L’immigration en Suisse

La Suisse vote pour une limitation l’immigration de masse. Aussitôt la droite forte, le front national et autres tenants de la théorie du complot européen contre les nations applaudissent et veulent s’en inspirer pour le programme de leur retour au pouvoir.

La question qui a été posée en Suisse a été un peu biaisée et brutale, du style « Etes-vous pour ou contre l’immigration de masse » ? En fait pour être honnête il aurait fallu demander « Etes-vous pour ou contre l’immigration de masse et, pour la partie européenne de cette immigration, êtes-vous prêts à renégocier les traités d’adhésion à l’union douanière avec l’Union européenne ». La Confédération helvétique ne fait pas partie de l’Union européenne mais a accès au grand marché, c’est-à-dire qu’elle en a tous les avantages commerciaux sans en affronter les difficultés politiques. Ces avantages commerciaux ont été donnés à la Suisse en échange notamment de son acceptation des libertés de circulation et d’établissement des capitaux et des citoyens. Si la Suisse instaure des lois renonçant à ou limitant la liberté de circulation des citoyens européens, il suffira de changer les traités d’Union douanière. C’est techniquement possible.

Le coté rigolo de l’affaire c’est que comparé à la France, les flux migratoires suisses sont très différents puisque majoritairement européens. Les Suisses ont donc dit aux européens : « restez chez-vous ». Cela vise entre autre une population de frontaliers, français par exemple, qui habitent à Evian et travaillent à Lausanne. Ce dont ne veulent plus les français c’est de l’immigration africaine, ils sont sans doute plus tolérants avec l’immigration purement européenne même s’ils ont quelques prévenances à l’encontre des Roumains, des Bulgares et demain, des Croates, Serbes et tutti quanti. Il sera sans doute délicat dans un référendum de demander à Mme. Michu : « Etes-vous pour l’immigration (i) non européenne, (ii) des européens à l’ouest de la ligne Oder-Neisse et (iii) des européens à l’est de la ligne Oder-Neisse ? »

L’immigration non-européenne relève de la souveraineté nationale, à quelques réserves près. Si la France veut arrêter de distribuer la nationalité française ou des permis de travail à des populations non européennes type Rama Yade, Fleur Pellerin ou les arrivants au titre du regroupement familial, il suffit de le décider. C’est au programme de la « Droite forte », clan droitier de l’UMP, et de l’extrême droite. Les gouvernements plus modérés s’y sont cassé les dents depuis des décennies. C’est un peu comme les 35 heures, difficiles à démanteler car elles ont obligé les entreprises à procéder à des changements d’organisation si majeurs qu’ils sont quasiment impossibles à défaire ! Depuis l’immigration durant la IIème guerre mondiale pour débarquer en Provence, celle post 1945 pour travailler dans les usines de la France dévastée, le regroupement familial décidé par Giscard dit d’Estaing pour des raisons morales dans les années 70 et enfin, la mondialisation sans doute irréversible, il est difficile d’inverser le mouvement de l’immigration. Même Sarkozy y a échoué.

Dans la vraie vie il faut sans doute réguler l’immigration sans trop le crier sur les toits. C’est d’ailleurs ce qui est fait en France depuis des années avec plus ou moins de flexibilité selon les majorités. Le reste ne représente plus un problème majeur, y compris les 10 000 ou 20 000 roms qui perturbent la population. C’est un problème mineur par rapport à la question des finances publiques ou des lobbies économiques qui bloquent toute réforme de la société française. Il serait préférable que nos politiques passent plus de temps à faire de la pédagogie pour expliquer pourquoi on ne peut plus endetter les générations futures pour financer notre niveau de vie actuel, plutôt que pour désigner à la vindicte populaire le voleur de poules comme responsable de la crise économique.

Sujet connexe tout aussi rigolo, la mauvaise volonté du pouvoir français à mettre en œuvre ce fameux referendum d’initiative populaire, outil qui permettrait éventuellement un jour à un parti populiste de provoquer une consultation référendaire sur le modèle de celle intervenu en Suisse.

La France a modifié sa constitution en 2008 (sous l’inspiration de Sarkozy), article 11, qui instaure le référendum d’initiative populaire :

« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa [tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité] peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. »

Le monde politique n’a jamais voté les textes d’application, ce qui fait que cette modification constitutionnelle est restée lettre morte depuis ce temps, et constitue l’une des nombreuses escroqueries intellectuelles imposées au peuple français. Donc un référendum d’initiative populaire en France sur l’immigration n’est pas pour demain. Par contre si en 2017 émergeait un pouvoir de droite avec le clan UMP de la « Droite forte » en haut de l’affiche, voire quelques maires et députés d’extrême droite bien installés, le gouvernement d’alors pourra proposer un tel référendum.