Israël à l’assaut d’un bateau humanitaire turc

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L’armée d’Israël prend à l’abordage des bateaux turques tentant de faire passer de l’aide humanitaire à la bande de Gaza sous embargo israélien et égyptien : bilan officiel 10 morts, quelques blessés, 600 arrestations et autant d’expulsions. La cargaison est arraisonnée, inspectée puis sera en principe acheminée par les militaires israéliens à Gaza après sans doute prélèvement de quelques produits interdits (dont le ciment utilisable pour les maisons à reconstruire certes, mais aussi pour les bunkers).

L’assaut des navires tel que montré à la télévision est impressionnant, il démarre par descente en rappel de soldats depuis des hélicoptères, de nuit. On distingue clairement sur le pont du navire principal les passagers qui se rassemblent sur le pont pour accueillir les militaires à coup d’objets contondants qui n’ont pas l’air d’être des bouquets de roses. Le premier commando à descendre sur sa corde s’est donc jeté dans la gueule du loup. Le temps qu’il soit rejoint par ses petits camarades, les militants pacifistes du comité d’accueil ont tapé dans le tas, déclenché la panique chez les militaires qui ont tiré. La presse a dit qu’un des passagers se serait saisi d’un des fusils des militaires et aurait blessé un assaillant.

Que la réaction des militaires israéliens soit légitime ou non, elle fut désastreuse, son bilan humain pour les militants humanitaires et politique pour Israël est là pour le montrer.

Aussitôt connue, cette affaire a déclenché un tollé dans la « rue arabe », les organisations internationales et associations diverses, pacifistes ou non, qui en profitent pour organiser des défilés dans les rues occidentales avec keffiehs et de drapeaux palestiniens.

Le Conseil de sécurité des Nations-Unies pond un communiqué mou :

1 juin 2010 – Le Conseil de sécurité appelle à engager une enquête « transparente, crédible, impartiale et rapide » sur le raid contre la flottille humanitaire en route pour la bande de Gaza et exhorte Israël à « libérer immédiatement les navires et les civils détenus » et à « garantir la livraison de l’aide du convoi ».

L’assaut, qui s’est soldé par la mort d’au moins 10 civils, a également été condamné lundi par le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui s’est dit « choqué » par le raid meurtrier. Le Conseil des Droits de l’homme de l’ONU a également convoqué une réunion spéciale sur l’incident, mardi à Genève, en Suisse.

Le Conseil de sécurité a également souligné que la situation à Gaza n’était pas « durable ». Il a exprimé son « inquiétude » sur la situation humanitaire, tout en réaffirmant la nécessité de laisser transiter l’aide vers la Bande de Gaza.

À plusieurs reprises, les Nations Unies ont dénoncé le blocus de ce territoire palestinien et fait part de leurs préoccupations quant à l’entrée insuffisante de matériel pour répondre aux besoins élémentaires de la population et poursuivre la reconstruction.

Dans une précédente réunion sur ce dossier, Ban Ki-moon avait fait déjà estimer que le blocus « créait des souffrances inacceptables, affaiblissait les forces modérées et renforçait les extrémistes ».

Le Conseil de sécurité a souligné que la seule « solution viable » au conflit israélo-palestinien était un accord entre les deux parties sur l’établissement de deux Etats indépendants vivants côte à côte en paix. Le Conseil a aussi exprimé son soutien aux pourparlers indirects de paix et son inquiétude sur les conséquences que l’incident pourrait avoir sur ces discussions.

Enfin, le Conseil a appelé les parties à agir avec « retenue » et à éviter « toutes actions unilatérales et provocantes ».

La Haute-commissaire adjointe aux droits de l’homme, Kyung-wha Kang s’est dit choquée « que l’aide humanitaire soit confrontée à une telle violence », lors d’une réunion spéciale sur l’incident organisée mardi au Conseil des Droits de l’homme de l’ONU. « Nous condamnons explicitement ce qui semble être un usage disproportionné de la force », a-t-elle ajouté.

Kyung-wha Kang a réitéré son appel aux autorités israéliennes à lever le blocus sur la Bande de Gaza qui constitue un « affront à la dignité humaine ».

Elle a exprimé son souhait de voir « le gouvernement israélien de prendre les décisions nécessaires afin de démontrer à la communauté internationale un engagement clair pour respecter le droit international ».

Les 47 membres du Conseil des droits de l’homme devraient adopter une résolution à la fin de cette session.

Les membres du Conseil de sécurité n’ont pas réussi à se mettent d’accord sur une véritable condamnation de cette action militaire. On aurait pu penser que devant les effets de cette opération tout le monde se soit accordé sur un blâme un peu plus appuyé. En retour, il ne faudra pas donc s’étonner que le même Conseil n’arrive point à se mettre d’accord sur des résolutions condamnant les développements nucléaires de l’Iran.

En attendant les projecteurs sont de nouveau braqués sur ce blocus israélo-égyptien de Gaza que l’opinion internationale (à la mémoire éphémère) avait un peu oublié. Même les Etats-Unis demandent maintenant son assouplissement. Israël continue à se protéger du Hamas au pouvoir à Gaza, considéré comme un parti taliban, ce qui n’est sans doute pas très éloigné de la réalité. Un nouveau bateau est affrété pour Gaza et sans doute d’autres suivront. L’Egypte a rouvert un de ses points de passage vers Gaza, au moins pour le moment. La Turquie dont relève la majorité des morts est remontée contre Israël avec qui elle entretenait malgré tout des relations diplomatiques, et même de coopération militaire.

Bref, la force a parlé mais le bilan politique de cette affaire est mauvais pour Israël qui se retrouve un peu comme à l’issue de l’opération militaire plomb durci contre Gaza en 2009 : il y a moins de roquettes tirées sur Israël, mais le Hamas est toujours là et se retrouve politiquement renforcé, voire soutenu par un certain nombre de pays arabes qui le redoutent.

La force a encore eu le dessus, pour cette fois… mais cela ne durera peut-être pas indéfiniment. Il va falloir quand même arriver à mettre en œuvre une stratégie alternative car le temps joue contre Israël.