Très belle exposition du photographe Malik Sidibé à la Fondation Cartier pour l’art contemporain. De nationalité malienne Malik (1935-2016) a travaillé sa vie durant dans une petite boutique de photographe du quartier Bagadadji de Bamako. Il a photographié (presque peint) les siens qui défilaient dans son studio, pour des photos d’identité ou d’ambiance, où qu’il captait dans les soirées de la jeunesse postindépendance. Il acheta son matériel de laboratoire à un militaire français sur le départ après l’indépendance.
Si la milice politique du régime marxiste de Modibo Keïta n’était pas très tolérante, celle de Moussa Traoré qui lui succéda par voie de coup d’Etat à la fin des années 60’ laissa se dérouler de chaudes soirées bamakoises où les jeunes paradaient en costumes soignés sur les rythmes du twist, du rock et d’autres venus d’Occident. Ces « surprise parties » semblaient déborder de gaîté et de créativité. Sidibé a accumulé des milliers de négatifs noir et blanc de ces instants d’insouciance colorée.
Sidibé a été célébré dans le monde entier et ses photos exposés dans de prestigieuses institutions. Nombre de ses clichés sont présentés à la Fondation Cartier et on y chemine avec délice. Au sous-sol est projeté le film « Dolce Vita Africana » où l’on suit Malik Sidibé en fin de carrière, devisant avec ses amis ex-ambianceurs bamakois devant sa boutique, buvant le thé sur des fauteuils hors d’âge devant la circulation des véhicules hétéroclites dans les rues toujours défoncées de la capitale malienne. Ensemble, ils évoquent et racontent cette époque des années 60/70’ où tout semblait possible, lorsque l’enthousiasme de l’indépendance et des idéologies n’avaient pas été encore vraiment confrontés à la réalité. Ils réorganisent même une soirée « Las Vegas » où tous ces vieux ambianceurs se retrouvent devant l’objectif de Malik.
Le film est aussi touchant que les clichés, on y découvre la modestie de Sidibé qui éclate et sa passion pour la photographie des gens qui nous laisse l’héritage inestimable de ces milliers de clichés.
« En studio, j’aimais le travail de composition. Le rapport du photographe avec le sujet s’établit avec le toucher. Il fallait arranger la personne, trouver le bon profil, trouver la lumière qui embellit le corps. J’employais aussi du maquillage, je donnais de positions et des attitudes qui convenaient bien à la personne. J’avais mes tactiques. Ce travail que j’aimais trop m’a fait solitaire. Je ne pouvais plus le quitter ! » Malik Sidibé