Hole – 1999/06/22 – Paris le Zénith

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Hole est en ville comme nous l’a confirmé Canal + hier soir où le groupe s’est produit dans Nulle part ailleurs au cours d’une prestation acoustique très sage. Même les interviews furent rangées et sans vague. Étonnant : Courtney Love papillonnant sous ses cheveux blonds et les projecteurs d’une télé parisienne chic, nous parlant de l’éducation de sa fille devant les spectateurs de service faisant la claque. Au Zénith, ce fut autre chose…

Après deux guest stars qui se sont plus que bien défendues : Everlast et Bush, l’heure de Hole est venue. Le fond de la scène est décoré d’une lourde teinture rouge relevée par des cordons à pompons. Le rideau du théâtre grunge est levé. Courtney arrive vêtue d’un maillot deux pièces rose tirant sur le grenat, entourée d’un tissu vaporeux dans les mêmes teintes qui dévoile largement ses pulpeux atours. Deux ailes d’ange accrochées au dos, sa guitare lui pendouille sur les genoux. Toujours blonde, des paillettes brillent dans ses cheveux. La bassiste canadienne francophone est habillée façon go-go girl de saloon du fin fond de l’Ouest : justaucorps rouge vif à strass et mini-short noir sur bas résilles. Jusqu’à sa guitare brille de mille feux. La batteuse est aussi féminine qu’on peut l’être à un tel poste… et sa frappe est digne d’AC/DC au paradis hard. Seul homme du quatuor, Éric le guitariste est plutôt efféminé, classiquement en jeans T-shirt, il se cache derrière sa longue chevelure blonde, réincarnation de Kurt, le charisme en moins, très peu présent. Dès l’intro, tout est dit. La bassiste avec son petit minois coquin nous annonce dans un délicieux français du nouveau monde : “Nous sommes des belles filles et Éric est un joli garçon. Nous allons vous parler ce soir d’amour et de sexe”. Et çà démarre très fort. Le volume est maximum mais le son reste bon. C’est désordre à souhait mais les décibels écrasent les dérapages. Love vocalise et plaque quelques riffs quand elle y pense. Elle s’interrompt sans cesse pour faire monter sur scène les jeunes filles du premier rang qui s’agglutinent sur les barrières. Une sorte de solidarité féminine qui accompagne chaque extraction de jurons où sont étroitement mêlés les hommes et toute une panoplie de fuck variés et fleuris. Une fois extirpées de la foule en délire par les roadies inquiets, les élues sont installées sagement assises en rang devant la batterie. A la fin du show elles seront au moins une vingtaine. Parfois c’est un homme qui monte sur scène en se cramponnant à la main secourable de Love. Elle l’injurie, danse brutalement avec lui avant de le rejeter comme une poupée déglinguée. Puis Courntey est ensuite prise de velléités de haute montagne et escalade les murs d’enceintes avec des roadies accrochés à ses basques qui tentent non pas d’empêcher ses exploits, mais au moins de l’assurer dans sa varappe, les ailes d’ange pouvant s’avérer insuffisantes en cas de chute…

De longs discours ponctuent les morceaux. L’un est particulièrement et délicatement dédié à Nicole Kidman que Courtney ne semble pas porter dans son cœur. On y apprend que John Galiano refuse d’habiller Courtney car elle est quelque peu enveloppée et préfère Nicole à la taille mannequin de base. Alors elle demande à plusieurs reprises à la foule de huer Galiano et Kidman, ce qu’elle fait sans trop d’énergie. Il est vrai que Courtney est un peu dodue mais si délicieusement pneumatique, surtout mise en valeur comme ce soir avec tant de délicatesse et de bon goût.

Au milieu de toutes ces simagrées et démonstrations nous avons parfois un peu de musique, et c’est bien. Car le groupe joue fort, vite, violemment et puissamment. Les guitares saturent, le beat est terrifiant, la voix se mue en cris éructés. C’est du rock comme on l’aime. Le dernier disque “Celebrity skin” est repris presque en entier. On aurait aimé entendre la très belle et très tragique chanson “Petals” qui malheureusement n’est pas au programme. Alors qu’on sent la patte de Billy Corgan (Smashing Pumpkins et ex de Madame) dans la production du CD, un coté violence contenue, sur scène c’est considérablement plus débridé… Beaucoup moins contenu mais finalement assez convenu. Il ne faut pas confondre grunge et musique de chambre. Les chansons du début s’enchaînent avec les nouvelles. En rappel, notre princesse nous revient avec une robe moulante à souhait, encore plus érotisante que le bikini. Seule avec Éric à la guitare acoustique, elle interprète le magnifique “Northern Star”, bluesy et triste, « l’étoile du Nord devant laquelle les anges s’agenouillent dans la lumière glaciale”. Et tout notre petit monde revient pour un “Celebrity Skin” (la chanson) dur et final.

On aime Courtney, sa bande et leurs compositions. Mais on aime surtout quand ils jouent cette musique violente et parfois déchirante. On est moins intéressé par le cirque qui entoure tout ceci et rogne largement sur le temps du show. L’un ne va sans doute pas sans l’autre, c’est dommage. Avec sa dernière production, on la croyait revenue sur un chemin un peu moins punk où elle aurait canalisé son énergie dévastatrice pour continuer d’écrire de purs joyaux comme ceux qui composent Celebrity Skin. Il n’en est rien et la scène attise ses excès, reflétant sa vie. La mue salvatrice sera peut-être pour plus tard. Elle en a le talent pour peu que s’apaisent ses pulsions destructrices. Elle le mérite, et nous aussi.