Sortie : 2005, Chez 10|18 #5152
Sans doute l’œuvre la plus déchirante de Svetlana, prix Nobel de littérature 2015, celle qui fait parler ceux qui étaient enfants de 3 à 12 ans lors de la deuxième guerre mondiale sur le front de l’Est, majoritairement en Biélorussie dont l’auteure est originaire. La forme est une succession de courts récits entre une et quatre pages, sans aucun commentaire que le nom du témoin, son âge durant les faits et son métier à l’époque de l’interview.
On le sait, l’armée allemande a fait preuve d’une barbarie indicible lorsqu’elle envahit l’Union soviétique, considérant les slaves comme une sous-humanité. Bombardements aériens destructeurs des villes, massacres de villages entiers, assassinats de masse, chasse aux partisans… le sort réservé à ces populations fut à peine moins terrible que celui des juifs.
Ces désormais adultes qui racontent leurs souvenirs de gamins ont vécu des expériences traumatisantes qui les ont marqués à jamais : ils ont vu leurs parents tués ou torturés devant eux par des soldats allemands beaux et rieurs, leurs frères et sœurs assassinés à la baïonnettes par une armée sûre de sa supériorité, ils ont fui seuls dans l’exode vers l’Est à pieds, en trains, en charrettes, harcelés par les avions allemands, ils ont intégrés des cellules de partisans, ils ont pleuré la disparition de leurs parents… Mais dans cette overdose de souffrances et de douleurs, d’autant plus insupportables qu’elles furent vécues par des enfants, parfois arrive un petit rayon de soleil : un enfant retrouve sa maman à la fin d’une guerre sordide et abjecte qui les avait séparés.
Même si ce sont des adultes qui racontent, ils revivent et narrent ces atrocités avec leurs regards d’enfants de l’époque. Comment survivre à une pareille enfance ? L’un d’eux conclut d’ailleurs :
Ceux qui ont connu la guerre, enfants, meurent souvent avant leurs pères qui ont été au front. Avant ceux qu’ont été soldats. Avant, oui…