L’immobilisme des « gens du voyage »

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La polémique fait rage sur le sort des roms en France. La presse, la politicaille, les autorités européennes et les bonnes âmes de toutes parts s’émeuvent contre l’arrogance française et laissent de côté les questions plus embarrassantes.

Sur la forme il est pour le moins regrettable que notre agité de l’Elysée ait comme toujours voulu tirer la couverture à lui sur ce sujet épineux et se soit exprimé avec le fracas que l’on sait. S’il voulait vraiment diffuser son message délétère, il aurait mieux fait de laisser ses porte-flingues habituels prendre la parole, voire agir et ne rien dire.

Sur le fond, le tintamarre actuel laisse quelques questions passées sous le tapis.

Les deux premières relèvent de l’Histoire des bohémiens. Il ne faudrait peut-être pas oublier que les tziganes ont fait partie des undermenschen que les nazis ont voulu passer par pertes et profits durant la dernière guerre mondiale, et se souvenir également de l’influence de la musique tzigane sur notre musique européenne depuis plusieurs siècles. Pour ces deux faits : respect !

La troisième est que la situation présente est l’une des conséquences qui était prévisible de l’adhésion à marche forcée à l’Union européenne (UE) de pays dont le niveau de développement social, économique et culturel était à mille lieux de la moyenne de l’époque de l’UE ; sans parler de l’existence de minorités en leurs seins très mal intégrées, voire maltraitées. Une fois leur adhésion réglée et la liberté de circulation acquise au sein de l’Union, très naturellement ces minorités (d’autant que dans le cas d’espèce, elles sont de nature nomade) ont pris la route vers une herbe qu’elles croyaient plus verte, soit vers l’ouest… On a fait adhérer à un club de démocraties riches d’anciens régimes totalitaires peu habitués à traiter de questions comme celles de leurs minorités. Ils sont donc venus avec leurs problèmes qui sont maintenant les nôtres. Accessoirement on pourra noter que les minorités en France, comme les Corses par exemple, se disent maltraités par la République mais n’envisagent pas de la quitter, ce qui est tout de même le gage d’un relatif bien-être.

Roumanie et Bulgarie sont désormais membres à part entière de l’UE, on ne va pas les en chasser mais plutôt essayer d’éteindre les incendies que ces adhésions politiques ont propagé un peu partout jusqu’à l’Atlantique. Il serait toutefois intéressant que cette expérience soit bien méditée par nos édiles alors que frappent à la porte les démembrements de l’ex-Yougoslavie ou la Turquie, où, entre autres problèmes, subsistent de lancinantes questions de minorités kurde, kosovar, albanaise, etc.

La dernière question qui est passée sous silence est celle plus fondamentale de ce que vont devenir les populations nomades dans nos économies modernes, et cette interrogation dépasse largement les frontières de l’Europe. Les gens du voyage en France font tout pour le moment pour se différencier des roms qui seraient les gens du voyage non français. Mais dans la vraie vie leur intégration est également problématique. Il suffit d’écouter les complaintes des uns et des autres : manque de terrains disponibles pour accueillir leurs pérégrinations, rejet plus ou moins affiché de leurs venues dans certaines communes, liens plus ou moins avérés avec la délinquance, difficultés à les imposer, les scolariser, doutes sur l’origine de leurs revenus, etc.

Plus les économies se modernisent plus dans doute elles se sédentarisent, rendant incongru le mode de vie nomade. Dans des régions moins développées comme l’Afrique, les heurts entre nomades et sédentaires sont ancestraux. Une économie pastorale subsiste encore mais se heurte de plus en plus aux autres modes de développement sédentaires (agriculture, industrie). Les populations touaregs, peuhls, tutsi, inuit et d’autres doivent se battre pour survivre et il est probable que leur combat sera vain, il est déjà en partie perdu pour les touaregs.

Alors bien sûr s’accrocher à des modes de vie traditionnels est éminemment sympathique, mais personne n’a la recette idéale sur le comment faire, tout simplement parce que personne n’y a réussi à travers le monde ! Il semble plus responsable d’accompagner l’évolution de ces populations vers un mode de vie auto-suffisant, durable pour reprendre un mot à la mode, dans un environnement qui est ce qu’il est. Il faut pour ça de la bonne volonté des deux côtés mais il doit quand même être possible d’y trouver des interlocuteurs censés capables de réfléchir à long terme.