne pas rater le début de celui de Muse sur la scène principale. Pour ceux-ci et pour les autres qui en redemandent, Archive sera de retour à Paris le 1er décembre à L’Elysée Montmartre.

    Muse

    Le temps d’enjamber quelques flaques de boue et on arrive au milieu de l’extravagante prestation de Muse emmenée par un Matthew Bellamy multi instrumentiste de génie et chanteur virtuose. La scène est immense, comme l’autorisent ces festivals de plein air, et notre trio de choc l’occupe pleinement. Un anonyme n°4 apporte un peu de renfort à la prestation live en pianotant quelques touches et complétant les chœurs.

    La pleine lune s’est levée sur Saint-Cloud et ajoute son éclairage trouble à une musique qui ne l’est pas moins. Le souffle des Muse est porté par un son à la hauteur de l’évènement, vaste et puissant. On retrouve dans les compositions les envolées symphoniques qui ont fait les beaux jours du rock progressiste mais les temps ont changé et il ne s’agit plus de planer même si le rêve est de mise. L’électricité trépidante rythme l’inspiration dramatique de cette musique urgente venue d’ailleurs.

    Le light-show est violent, les stroboscopes alternent avec les images spatiales aux couleurs crues projetées sur un écran découpé en tranches verticales. Les pupilles des spectateurs explosent sous les flashes et leurs tympans peinent à suivre les décibels. C’est un monde d’excès sensoriels au sein duquel on se sent bien.

    Bellamy passe des guitares aux claviers avec la même maestria et une emphase redoutable pour créer une musique d’espace, de volume et de géométrie avec au centre de ce nouvel univers, sa voix à la voilure gigantesque qui emporte tout sur son passage. Cette voix est le quatrième instrument du trio, soleil autour duquel tournent les autres. Qu’il susurre ou qu’il tonne, dans les graves ou les aigus, Bellamy semble connecté avec une autre galaxie. Quand sa voix élégiaque s’élève, il parcourt de nouveaux territoires en nous donnant un redoutable aperçu des horizons qui sont les siens.

    Muse est le groupe de trois albums dont les plus grands tubes seront joués ce soir, avec une préférence pour ceux extraits du dernier : Absolution. Après un rappel unique, Bellamy se jette dans les caisses de la batterie laissant une scène sens dessus dessous et un désordre identique dans l’âme des spectateurs qui tentent de reprendre leurs esprits:

    Sing for absolution / I will be singing / And falling from grace / Our wrongs / Remain unrectified / And our souls / Won’t be exumed.

    Et l’impératif d’absolution révélé par un trio rebelle s’élève vers les immeubles huppés qui bordent le parc de Saint-Cloud…

    Muse, c’est l’histoire de trois copains d’enfance anglais qui ont créé leur premier groupe à 13 ans et qui voguent depuis aux altitudes stratosphériques d’un rock baroque et unique qu’ils ont su inspirer. Le tout est un peu clinquant, mais c’est la Loi du genre.

    A l’année prochaine pour le troisième festival Rock en Seine !

  • BOURAOUI Nina, ‘La Voyeuse Interdite’.

    Sortie : , Chez : . Un livre violent et amère sur la condition d’une jeune fille à Alger. Élevée dans la « tradition », elle n’y développe que haine et bile contre sa famille, son environnement, sa vie et elle-même. Elle rêve de dissolution et de mort. Premier succès littéraire de Nina Bouraoui, l’auteur y construit son style qui deviendra encore plus dépouillé et percutant par la suite, mais on y voit déjà poindre la finesse à faire partager au lecteur émotion et douleur. L’expression du talent d’écrivain !

  • Nothomb Amélie, ‘Métaphysique des tubes’.

    Sortie : , Chez : . Les pérégrinations d’une enfant belge entre 0 et 3 ans dans le Japon où est installé sa famille. Le regard ahuri de celle qui allait devenir un écrivain original assis sur le fonds de commerce du traumatisme de son expérience japonaise. Léger, rigolo et pas indispensable !