Blog

  • Des engagements parfois un peu stupides et plutôt inefficaces

    Qu’est-ce qui peut pousser un président de la République ou un haut dirigeant à prendre devant ses électeurs des engagements précis sur lesquels il n’a que peu de moyens d’agir ? Sans doute leur courte vue et la volonté un peu naïve mais valorisante de vouloir annoncer de bonnes nouvelles à Mme. Michu. Le plus étonnant est que la non-réalisations de ce type d’engagements, quasi systématique d’ailleurs, ne freine pas les ardeurs des responsables à en commettre de nouveaux.

    Sans remonter très loin, on se souvient de l’annonce répétée de François Hollande sur « l’inversion prochaine de la courbe du chômage » ou celle d’Emmanuel Macron en 2019 pour reconstruire la cathédrale Notre-Dame de Paris « en cinq ans ». Ce dernier assène désormais dans les médias que tous les français qui le veulent seront vaccinés d’ici le mois d’août 2021… Les plus anciens se souviennent de la décision de Jacques Chirac de « réduire la fracture sociale » !

    Il est assez peu probable que Notre-Dame de Paris sera reconstruite d’ici 2024 mais si elle n’est que partiellement rouverte d’ici trois ans ce sera déjà une réussite qui sera probablement gâchée par les débats oiseux qui ne manqueront d’apparaître sur cette échéance ratée. De la même façon, s’il n’y a que 20 ou 30 millions de citoyens vaccinés au 31 août sur 65, ce sera déjà bien, la suite viendra plus tard.

    Alors Messieurs les Présidents économisez donc vos engagements précis devant Mme. Michu ; ils ne rassurent pas grand monde, font perdre beaucoup de temps à la société en polémiques futiles et c’est un domaine où il n’y a que des coups à prendre. Il vaut mieux constater les succès et les progrès une fois acquis plutôt que les prévoir à grands renforts de trompettes médiatiques.

  • Débats franchouillards oiseux sur « l’islamogauchisme »

    Un nouveau débat de Café du Commerce saisit le microcosme politico-médiatique : la question de l’islamogauchisme dans les universités françaises. Alors que différentes personnalités accusent l’Université d’abriter des tenants de cette idéologie qui l’utiliseraient pour orienter les programmes et les budgets de recherche, les représentants universitaires adoptent une tactique de défense basée sur le déni, arguant que « l’islamogauchisme » est un concept qui n’existe pas scientifiquement et qu’il n’y a donc pas lieu d’en débattre, circulez il n’y a rien à voir. Une sous-ministre de l’Enseignement supérieur a annoncé sa volonté de mander le CNRS (centre national de la recherche scientifique) pour réaliser une étude sur ce concept dans l’Université, déclenchant aussitôt un hourvari de clameurs scandalisées d’une partie du monde intellectuel, mais aussi, plus discrètes, des voix pour la soutenir.

    « L’islamogauchisme », slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique. Ce terme aux contours mal définis, fait l’objet de nombreuses prises de positions publiques, tribunes ou pétitions, souvent passionnées. Le CNRS condamne avec fermeté celles et ceux qui tentent d’en profiter pour remettre en cause la liberté académique, indispensable à la démarche scientifique et à l’avancée des connaissances, ou stigmatiser certaines communautés scientifiques. Le CNRS condamne, en particulier, les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de « race », ou tout autre champ de la connaissance.

    Communiqué de presse du CNRS du 17/02/2021

    Pas sûr que le CNRS ne participe avec beaucoup d’enthousiasme à l’étude que lui demande sa ministre de tutelle…

    En réalité chacun fait assaut de la mauvaise fois typique de ce genre de débat cherchant à bloquer toute remise en cause de certains sujets-valise. L’islamogauchisme n’est sans doute pas encore défini scientifiquement par la science mais il va peut-être falloir commencer à le faire. Dans la bouche de ceux qui emploient ce terme, c’est l’alliance d’une pensée de gauche marquée avec l’islam politique plutôt radical, parfois accompagné d’un relent d’antisionisme, voire d’antisémitisme. Sans doute dans sa sortie la sous-ministre voulait aussi englober les sujets un peu envahissants comme les études « de genre », celles sur le « décolonialisme », le « post-colonialisme », la « race », le féminisme et autres joyeusetés « intersectionnelles », tout ceci rédigé bien entendu en « écriture inclusive ».

    La simple consultation des sites web de certaines universités permet de confirmer que certains de ces sujets sont effectivement dans les programmes.

    Par exemple, l’université Paris 8 – Vincennes offre un Master « Etudes sur le genre » :

    Les études de genre font l’objet d’une attention grandissante dans l’espace public (médias, débats politiques). Les questions de la domination masculine, des LGBTQI, des stéréotypes de genre, etc., sont devenus des enjeux sociaux contemporains de premier ordre. Face aux menaces internationales qui pèsent actuellement sur la conception de la science et des formes de transmission du savoir, les études de genre apparaissent comme un levier de la pensée critique, et sont en cela fortement attaquées. Ainsi, offrir une formation de qualité sur le genre s’inscrit dans la tradition de Paris 8 de développer une pensée critique en prise avec le monde contemporain…

    Master Etudes sur le genre – Université Paris 8 (univ-paris8.fr)

    ainsi qu’un Laboratoire d’études de genre et de sexualité (LEGS) :

    La question des constructions « genrées » et des rapports de sexe concerne d’une manière ou d’une autre l’ensemble des pratiques sociales et symboliques, publiques et privées, collectives et individuelles. Elle se pose désormais de manière explicite dans de nombreux champs de pensée et de savoir. Son traitement requiert ainsi la collaboration d’approches multiples. Dans cette perspective, l’UMR LEGS se donne pour tâche et pour défi de faire travailler ensemble humanités, sciences sociales, et arts.

    UMR 8238 : Laboratoire d’études de genre et de sexualité (LEGS) – Université Paris 8 (univ-paris8.fr)

    La propension de l’Université à étudier et diffuser des idées « progressistes » n’est pas vraiment nouvelle et cela fait des décennies qu’une gauche que l’on peut qualifier d’extrême s’est retrouvée sur une communauté de pensée… dans les camps palestiniens du Proche Orient ou sur le « Petit Livre rouge » de Mao. Ce qui apparaît novateur aujourd’hui est la volonté de vouloir expliciter et réparer les discriminations dont certaines minorités sont supposées avoir été victimes (minorités sexuelles, femmes, citoyens issus de la « diversité », etc.). Ainsi va la vie intellectuelle en France, plutôt portée par la pensée « de gauche », plutôt protégée par un système universitaire public, reprenant aujourd’hui les sujets en vogue. Comment s’en étonner ? Mais l’Etat ne doit pas s’interdire de faire l’inventaire des recherches en cours, majoritairement financées par les contribuables. Heureusement celles concernant ces nouvelles modes assimilées à « l’islamogauchisme » semblent minoritaires et il faut s’assurer qu’elles le restent. Quand on voit le développement anarchique de l’écriture « inclusive » contre les principes de l’Académie française on comprend qu’il faille rester vigilant. La liberté de pensée et de recherche c’est bien, l’imposition de principes minoritaires à la majorité, c’est plus discutable.

    Le CNRS a accepté du bout des lèvres de

    C’est dans cet esprit [ouvert et respectueux] que le CNRS pourra participer à la production de l’étude souhaitée par la Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation visant à apporter un éclairage scientifique sur les champs de recherche concernés.

    Communiqué de presse du CNRS du 17/02/2021

    Ouf !

  • Des jeux olympiques en question

    Les jeux olympiques qui devaient initialement se dérouler au Japon à l’été 2020 ont été reportés à l’été 2021 pour cause de pandémie mondiale. Il se murmure que l’hypothèse d’une annulation serait sur la table, la crise sanitaire étant loin d’être résolue et le rassemblement de centaine de milliers de personnes dans une même ville deux semaines durant étant sans doute inopportune dans les conditions actuelles. Ou alors les jeux se dérouleraient sans spectateurs physiques mais uniquement à la télévision ?

    Dans un cas comme l’autre ce n’est pas grave, il ne s’agit que de sport ! On pourrait même suggérer que les jeux olympiques de l’été 2024 qui doivent être organisés à Paris suivent la voie de l’annulation, on y survivrait, les finances publiques françaises feraient ainsi quelques économies et les parisiens éviteraient ainsi nombre d’énervements et de crises qui vont immanquablement être générés par l’organisation de manifestations sportives dans une ville qui n’est vraiment pas faîte pour ça.

  • La retraite retardée

    Une conférence s’est tenue hier entre l’Elysée et les chefs d’Etat des cinq pays africains du groupe « G5 Sahel » sur la présence de l’armée française dans le Sahel. Il a été annoncé le maintien de cette force étrangère dans la zone sahélienne. Alors que dans le même temps les Etats-Unis d’Amérique ont acté le retrait de leurs troupes d’Afghanistan en négociant avec les rebelles talibans, leur donnant ainsi les clés d’un retour prochain au pouvoir à Kaboul, la France retarde encore le moment inévitable où il lui faudra évacuer le Sahel. Les arguments sont toujours les mêmes et surtout le mantra « en protégeant le Sahel du terrorisme religieux, on protège la France ».

    L’occident n’arrivera pas à « pacifier » l’Afrique sahélienne et encore moins à y instaurer la démocratie. Cela fait des décennies qu’il essaye, avec le succès que l’on constate. Les armées locales excellent dans la technique du coup d’Etat, mais fort peu dans la défense de leurs pays, et ce malgré les milliards d’euros déversés sur elles par l’Europe ainsi que des centaines de « conseillers techniques » censés les former sur place. Cela ne marche tout simplement pas. Probablement la présence des forces militaires françaises empêche, au moins provisoirement, les religieux de prendre le pouvoir à Bamako et dans les capitales avoisinantes, mais, à moins de les y laisser à vie, ce moment viendra un jour, de gré ou de force.

    La junte militaire malienne au pouvoir est d’ailleurs encline à négocier avec ces groupes religieux et sécessionistes, si elle n’a pas déjà commencé à le faire. Les populations locales, très naturellement, commencent à contester et rejeter la présence armée de la France dans leurs pays. Il se murmure que les chefs militaires français sont réalistes sur l’impossibilité d’atteindre leurs buts de guerre. Les citoyens français se demandent eux-aussi pourquoi des soldats meurent dans ce désert et s’il est bien nécessaire d’y dépenser autant de sous. Toutes les conditions sont réunies pour entamer ce repli… qui vient d’être repoussé à plus tard !

    Un repli ordonné marquera évidement une défaite, comme celle des Etats-Unis en Afghanistan ou en Irak, mais permettrait de façon réaliste de redéployer l’armée française sur des tâches plus efficientes comme le renforcement de la protection du territoire national, et de peaufiner la tactique du « cassage de gueule » consistant en des opérations extérieures coup de poing en tant que de besoin si les intérêts vitaux français sont menacés, mais en renonçant à occuper durablement des pays tiers. Cela n’a jamais fonctionné, ni en Algérie, ni au Vietnam, ni en Angola, ni au Mozambique… et il y a très peu de chances que cela fonctionne au Sahel.

    Lire aussi : 13 militaires français tués au Mali en novembre – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

  • ELLIS Bret Easton, ‘American psycho’.

    « American psycho » est le grand œuvre de Bret Easton Ellis, dans la même veine que les précédents mais encore plus cynique et sanglant. C’est l’histoire d’un yuppie new-yorkais à la fin des années 1990, riche, nageant dans le consumérisme tape-à-l’œil permis à cette classe de nouveaux riches. Jusqu’ici rien que de très classique dans le monde d’Ellis si ce n’est que Patrick Bateman, le yuppie en question, est un psychotique dangereux dont on ne saura pas s’il exécute les crimes atroces décrits dans le roman, ou s’il ne fait que les rêver.

    Le mode descriptif du milieu dans lequel évolue Bateman est proprement hilarant. Celui-ci n’est obnubilé que par les marques des habits portés par lui et ceux qu’il rencontre. Chaque fois qu’un personnage intervient dans le scénario, Bateman note par le menu détail toutes les marques portées, des chaussures à la cravate, avec souvent mention du prix, ce qui prend à chaque fois une dizaine de lignes. C’est un peu lassant mais l’effet de répétition marque l’inanité de ces personnes dont l’une des principales activités consiste à d’abord réfléchir dans quel restaurant hype ils vont pouvoir réserver pour leurs repas, puis de parler de rien dans ces lieux tout en cherchant à reconnaître qui de leurs congénères dînent aux tables à côté ou qui couche avec qui ? Une autre obsession est celle du corps et tout ce beau monde passe un temps infini à soigner ses abdos dans les clubs chics de musculation et les boutiques vendant des produits de beauté de luxe.

    Il n’est jamais question d’activités professionnelles dans ce roman comme si c’eut été vulgaire de le faire. L’argent coule à flot de toute façon et sa provenance n’a guère d’importance. Le côté sombre de Bateman transparaît dans les chapitres consacrés à ses crimes particulièrement horribles.

    Le style d’Ellis est fait de courts chapitres alternant la description d’une soirée dans une boîte chic avec celle d’une orgie-tuerie sanguinolente menée par Bateman. Il est basé sur la répétition de comportements vides de sens de cette population new-yorkaise qui a perdu tout contact avec la vraie vie. Bien entendu, l’excès et la concentration de ces personnages, souvent ubuesques, dans les 500 pages de ce roman lui donnent son côté désopilant. Publié en 1991 il brosse une réalité qui éclatera au grand jour lors de la crise qui fera exploser la planète financière en 2008 où l’on découvrira les comportements asociaux et frauduleux d’un clan de financiers surpayés ayant perdu tout contact avec la réalité et abandonné toute barrière morale. Le pouvoir laissé à ces escrocs clinquants généra une des grosses crises financières du monde capitaliste occidental qui coûta beaucoup à l’ensemble des contribuables dans les pays concernés. Bret Easton Ellis a bien cerné ces personnalités dans « American Psycho » !

  • Une énième faillite d’Air France

    Le pédégé d’Air France a annoncé ce week-end que la société qu’il dirige ne pourra pas rembourser le prêt « Covid » que les contribuables lui ont octroyé. Il y en aurait pour 7 milliards d’euros qu’il va falloir capitaliser et, sans doute, accompagner de nouveaux financements si l’on veut éviter la cessation des paiements de cette compagnie touchée de plein fouet par l’effondrement du transport aérien depuis le déclenchement de la pandémie planétaire du coronavirus.

    Une faillite d’Air France fait partie des événements récurrents de la vie des contribuables français qui ont dû mettre la main au porte-monnaie à plusieurs reprises pour sauver cette compagnie d’un désastre financier, le plus souvent pour mauvaise gestion des hauts-fonctionnaires nommés pour la diriger et de la rigidité d’une caste de pilotes ne voulant rien entendre pour rogner leur statut. L’Etat français a toujours estimé qu’il était de son devoir de maintenir en vie une société de transport aérien plus ou moins nationale dont il détient toujours 14% du capital, cette participation risquant donc de monter si le prêt de 7 milliards est capitalisé. Pour des raisons un peu obscures, mais toujours très couteuses, les contribuables ont souvent été mis à contribution pour renflouer Air France qu’une logique purement libérale aurait dû laisser tomber en faillite, c’est-à-dire rachetée par une autre compagnie (le « darwinisme social »).

    L’Histoire se répète et il va encore falloir payer pour « sauver Air France ». Comme il est probable que le transport aérien ne va pas retrouver de sitôt les niveaux de trafic d’avant crise, il va donc bien falloir restructurer la compagnie française qui ne nous a pas habitués jusqu’ici à beaucoup de souplesse en la matière… Il va donc très probablement falloir encore payer dans les années à venir sans que personne n’ait encore vraiment répondu à la question : à quoi sert une participation publique dans le capital d’une compagnie aérienne ?

  • On avance en Nouvelle Calédonie

    En pleine agitation concernant la vente d’une usine de nickel dont le groupe d’acheteurs est contesté par les indépendantistes qui ont entrepris d’occuper et de détériorer l’outil industriel concerné, les représentants du parti indépendantiste calédonien FLNKS ont démissionné du gouvernement. De retournements d’alliances en copinages divers, la nouvelle majorité qui se dégage et qui emportera sans doute la majorité dans les rangs du gouvernement calédonien serait indépendantiste.

    C’est une bonne nouvelle pour ce territoire qui doit encore organiser un troisième référendum sur l’indépendance d’ici à 2022 en application de l’accord de Nouméa de 1998 sur la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie. Espérons que cette étape fera pencher définitivement les électeurs en faveur d’une indépendance raisonnée pour, enfin, régler le problème politique que pose à la France l’existence de cette colonie. Le problème financier ne sera, lui, jamais résolu car il est très probable que des générations de contribuables de France métropolitaine vont continuer à payer pour « accompagner » cette indépendance comme prix des erreurs du passé ! Ce serait un petit mal pour une grande avancée si l’indépendance était finalement adoptée.

    Lire aussi : La dépendance de la Nouvelle-Calédonie reste légèrement majoritaire à l’issue du référendum du 4 octobre – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

  • « Phantom of the Paradise » de Brian de Palma

    1974, Brian de Palma réalise « Phantom of the Paradise » ou le mythe de Faust adapté au monde du glamrock de l’époque. Winslow a composé et interprète une cantate mais il se fait maltraiter par le producteur Swan (joué par le musicien et acteur Paul William qui a aussi écrit la bande originale du film ainsi que de nombreux autres hits) qui veut la faire chanter par d’autres. Swan a passé un acte avec le diable qui lui assure une éternelle jeunesse. S’en suivent bien des évènements au cours desquels Winslow signe lui aussi un pacte avec Swan pour que Phoenix, la chanteuse qu’il a choisie soit son interprète. Ensemble, ils se rendent « du côté de chez Swan » pour finaliser la cantate qui sera jouée en public et aboutira à un incroyable final avec la mort de Swan et de Winslow, et le triomphe de Phoenix.

    Un beau film, une très belle musique, à revoir régulièrement !

  • KOUCHNER Camille, ‘La familia grande’.

    Sortie : 2021, Chez : Editions du Seuil.

    Camille Kouchner révèle dans ce livre comment son beau-père, un juriste-politologue connu, a violé de façon régulière à la fin des années 1980′, son frère jumeau, baptisé « Victor » dans le récit. La révélation publique de cette perversion crée actuellement un choc et l’impétrant, Olivier Duhamel, 70 ans aujourd’hui, a démissionné de toutes ses fonctions et disparu de la scène publique et médiatique qu’il aimait tant fréquenter du temps de sa gloire.

    Ce récit décrit une famille de babyboomers engagée dans la défense des idées humanistes de gauche de l’après deuxième guerre mondiale. Evelyne Pisier, la mère de Camille et « Victor », Paula leur grand-mère, ont des personnalités fascinantes qui ont basé leurs vies entières sur les grandes idées de la liberté et du féminisme. Evelyne se mariera avec Bernard Kouchner, père des jumeaux Camille et « Victor » et de leur grand frère, qui, lui aussi, vibrionne au cœur des grandes idées humanistes de gauche du XXème siècle, notamment via son engagement comme médecin du monde dans les guerres du Biafra et dans bien d’autres pays en voie de développement.

    Olivier Duhamel, fils du ministre radical et ancien résistant Jacques Duhamel (1924-1977), qui fréquente ce microcosme parisien « progressiste », adopte rapidement cette famille improbable et brillante, épouse Evelyne et accueille tout son petit monde l’été dans sa vaste villa de Sanary où défile également tout un aéropage d’intellectuels et de politiques sous le soleil et la convivialité méditerranéennes.

    Ambiance détendue voire libertaire et exigence intellectuelle caractérisent l’atmosphère au sein de la « familia grande » dont Duhamel devient le gentil organisateur. Mais les limites vont être franchies et l’irréparable va être commis. Duhamel obtint des fellations de son beau-fils plusieurs années durant. « Victor » s’en ouvre auprès de Camille en exigeant son silence. Plusieurs années après les faits, la famille va progressivement être informée mais tout faire pour que la révélation ne sorte pas à l’extérieur. Evelyne, déjà à la dérive après le suicide de sa mère, protège son mariet accuse même ses enfants de « l’avoir trahie ». « Victor » a fait sa vie à l’étranger avec sa femme et ses enfants et veut à tout prix oublier cette période maudite. Camille culpabilise de n’avoir pas su empêcher la maltraitance de son jumeau. Bref, le mal fermente, la honte et la haine rongent la famille jusqu’à ce que, 35 ans après les faits, Camille obtienne l’agrément de « Victor » pour publier son livre.

    Outre l’information choc, cet ouvrage-catharsis relève aussi du règlement de comptes général avec cette famille si séduisante à l’extérieur mais tellement perverse à l’intérieur, certainement un cas d’école que Freud eut apprécié au plus haut point. Le style d’écriture est rapide : courtes phrases parfois sans verbe ni sujet, ne négligeant pas l’anaphore, langage parlé. L’objet du récit n’est pas la littérature, mais la révélation. Il atteint son but et cette famille chahutée n’a pas fini de ressasser ce drame. Depuis la publication l’accusé se fait silencieux. Il est en principe à l’abri de la justice car ses crimes sont prescrits. A la pédophilie il a ajouté l’inceste homosexuel, sans que l’on sache bien aujourd’hui, en notre époque de « mariage pour tous » si l’inceste homosexuel est équivalent ou plus condamnable que l’inceste hétérosexuel…

    Pour ceux qui l’aurait oublié, la famille est en principe le cadre de l’éducation, de l’amour et de la responsabilité, mais elle peut être aussi parfois l’antre du silence et de la perversion, quelles que soient les catégories socio-professionnelles. « La familia grande » le rappelle cruellement.

    Lire aussi : SPRINGORA Vanessa, ‘Le Consentement’. – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

  • SPRINGORA Vanessa, ‘Le Consentement’.

    Sortie : 2020, Chez : Editions Grasset & Fasquelle / Le Livre de Poche

    Vanessa Springora avait 14 ans au mitan des années 1980′ lorsque Gabriel Matzneff, 49 ans, écrivain, la séduisit. 35 ans plus tard, elle fait le récit d’une emprise dont elle s’est défaite avec difficulté et qui l’a durablement traumatisée.

    Lui était un écrivain prolifique et sulfureux, introduit dans le tout Paris littéraire, désigné par « G » dans le récit. Amateur de relations sexuelles avec de jeunes enfants mineurs, il détaillait à loisir ses ébats sexuels dans des journaux intimes qui étaient publiés et faisaient la joie gourmande du microcosme de Saint-Germain-des-Prés. Il fallut attendre la publication du livre de Springora en 2020 pour que Matzneff désormais âgé de plus de 80 ans commence à être mis devant ses responsabilités et qualifié de pédocriminel. Il est depuis définitivement ostracisé par le petit monde qui l’avait encensé mais l’avait un peu oublié ces dernières années, bien qu’il reçut encore le prix Renaudot en 2013. Ses crimes étant prescrits, son sort de vieux monsieur pervers n’a sans doute plus beaucoup d’importance.

    Le récit d’une de ses nombreuses victimes a certainement valeur de thérapie pour elle et c’est tant mieux. Ses courts chapitres font aussi, et surtout, le procès d’une époque, et plus précisément de l’élite culturelle de ce temps. Mai 68, Simone de Beauvoir, la théorie psychologique dévoyée, une philosophie libertaire promue par de grands penseurs, notamment français, sont passés par là. Le fameux slogan « il est interdit d’interdire » a été érigé en mode de fonctionnement dans le microcosme se croyant au-dessus des lois de la nature, conduisant à l’abandon d’un cadre pour l’éducation des enfants et la démission de l’autorité parentale.

    Un père absent, une mère « tolérante », une époque conciliante et un milieu littéraire nombriliste, il n’en fallut pas plus pour que Vanessa Springora tombe dans les griffes du prédateur à un âge où son « consentement » ne pouvait pas être éclairé. Il lui faudra quelques années pour se déprendre du pédophile séducteur, quelques décennies pour s’en remettre et écrire ce livre, le récit plutôt froid des grandes erreurs d’une époque, pendant que celle d’aujourd’hui en commet de nouvelles.

    Il se murmure à Saint-Germain-des Prés que Matzneff cherche à publier sa réponse « Vanessavirus » mais qu’il ne trouve pas d’éditeur.

    Lire aussi : KOUCHNER Camille, ‘La familia grande’. – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

  • ELLIS Bret Easton, ‘White’.

    Sortie : 2019, Chez : Random House / Robert Laffont 10-18 n°5542

    Bret Easton Ellis livre ici un journal sous forme de rapides chroniques de sa vie d’écrivain branché entre Los-Angeles et New-York, salons littéraires et mondanités cinématographiques, milieu artistique et amours gays, tweets et romans…, de la fin des années 1980′ à nos jours.

    C’est évidemment très américain et fourmille de références qui échappent aux lecteurs non initiés. On y parle beaucoup cinéma et séries télévisées durant la première moitié où Ellis, enfant de L.A., affiche son intérêt pour le VIIème art et ses intervenants. Issu de la « génération X », il jette ensuite un regard sur son époque et ses travers tout en participant lui même aux polémiques arrosées et un peu stériles qui agitent le microcosme dans lequel il vit. Sa vision des réactions horrifiées de ses amis démocrates, y compris son petit ami millénial, après l’élection du Président Trump est plutôt drôle et pleine de bon sens : « nous » (collectivement) l’avons élu alors faisons avec, cela ne durera qu’un temps, et évitons les réactions hystériques et apocalyptiques qui ne servent plus à rien maintenant qu’il est installé à la Maison Blanche, d’autant plus que son adversaire de 2017, Hillary Clinton, n’était quand même pas particulièrement enthousiasmante, ni dans son programme ni dans sa personne.

    Au-delà du coté commérage de ces chroniques, on en apprend aussi un peu sur le processus créatif d’Ellis qui revient sur l’écriture de certains de ses romans et l’inspiration qui est la sienne. On comprend mieux ses fréquentations, ses communautés, ses passions, et cela éclaire sur son environnement qui inspire ses romans et les fantasmes qui les peuplent.

  • Une dictature plutôt plébiscitée par la majorité de ses citoyens

    Le Canard Enchaîné 20/01/2021

    La Russie expulse quelques diplomates européens (de Suède, Pologne et Allemagne) accusés d’avoir participé à une manifestation de soutien à l’opposant Navalny. Les pays européens s’émeuvent et expliquent que leurs représentants ne « participaient » pas à la manifestation mais y « assistaient » à titre d’information.

    Alexeï Navalny est un avocat opposant au président Vladimir Poutine, ex-officier du KGB recyclé dans la politique, élu et réélu président depuis 2000, y compris un intermède comme premier ministre afin de contourner la lettre de la constitution russe limitant le nombre de mandats successifs autorisés. Il affiche un cynisme assumé et surfe sur la décadence de l’Occident. C’est lui qui lors de l’invasion de la Crimée par l’armée russe expliquait qu’il ne pouvait pas « empêcher des citoyens russes d’aller passer leurs vacances en Crimée » pour justifier la présence de ses soldats dont certains furent faits prisonniers par les forces ukrainiennes. Sous sa présidence la Russie a initié les meurtres de nombre d’opposants russes réfugiés à l’étranger, y compris avec des armes chimiques avec chaque fois le même déni sur l’implication de son pays dans ces assassinats.

    La dernière tentative en date a été menée en Russie en août 2020, justement contre Navalny, empoisonné au Novitchok un agent chimique innervant très puissant développé à l’époque par l’URSS et dont la production fut poursuivie par la Russie. Pour des raisons mystérieuses la Russie a accepté l’évacuation de Navalny, dans le coma, en Allemagne pour y être soigné. Une fois rétabli, il a repris l’avion en janvier 2021 pour la Russie où il a été arrêté dès son arrivé puis condamné à trois années de prison pour n’avoir pas respecté les termes du contrôle judiciaire auquel il était soumis… durant son séjour en Allemagne. Il était supposé se présenter régulièrement au commissariat de police de son quartier à Moscou à la suite de l’une des multiples condamnations dont il a été l’objet. Lors d’une récente conférence de presse, le président Poutine a affirmé que les services russes n’étaient pour rien dans l’empoisonnement de Navalny, la meilleure preuve en étant que s’ils l’avaient été « l’affaire aurait été menée à son terme », accusant au passage son opposant favori dont il ne prononce jamais le nom d’être manipulé par les services secrets américains.

    Il est désormais avéré que Moscou a utilisé son soft power de façon intense pour influencer les élections présidentielles américaine et française de 2017 via la diffusion de désinformation sur les réseaux dits « sociaux ». On se souvient que Vladimir Poutine avait reçu officiellement Marine Le Pen au Kremlin en mars 2017. L’élection de dirigeants nationalistes, voire populistes, dans les pays occidentaux sert les intérêts de Moscou qui, de son côté, a réactivé le panslavisme de sa population. On a notamment assisté en France au retournement complet de nombre d’élus de la droite conservatrice qui sont devenus pro-russes après des décennies de discours antisoviétique. Cerise sur le gâteau, le président américain Trump a constamment soutenu la Russie durant son mandat (2017-2021) allant même jusqu’à désavouer ses propres services de renseignements lors d’une fameuse conférence de presse avec le président russe qui, comme à son habitude, cachait sa satisfaction derrière son masque glaçant d’apparatchik du KGB. C’est ainsi que Moscou a atteint avec brio ses objectifs de soft power.

    Bref, la Russie est le digne successeur de l’URSS en ce qu’elle cherche à nuire à un occident qu’elle juge aujourd’hui décadent et à la dérive. Elle le fait avec ses méthodes et un succès certain, sachant toucher les points faibles des démocraties. Celles-ci réagissent avec des effets de manche plutôt naïfs et peu efficaces. Le président Poutine est élu et réélu depuis 20 ans. Certes il a laminé toute opposition et continue à le faire mais les sondages plus ou moins libres réalisés dans le pays montrent que le peuple russe soutient globalement son président. Il vote en lui donnant de confortables majorités à chaque élection présidentielle et, même si l’on considère qu’il y a sans doute un peu de fraude, ces majorités sont difficilement contestables et sont en tout cas bien plus larges que celles constatées dans les pays occidentaux.

    Cela semble mystérieux aux pays occidentaux qui continuent à vouloir appliquer les principes démocratiques qui régissent encore leurs systèmes politiques. Les russes apparaissent bien plus malins dans leur tactique pour faire tomber l’occident qu’ils ne l’étaient du temps de l’URSS. Ils activent leur hard power sur différents terrains de combat (Ukraine, Syrie, Caucase, notamment) là où il est peu probable que l’Occident viennent guerroyer, et ils déclenchent avec succès leur soft power directement contre les démocraties occidentales pour leur nuire ; ils rejettent systématiquement toute critique ne se gênant pas pour nier les évidences du moment que cela sert leurs intérêts. Le pays est évidemment peu encombré par les associations de défense des droits de l’homme ou pro-démocratiques, et lorsqu’un opposant comme Navalny émerge, il est mis à l’ombre, voire pire…

    L’URSS a perdu la guerre froide à la fin des années 1980, elle est en train de prendre sa revanche et l’on dirait que la grande majorité du peuple russe s’en réjouit.

  • Trop MDR[1]

    Une jolie histoire boursière se déroule en ce moment aux Etats-Unis d’Amérique : des traders-fraudeurs hébergés par des hedge funds de rencontre s’amusaient à spéculer à la baisse sur des valeurs sentimentalement importantes pour l’Amérique profonde, dont Gamestop (chaîne de magasins de jeux vidéo), des particuliers ont mené une action concertée pour acheter cette valeur dont le cours en bourse est remonté poussant les traders-fraudeurs dans de sérieuses pertes financières au point d’inquiéter les autorités boursières à l’idée que des hedge funds puissent trébucher, voire tomber, puisqu’ils ont dû racheter en catastrophe les titres qu’ils avaient vendus à terme pour limiter leurs pertes.

    Comme on le sait, le boursicotage est un jeu à somme nulle : ce que perdent les traders-fraudeurs a été gagné par les particuliers. Dans le cas d’espèce, les particuliers en question voulaient en plus lutter contre cette mauvaise habitude des traders-fraudeurs jouant la perte des entreprises contre lesquelles ils spéculent. Ce procédé est légal et présenté par les hedge funds comme du darwinisme boursier permettant d’éliminer les plus faibles… On se souvient que lors de la crise financière de 2008, les autorités boursières allemandes avaient suspendu provisoirement cette possibilité de spéculation « à la baisse ». Il est donc possible d’y mettre fin si on le décide.

    Le problème est aussi que « l’action concertée » est officiellement interdite en bourse. Tout le monde la pratique bien entendu, et d’abord les hedge funds mais ils le font plus discrètement que les particuliers de Gamestop qui la revendiquent comme moyen de lutte partisane. On ne sait pas encore comment se terminera cette jolie histoire outre les pertes financières déjà déboursées par certains fonds spéculatifs sur le sort desquels on ne versera pas beaucoup de larmes. Les particuliers ont enfreint la Loi et risquent de devoir en payer la conséquence pour avoir manipulé le marché. Ils ont en tout cas montré que quelques individus organisés peuvent aussi affronter et vaincre la spéculation. C’est la leçon intéressante de cette jolie histoire.

    Lire aussi : « The Big Short » d’Adam McKay (2015) – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)


    [1] Mort de rire

  • FRISON-ROCHE Roger, ‘La grande crevasse’.

    Sortie : 1948, Chez : B. Arthaud / J’ai lu n°951.

    Frison-Roche (1906-1999), guide de haute montagne, écrivain-voyageur-explorateur, a bercé notre jeunesse avec ses récits de courses en montagne et dans le Sahara. Né à Paris, issu d’une famille savoyarde, il rejoint Chamonix, une fois adulte, où il fera ses classes comme porteur avant d’intégrer la prestigieuse Compagnie des guides de Chamonix dans les années 1930′. Il résidera également en Algérie durant la Iième guerre mondiale d’où il participera à des raids à travers le Sahara. Plus tard il mènera également des explorations dans le grand nord américain et en Laponie. Sur tous ces voyages il écrira romans et récits, et animera des conférences.

    « La grande crevasse » raconte la vie des montagnards de la vallée de Chamonix au début du XXème siècle. Des hommes taiseux, durs à la souffrance, vivants en communion avec une nature sévère mais grandiose. L’un d’eux, Zian, est guide l’été, paysan le reste du temps. Il va rencontrer et guider en montagne une parisienne éprise d’absolu et de grands espaces, Brigitte. Elle va être servie et… séduite. Mais le mariage verra s’affronter les cultures opposées de Paris et de la montagne. Eloignés un moment, c’est alors qu’ils doivent se retrouver que Zian, parti se ressourcer dans une course solitaire en montagne, tombera dans une crevasse et expirera dans les bras de ses camarades guides partis à sa recherche.

    Au-delà de l’amourette prétexte, et plutôt charmante entre Brigitte et Zian, le récit de Frison-Roche est une histoire sur la montagne que le style de l’auteur décrit avec passion dans toute sa puissance et sa beauté. Il arrive à en transcrire la majesté et expose la nécessaire humilité que l’homme doit afficher face à elle, sous peine d’y perdre la vie.

  • Des médias désarçonnés

    Charlie Hebdo (23/12/2020)

    Depuis plusieurs jours, les médias bavards annonçaient comme certaine l’annonce prochaine d’un nouveau confinement compte tenu de la recrudescence de l’épidémie de coronavirus en France, comme d’ailleurs en Europe. Les plateaux télévisés faisaient défiler des journalistes en retraite et des médecins inoccupés qui anticipaient cette décision « inévitable », nombre d’entre eux ne se gênant d’ailleurs pas pour la critiquer sévèrement.

    Hier soir, le premier ministre n’a pas annoncé le retour du confinement mais « seulement » un renforcement des mesures en cours basées essentiellement sur un couvre-feu national à 18h. Alors ce matin, les plateaux médiatiques, dépités, commentent pourquoi l’Etat a renoncé à prendre une décision que les journalistes disaient, faussement, qu’il allait prendre. Et nous voici repartis dans des analyses stériles, des débats oiseux et des polémiques sans fin sur une « non-décision ». Le mieux aurait été d’attendre que les annonces soient faites par ceux qui décident avant de les commenter, cela aurait pu permettre de consacrer le temps perdu à critiquer une décision « non-prise », à l’analyse et à l’intelligence de la situation réelle.

    Rappelons que la corporation des titulaires de cartes de presse bénéficie d’une niche fiscale sous forme d’un abattement forfaitaire sur leurs revenus imposables pour « frais d’emploi ». Ces subventions financées par les contribuables devraient, à tout le moins, générer un comportement responsable des journaux et journalistes qui en sont les bénéficiaires. Ils sont ainsi reconnus un peu comme service public, qualification qui devrait être un gage de qualité et non de beaufitude.

    Une solution serait peut-être de résilier cette niche fiscale imméritée et d’en allouer le produit à la recherche pour un vaccin contre le coronavirus actuel. Ce serait sans doute ainsi une bien meilleure utilisation des fonds publics.

  • PSICHARI Ernest, ‘Le Voyage du Centurion’.

    Sortie : 1922, Chez : Editions Louis Conard / Le Livre de Poche Chrétien.

    Petit fils d’Ernest Renan, mort pour la France sur le front de Belgique, Ernest Psichari (1883-1914) est un homme de son temps qui a suivi le cheminement intellectuel de nombre de ses contemporains. Etudiant en philosophie à la Sorbonne, il suit les cours de Bergson au Collège de France, il est inspiré par Charles Péguy puis par Charles Maurras et Maurice Barrès, publie des études philosophiques, attente plusieurs fois à ses jours, se rapproche de la droite nationaliste et s’engage finalement dans les troupes coloniales après avoir renoncé à son idéal antimilitariste.

    Ce récit, largement autobiographique, relate sa conversion au catholicisme durant ses séjours d’officier au Sahara. A la tête de sa harka de soldats maures au début du Xxème siècle, Maxence représente et affirme l’autorité française dans l’immensité des sables, au besoin les armes à la main lorsqu’il faut soumettre les rebelles. Lors de ses long moments de solitude, sous la voute étoilée du ciel sans fin du désert, il médite sur le pouvoir des occidentaux, sur les peuplades soumises, sur leur religion musulmane et, petit à petit, il mène un dialogue intérieur avec Dieu et son fils Jésus, au cœur du silence saharien :

    Le silence est un peu de ciel qui descend vers l’homme. Il vient des grands espaces interstellaires, des parages sans remous de la lune froide. Il vient de derrière les espaces, de par-delà les temps, – d’avant que furent les mondes et de là où les mondes ne sont plus. Que le silence est beau !

    Toujours plus loin dans le désert et toujours plus haut vers le mysticisme, entre adoration de Dieu et pitié de lui-même, Maxence va enfin rejoindre l’objet de ses dévotions et de son espérance : « Mais quoi ! Seigneur, est-ce donc si simple de vous aimer ? »

    Ce court récit est fascinant par la ferveur de ce soldat de Dieu et de la France qui tangente l’absolu au milieu du Sahara, ce désert qui à force d’inspirer tant de mysticisme aux hommes qui le foulent les rapproche de leurs Dieux.

  • Un grand moment de solitude

    Un zapping des chaînes de télévision depuis le début de la semaine a un peu démoralisé le téléspectateur…

    Tout d’abord le chanteur Francis Lalanne est venu expliquer ce 26 janvier à l’animateur Cyril Hanouna tout le bien qu’il pense de l’hydroxychloroquine et accuser le président de la République « d’avoir du sang sur les mains ». Il appelle à la destitution de celui-ci dans un long article publié dans France-Soir numérique et qu’il est venu commenter :

    Cet article qui fait plusieurs dizaines de pages est ponctué de saillies révoltées, voire révolutionnaires. La référence au « J’accuse » de Zola dans l’affaire Dreyfus est quasi-explicite, excusez du peu ! Le texte est truffé de références au texte de la Constitution, sans doute son signataire a-t-il obtenu le renfort de spécialistes car on ne le savait pas constitutionnaliste.

    Florilège :

    La République est donc frappée de caducité ; annulée par l’exercice totalitaire du pouvoir que pratique aujourd’hui l’Exécutif.
    L’Exécutif qui supprime tous les droits fondamentaux et s’approprie tous les pouvoirs, met par voie de conséquence le peuple français en situation d’oppression.La Puissance Publique s’emparant du « Bien Public », il s’agit bien d’un coup d’État du gouvernement contre la Nation. Les citoyennes et citoyens de France subissent ainsi l’oppression de leurs représentants.

    Il est également du droit et du devoir de la représentation nationale de déclencher le protocole de destitution du président de la République au terme de l’article 3 de notre Constitution ainsi que de l’article 68.
    De même, et si de besoin, il est du devoir de l’armée française pour assurer la « sûreté » du peuple français (article 2), de procéder à la mise à pied des auteurs du coup d’État – c’est-à-dire de l’actuel gouvernement ; et ce, afin de rétablir le droit républicain.

    Etc., etc.

    Lire le texte complet sur : L’Appel de Francis Lalanne

    Le débat télévisé entre Lalanne, chanteur populaire en retraite, habillé d’un long manteau de cuir, cheveux très long et lunettes foncées, avec Hanouna, héraut de l’abrutissement télévisuel, fut très productif… Le chanteur y a notamment expliqué qu’il refuse de porter un masque car c’est un nid de microbes dont il ne veut pas se couvrir le nez.

    Second point de rendez-vous : Nadine Morano invitée sur le plateau CNews de Pascal Praud le 27 janvier. Elle y assène ses certitudes de Café du Commerce avec sa morgue habituelle et critique la terre entière, mais surtout les dirigeants français, pour la gestion déplorable de la crise sanitaire. On est assez proche du niveau zéro absolu dans le débat politique. Mme. Morano est député européen pour Les Républicains mais semble plus présente sur les plateaux télévisés parisiens que dans les hémicycles du parlement européen.

    Francis Lalanne et Nadine Morano illustrent tristement le déclassement français auto-satisfait. Plus encore que les retards techniques annoncés dans les projets de vaccins anti-covid par l’Institut Pasteur et par le groupe Sanofi, le niveau d’abrutissement généré par ces tristes personnages et la place qui leur est donnée dans les médias désespère un peu sur l’avenir du pays qui est aujourd’hui franchement engagé sur la pente de la décadence. On a les dirigeants et les influenceurs que l’on mérite !

  • Produire des vaccins est un processus complexe

    Le Canard Enchaîné (06/01/2021)

    Comme il n’était pas impossible que cela arrive, les premiers industriels en charge de produire les vaccins vont avoir quelques retards dans les livraisons annoncées. On ne connaît pas bien les vraies raisons mais des à-coups dans la production sont évidemment inévitables compte tenu des quantités à fournir et du faible nombre de producteurs approuvés à ce jour. C’est sans doute la première fois qu’un produit, qui plus est pharmaceutique, doit être fabriqué pour les 7 milliards d’humains qui forment la population mondiale. Cela ne va évidemment pas se faire sans difficultés et nous ne sommes pas au bout de nos peines.

    Les émois de plateaux télévisés ou de comptes Twitter ne seront que de peu d’effet sur la résolution de ces difficultés de production. Il va falloir construire de nouvelles usines, booster les actuelles, disposer de matière première, tout ça pour 7 milliards de consommateurs. Ce n’est pas simple, il faut de la technicité et de la compétence, deux qualités qui font vraiment défaut sur les plateaux médiatiques. Alors laissons les professionnels agir.

    Il va y avoir de plus une bataille commerciale car les producteurs vont devoir répartir la misère entre tous les pays, au moins dans les prochains mois. On a déjà vu les nations se battre comme des chiffonniers pour de simple masques début 2020. Il risque d’y avoir du sang sur les murs pour les vaccins. Il n’est pas sûr que le Sénégal soit servi avant les Etats-Unis d’Amérique…

    Lire aussi : Restons calmes – Keep on rockin’ in the free world (rehve.fr)

  • La politique du « quoi qu’il en coûte » va bien devoir s’arrêter un jour

    Le sous-ministre chargé des comptes publics (Olivier Dussopt) a annoncé il y a quelques jours que la politique du « quoi qu’il en coûte » devrait prendre fin au cours de l’année 2021. Il reçoit aussitôt un déluge de critiques d’élus et de commentateurs de tous bords.

    Cette politique permet de financer l’ensemble des dépenses, en hausse sensible, générées par la pandémie alors que le pays est en très fort ralentissement économique du fait même de cette pandémie. Ce financement est assuré par la France en s’endettant alors qu’elle créé beaucoup moins de richesse que d’habitude. S’endetter quand l’économie est en berne est typiquement le genre de situation qui, par nature, a ses limites. Le dire, surtout de la part d’un dirigeant chargé des comptes publics, est une évidence.

    Une autre évidence qu’il va bien falloir mettre sur la table est celle de l’augmentation des impôts qui va immanquablement arriver pour rembourser ces dettes en forte hausse. Car les français vont bien devoir payer un jour, si ce n’est pas via l’impôt, ce sera par l’inflation ou par des bulles financières, et ce sera probablement avec un peu des trois. Car la France, comme a son habitude, est le pays occidental qui dépense le plus d’argent public par citoyen face à cette pandémie, argent dont il va bien falloir commencer à envisager de réduire le robinet et, un jour, qu’il va bien falloir rembourser.