PJ Harvey – 2011/02/25 – Paris l’Olympia

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Troublant concert ce soir à l’Olympia de PJ Harvey venue pour présenter son dernier disque Let England Shake, fruit de trois années de réflexion sur la dévastation que fut la première guerre mondiale pour nos vieilles nations européennes. Le résultat est émouvant et inattendu.

Plantons le décor : PJ est habillée d’un pantalon noir et d’un blouson en plumes, noires également, d’autres plumes ornent sa coiffure en une étrange parure. Bien à gauche de la scène, elle joue le plus souvent de l’auto-harpe, portée en bandoulière comme une cithare antique. Sa voix est traitée façon bionique avec une étrange réverbération qui lui donne un aspect lointain et perçant.

Bien regroupés sur la droite on retrouve ses deux vieux compères John Parish et Mick Harvey se succédant aux guitares et claviers, accompagnés d’un batteur Jean-Marc Butty, tous habillés d’un gilet style gentleman farmers. Ces quatre musiciens n’ont guère besoin ni de se regarder ni de se parler pour jouer parfaitement à l’unisson. Il y a des années de collaboration derrière eux, blanchis sous le harnais de la route commune et unis par l’affection réciproque.

Le concert démarre avec Let England Shake qui donne le ton du show avec les sonorités si particulières de la harpe superposée sur les voix. Son dernier disque sera intégralement présenté comme une succession de tableaux impressionnistes dans une galerie intergalactique. Par des textes poétiques elle exprime la douleur et la consternation d’une nation en guerre, la noirceur de la mort qui partout hante les champs de bataille. L’ambiance guillerette de la harpe folk ajoute au trouble de ces mélodies portées en mode mineur. Les mimiques enfantines de PJ et les décrochements si caractéristiques de sa voix marquent toute la dérision de fonder la poésie sur le sang de la guerre.

Sur The Glorious Land elle reprend sa guitare blanche pour battre les riffs métalliques de la mitraille sur lequel se superpose la bande-son d’un clairon appelant à l’assaut. Et l’on imagine les files de soldats de sa Majesté sortant des tranchés pour courir à leur fin : And what is the glorious fruit of our land ?/ Its fruit is deformed children./ And what is the glorious fruit of our land ?/ Its fruit is orphaned children.

Sur All And Everyone, harpe, guitare saturée et orgue donnent une atmosphère crépusculaire, appuyée par le chœur des hommes qui entourent Pollyjean : Death was everywhere,/ in the air/ and in the sounds/ coming off the mounds/ … as we, advancing in the sun/ sing “Death to all and everyone”.

Sur Bitter Branches elle joue de la guitare acoustique pour adoucir le rythme infernal de l’électricité distordue délivrée par John. C’est la complainte de la forêt ancestrale accueillant et contemplant les soldats en formation tenant leurs fusils comme des branches amères envahissant le Monde comme des (mauvaises) herbes folles.

Quelques retours sur le passé viennent nous sortir de l’abyme avec The Sky Lit Up et un très beau et épuré The Devil. En rappel, de la guitare grasse et glissante sur Meet Ze Monstra pour rappeler le passé krypto-punk et Silence pour le baissé de rideau d’une artiste hors norme.

Déesse bionique ondulant sur les rythmes du combat, vestale à la lyre réinventant la mélodie du malheur, aigle noir à l’œil perçant croquant le chaos, PJ Harvey incarne tous ces personnages avec malice et tellement de subtilité. Toujours en avance d’une création elle ne cesse de surprendre la scène rock par sa créativité. Paris l’adore et lui a fait la fête qu’elle méritait ce soir pour clôturer ces deux concerts à l’Olympia.

Set list : Let England Shake/ The Words That Maketh Murder/ All & Everyone/ The Guns Called Me Back Again/ Written on the Forehead/ In the Dark Places/ The Devil/ The River/ The Sky Lit Up/ The Glorious Land/ The Last Living Rose/ England/ Bitter Branches/ Down By the Water/ C’mon Billy/ Hanging in the Wire/ On Battleship Hill/ Big Exit/ The Colour of the Earth

Encore : Meet Ze Monsta/ Angelene/ Silence