Arno au Café de la Danse ; Arno : une trogne, un clodo inspiré, un SDF relocalisé sous la tente du rock ; Arno est un belge d’Ostende, il est à Paris ce soir pour nous présenter son dernier disque : Future Vintage, produit par John Parish, compagnon de route de PJ. Harvey. Le concert est complet depuis longtemps, et d’ailleurs un Olympia est prévu en avril 2013 mais nous on le préfère dans l’intimité du Café de la Danse, comme s’il était dans notre salon !
Tignasse de cheveux blancs filasses, costume noir, bidon en avant, la voix rocailleuse, et l’assurance du vieux bluesman qui a usé son cuir sur la route et toutes les scènes des clubs de basse-fosse, douteuses et enfumées. Il est entouré ce soir d’un redoutable combo de musiciens : son alter-égo aux claviers (« celui-là je le connais depuis 40 ans et je n’ai jamais vu son zizi » nous dira-t-il lors des présentations), un longiligne et jeune guitariste barbu, bass et batterie. Le groupe pulse sous la baguette du chef, en vieux routiers du rock habitués aux facéties de leur leader.
Arno ne joue pas d’un instrument, il compose et chante, l’intendance suit, et c’est déjà magnifique. Il parle aussi, beaucoup, il n’arrête pas de nous raconter sa vie, dans ses chansons et entre les morceaux, avec un accent flamand à couper au couteau.
Arno c’est un Buddy Guy d’outre-Liévin : une gueule cassée, un cœur brisé, la voix d’outre-tombe qui dévide des insanités et des tendresses, Arno c’est la majesté du Mississipi traversant Ostende et réchauffant l’atmosphère comme le Gulf Stream dans la Mer du Nord. C’est l’énergie féconde d’un punk de 18 ans réincarnée d’un l’âme d’un vieux flamand qui a tant vécu dans le plat pays sous les nuages bas et gris d’un ciel toujours entre deux pluies. Mais cette énergie teintée de dérision, cet humour perclus de nostalgie fait toute la majesté du bonhomme qui nous emmène deux heures durant tout au bout de la furie de son verbe et de ses notes.
Il est déchaîné en scandant Putain d’putain/ C’est vachement bien/ Nous sommes quand même/ tous des européens. Il est bouleversant lorsqu’il évoque : Ma mère a quelque chose/ Quelque chose dangereuse/ Quelque chose d’une allumeuse/ Quelque chose d’une emmerdeuse/ Dans les yeux de ma mère/ Il y a toujours une lumière/ Dans les yeux de ma mère/ Il y a toujours une lumière/ Dans les yeux de ma mère.
Arno, bien plus qu’un copain de beuverie, bien plus qu’un musicien de rencontre, Arno, un vrai pote inspiré, un poète éraillé comme un vieux faitout dans lequel a mijoté le vieux jus d’une vie d’artiste, finalement pas si mauvaise malgré les apparences !