Le Mali à la dérive

Le Mali vient d’élire son nouveau président : Ibrahim Boubacar Keita (IBK). L’une des premières mesures prises a été d’élever au grade de général le capitaine Sanogo (passant d’un coup 4 ou 5 échelons), militaire putschiste qui avait démis le dernier président élu par la force des baïonnettes. C’est un peu comme si de Gaulle avait nommé Salan maréchal de France en 1962… Il a préféré le déferrer devant les tribunaux militaires qui l’ont condamné à la prison à vie pour sa participation au « putsch des généraux » et ses activités de chef de l’Organisation armée secrète (OAS) de sinistre mémoire, peine dont il sera gracié en 1968.

IBK croit se protéger en promouvant un militaire félon. Il a sans doute tort. Il ne fait que suspendre un problème qui resurgira bientôt. Comme il va désormais devoir reprendre les négociations sans fin avec les Touaregs qui tournent leur turban comme Chirac tournait sa veste, c’est-à-dire très régulièrement, il est vrai qu’un peu d’apaisement entre le pouvoir politique et son armée dépenaillée ne sera pas de trop.

En résumé, IBK doit se colleter les Touaregs dont une frange active a servi des années durant de mercenaires au régime libyen de Kadhafi, puis après la chute de celui-ci a réintégré son Sahara d’origine avec armes et bagages (surtout des armes d’ailleurs) pour s’allier au Mali avec des islamistes de rencontre et fondre sur la capitale Bamako pour y régler leurs comptes et y administrer la charia au passage. L’intervention d’une force franco-africaine ayant contrecarré leur projet, ils ont alors changé de turban pour aider cette force à déloger les islamistes des villes du nord, car entre temps leur alliance avait été rompue, ce qui n’empêche pas lesdits Touaregs, en tout cas certain d’entre eux, de continuer à demander leur indépendance pour leur territoire de sable et de cailloux. Vous avez du mal à suivre ? C’est normal, c’est une histoire touareg, et cela dure ainsi depuis des décennies. Des accords sont passés, puis rompus, trahis et re-signés, et des règlements de compte sanglants entre populations noires du sud et populations touaregs du nord viennent émailler tristement cette inconstance.

C’est l’éternel conflit entre les sédentaires et les nomades. Jusque-là ni la force ni la négociation n’ont réussi à calmer le jeu. Les haines sont rancies, les vengeances sont prêtes à exploser, l’incompréhension est totale. Voici le dossier auquel va s’atteler IBK, le moins qu’il puisse espérer est que son armée de dépenaillés reste calme pour quelques mois. C’est sans doute la raison de la promotion imméritée de Sanogo. Tout général qu’il est devenu, il ne tiendra pas longtemps ses troupes si l’Etat n’est pas capable de les payer à la fin du mois. A bon entendeur…