Massive Attack – 2009/11/10et11 – Paris le Zénith

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Massive Attack pour deux soirées parisiennes au Zénith ; toujours pas de nouveau disque disponible (sortie annoncée maintenant de Heligoland pour le 08/02/2010) mais on connaît nos trip-hopers comme extrêmement exigeants et remettant sans cesse sur l’ouvrage leurs nouvelles compositions avant de les libérer dans l’environnement de leurs fans impatients mais finalement sereins.

Les bonnes nouvelles :

  • Martina Topley Bird, qui collabore et chante sur prochain disque Heligoland, assure la première partie et revient sur scène pour quelques morceaux des MA
  • Beaucoup de nouveau matériel sera joué sur scène
  • Daddy G et 3D restent le duo inégalé du trip-hop mondial

Les moins bonnes nouvelles :

  • Le light show guère renouvelé depuis deux ans a cessé de nous surprendre
  • False Flag n’est toujours pas joué à Paris

Martina se présente pour le warm-up vêtue d’une longue robe du soir rouge et son acolyte à la batterie, encagoulé comme un ninja. Ensemble ils joueront une musique simple et électro sur laquelle se pose à merveille la voix soul de Martina. La chanteuse britannique qui a inspiré Tricky en son temps, a participé aux débuts de trip-hop. Elle oscille maintenant entre délicatesse et technologie pour un résultat exquis. On ne pouvait rêver mieux pour préparer la suite.

Les Massive Attack se mettent en place sur la ritournelle de claviers de Bulletproof Love. L’infernale rythmique de base reste la même : double-batteries et basse, et marque de son empreinte un concert électrique : Winston Blisset – basse, Andrew Small & Damon Reece – batteries. Le reste des musiciens est tout aussi remarquable et soudé : Angelo Bruschini – guitare & John Baggot – claviers.

3D (Robert del Naja) et Daddy G (Grant Marshal), duo toujours novateur, reconstitué depuis deux ans, affichent une joyeuse complicité. Grant, pantalon-sarouel et blouson cuir, coiffé avec un pétard, semble encore plus filiforme que d’habitude du haut ses deux mètres et sa voix reste un puits caverneux sans fond sur les parois duquel se cogne notre raison aveuglée. Robert, pile électrique montée sur ressorts, dévoile son âme au micro en manipulant ses machines et orchestrant la bande.

Et puis les invités : Horace Andy, un abonné, costume sombre et dreadlocks bien rangés sous son chapeau rastafari (avec tête d’Hailé Sélassie brodée au tricot), qui déclenche une ovation à chaque apparition et, les mains arrondies en cœur, nous offre tout son amour de voix reggae ; Jah Man, Jah ! Et que Dieu te protège. Martina, apporte une touche de douceur au cœur d’une musique sombre et torturée, Deborah Miller délivre son incroyable performance vocale de diva black.

Le groupe enchaîne en ouverture quatre nouvelles compositions de leur prochain disque : Flat Of The Bladen Hartcliffe Star, Babel, Girl I Love You. C’est courageux mais finalement point trop risqué tant le public est en adoration. Ces morceaux sont puissants et intrigants. La guitare syncopée au larsen d’Angelo nous ramène en territoires connus avec l’intro de Risingsun : I seen you go down to a cold mirror/ … You light my ways through the club maze/ We would struggle through the dub daze… Le son est lourd, la basse obsédante, les lumières éblouissantes, 3D et Daddy  se jouent l’un de l’autre comme deux fauves cherchant sans cesse l’impossible espace de liberté entre les barreaux virtuels de nos existences. On est au cœur du sujet Massive Attack !

Suivent Red Light et un enthousiasmant Future Proof. Tous ces classiques sont rallongés et durcis à l’aune du live. Alors que les guitares sont fondues dans l’espace musical sur les disques, en scène Angelo s’en donne à cœur joie et place où il faut ses propres envolées. Il sait ajouter au déluge sonique le piment qui lui est nécessaire. Martina nous offre une respiration sur Teardrop, émouvant, qui précède un retour à des morceaux plus classiques du répertoire.

Le rappel débute avec l’obsédant Splitting The Atom, Martina au clavier solo, Andy/ Daddy G/ 3D aux chants, au milieu d’une féérie de phares lumineux tournoyants et saccadés. Puis la diva Deborah explose ses poumons sur un Unfinished Sympathy jubilatoire et d’initier une danse pesante et décomplexée, accrochée à un tambourin, sur sa voix samplée à l’infini par les machines. Le final est une immense découverte : Atlas Air (ou Marakesh comme intitulé dans un premier temps; alors qu’une mappemonde virtuelle commence une lente rotation sur les diodes luminescentes blanches, étirée sur toute la largeur de l’écran, un orgue d’église entame un chorus qui, tel un charmeur de serpents devant son panier, va faire se dresser le cobra de tous nos sens, seulement interrompu par le dialogue sourd entre 3D et les batteries. Puis reprend le chorus obsessionnel qui va nous mener à une explosion sonique et visuelle sans précédent ; les rampes verticales de projecteurs sont montées lentement au-dessus des écrans LED et stroboscopent des lumières aveuglantes ; les écrans diffusent à une vitesse subliminale tous les symboles des empires de notre siècle : drapeaux nationaux et marques commerciales ; 3D a depuis longtemps abandonné son micro pour boxer dans le vide aux rythmes incroyables de cette musique déchaînée. Ces dix minutes de folie pure clôturent ainsi une indicible prestation des Massive Attack qui, comme toujours, en donnent plus que l’on en attendait.

Un concert de Massive Attack reste une expérience exceptionnelle où tous nos sens sont mis à rude épreuve dans un embrasement volcanique de lumières, de sons, de mots, de rythmes et de sentiments. 3D et Daddy G perpétuent leur dialogue trip-hop énoncé de leurs voix travaillées sous le parapluie atomique de leurs musiciens. Ils savent s’effacer vers leurs machines pour laisser s’exprimer leurs invité(e)s qui chantent alors de façon aussi mélodieuse que leur propre soliloque est mécanique. Dans un cas comme l’autre, compositions et textes sont le fruit de cette fructueuse collaboration entre des artistes si divers. Le groupe joue avec talent sur cet aspect fusionnel de nos émotions qui est un peu sa marque de fabrique qu’il développe sans répit lors de concerts d’anthologie.

Certains esprits chagrins auront regretté que les deux soirées aient présenté exactement la même set-list. On peut imaginer que les prouesses techniques d’un tel spectacle contraignent quelque peu les artistes à rester sur un canevas préétabli, peu importe au fond, se seraient-ils produits toute la semaine au Zénith que l’extase aurait été aussi intense le dernier soir que le premier.

La soirée se termine comme il se doit par un Karmakoma jouissif.

Set list : 10 & 11/11/2009 au Zénith.

Flat Of The Blade/ Hartcliffe Star/ Babel/ Girl I Love You/ Risingson/ Red Light/ Future Proof/ Teardrop/ Psyche/ Mezzanine/ Angel/ Safe From Harm/ Inertia Creeps

Encore 1 : Splitting The Atom/ Unfinished Sympathy/ Atlas Air

Encore 2 : Karmacoma