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Le président de la République française vient de passer deux jours en Corse pour répondre aux revendications du pouvoir régional autonomo-indépendantiste. En gros il a refusé l’amnistie des prisonniers dits « politiques » tout en envisageant de pouvoir leur faire exécuter leurs peines dans leur île pour certains d’entre eux. Il a expliqué par ailleurs qu’il était en faveur d’inclure dans la prochaine réforme constitutionnelle la mention de la Corse, exigence très ancienne dont on se demande d’ailleurs ce qu’elle changera dans la vie de l’île (la mafia fait beaucoup plus de mal à cette région que son absence de mention dans la constitution…). Enfin, il refuse le principe d’une co-officialité de la langue corse avec la langue française d’un statut de « résident corse ».

En réalité la partie constitutionnelle ne prête pas vraiment à conséquence puisque ce n’est ni le président ni les élus corses qui décideront de la réforme à apporter à la loi fondamentale. En effet, toute réforme est votée soit par le congrès (assemblée national plus sénat) à la majorité des deux-tiers, soit par les électeurs français (et pas uniquement corses). Donc on peut s’agiter dans les palais pavoisés de la République à Ajaccio ou ailleurs, à la fin il faudra bien passer au vote et demander à la Nation si elle est d’accord pour accorder un statut spécifique à cette île irréductible. Globalement on peut anticiper que ni le « peuple français » ni ses représentants élus n’y sont prêts.

Le président Macron a dit ses quatre vérités à la Corse dans un discours ferme rappelant notamment toutes les incohérences des élus de cette île qui veulent le beurre et l’argent du beurre, être français pour les subventions et corses pour déterminer une fiscalité propre, notamment. Il a expliqué que l’île dispose déjà d’un statut spécial qu’il convient de mettre à profit pour travailler au développement économique, que pour la langue corse il suffit de l’apprendre aux enfants à la maison (ce qui n’est plus fait), etc. Bref, il a parlé réalité à des gens qui pensent symbole. Evidemment cela fait plaisir à entendre sur le moment mais cela ne règle en rien le futur. Ses positions sont mal reçues par les élus locaux qui n’obtiennent qu’une partie de ce qu’ils demandaient et voulaient faire croire qu’ils allaient tout emporter. Jeu de rôles plutôt classique qui déclenche un communiqué rageur du parti indépendantiste Corsica Libera auquel appartient le président de l’assemblée corse Jean-Guy Talamoni avec un « i muet ». On y parle des discours « haineux, provocateurs et méprisants » du président, de son « attitude négationniste de la question corse » et bla-bla-bla et bla-bla-bla. La France est responsable de tout et la Corse de rien !

« Que le gouvernement français n’en doute pas, Corsica Libera ne reniera jamais les engagements pris devant la Nation corse et se battra toujours pour défendre les intérêts de son peuple, le peuple corse. »

Ce communiqué démontre par l’absurde que la direction prise par la République n’est pas la bonne. Ce « peuple corse » n’est pas intégrable dans la République et il aurait fallu effectivement avancer vers un statut pré-indépendance sur le modèle de la Nouvelle-Calédonie. Ce micro-parti Corsica Libera est certes très minoritaire en nombre de voix mais il est sans doute majoritaire dans les cœurs si l’on en juge par l’absence quasi-totale d’opposition locale à ses propos et théories. Nous sommes repartis pour des années de conflit, voire une reprise de la lutte armée, et, on reviendra forcément un jour à l’idée d’indépendance de la Corse.


Communiqué de Corsica Libera (parti indépendentiste corse)

Rédigé le Samedi 10 Février 2018 à 12:00

« L’impunité de l’Etat en Corse, cela aussi doit cesser ! »

Cette semaine, on est venu dans notre pays pour nous dire que nous n’étions ni un peuple, ni une Nation et que la démocratie, le respect du suffrage universel ne s’appliquaient pas aux Corses.

Le plus haut représentant de la France est venu avec l’intention de nous expliquer que la Corse est entrée dans l’histoire en tombant à Ponte Novu. Dans une forme de révisionnisme affligeant pour un dirigeant du XXIème siècle, il a laissé entendre que les Corses avaient choisi délibérément d’être français, omettant sciemment la conquête militaire de l’île par les troupes françaises et la longue répression sanglante qui a suivi.

Il a également occulté le conflit qui agite notre pays depuis plus de 40 ans si ce n’est pour rendre un hommage indécent à un ancien ministre français responsable de la nomination et de la défense du tristement célèbre préfet Bonnet, symbole des dérives de l’état français en Corse. Il se permet de faire un amalgame offensant, inadmissible et insignifiant visant à présenter nos patriotes au même plan que des terroristes islamistes. Il se permet de stigmatiser les élus de la Corse et des Corses via des déclarations insultantes et la mise en place d’un protocole provocateur incluant de manière ubuesque par exemple, une fouille des plus hauts représentants de notre pays. Et pour finir, il se permet d’exclure volontairement le drapeau corse sur le sol insulaire au moment de son discours alors qu’il était bien présent lors de son passage comme candidat. Les Corses apprécieront.

Bien que les conditions de l’enracinement de la paix soient aujourd’hui réunies dans l’île, nous nous demandons pour notre part quel objectif peut bien poursuivre le chef de l’Etat français en tenant des discours aussi haineux, provocateurs et méprisants ?

Nous ne pouvons que réprouver cette attitude négationniste de la question corse. Nous réaffirmons que la seule voie permettant de tourner définitivement la page d’un conflit politique vieux de plus de 40 ans est de reconnaître la dimension éminemment politique de celui-ci.

Et ceci passe en premier lieu par la mise en œuvre du rapprochement sans exclusive pour les prisonniers, puis, au terme du processus, par leur amnistie ainsi que celle des recherchés politiques. Ils sont au cœur de la solution politique devant nous permettre d’envisager de nouvelles relations entre la Corse et Paris.

Sur le fond, aucune annonce nouvelle !

Le long discours du Président de la République est une énumération des mesures déjà engagées par l’Etat et annoncées par ailleurs, ou ne résultant pas de son action.

Il cite par exemple les 400 M€ du PEI déjà programmés. Il vante cette prétendue solidarité nationale qui selon le dernier rapport du comité d’évaluation de l’Assemblée de Corse a davantage endetté nos collectivités que développé de nouvelles infrastructures. Sur la méthode, le PEI n’a pas respecté pas les engagements initiaux de l’Etat, notamment en termes de répartition des investissements, 70% pour l’Etat, 30% pour les Collectivités. Il en fut 56% – 44% ! Quant au rattrapage historique, sous fond de collusion entre la préfectorale et nos anciens élus, il n’en fut qu’une répétition des annonces présentées lors de la Conférence Nationale des Territoires en juillet 2017. Il va même jusqu’à reprendre des projets portés par notre propre majorité (tourisme, numérique, agriculture…) et présentés, par moment, comme résultant de l’action de l’Etat !

Le Président de la République a par ailleurs développé des affirmations totalement fausses ou volontairement déformées dans une tentative évidente de manipulation de l’opinion.

– Contrairement à ce qui a été affirmé, la Collectivité De Corse disposant semble-t-il désormais de « supers-pouvoirs », n’a donné lieu à aucun transfert de compétences de l’état.

– Le statut de résident résultant de la volonté majoritaire de l’Assemblée de Corse avant même l’arrivée des nationalistes aux responsabilités n’est pas une impasse juridique et existe en Europe (Bruxelles, Îles Aland, Dannemark, Jersey, Malte).

– Le raisonnement fondé sur une corrélation entre la hausse des prix du foncier et la faible constructibilité de la Corse est lui aussi fondé sur un diagnostic saugrenu. Contrairement à ce qui est affirmé, le problème de la spéculation ne provient pas du volume de l’offre mais du volume de la demande. Il ne résulte pas d’un manque de logements en construction mais du décalage croissant entre la demande pléthorique et le niveau de capacité des Corses à acquérir un logement. En effet, la Corse détient le record de construction de logements avec 1,4 m2 construit par habitant en 2017 contre par exemple : 0,33 en Ile de France ou 0,625 en PACA.

Les affirmations péremptoires du Président de la République lui permettent d’arriver à une conclusion sciemment erronée et mensongère, celle qu’il recherche précisément, afin d’assouplir les lois de protection, en prenant soin de ne jamais évoquer le PADDUC.

Pire, l’accusation selon laquelle la spéculation serait censée profiter aux Corses est une insulte au bon sens lorsque l’INSEE observe qu’à mesure que de nombreuses villes du littoral, notamment en Balagne, ont vu leur bétonisation s’étaler, elles comptent moins d’habitants aujourd’hui qu’il y a dix ans.

La spéculation dans l’île accélère la dépossession et la marginalisation des Corses. Enfin, comment devrions-nous apprécier la promesse de logements sociaux toujours plus nombreux dans un discours qui se fait pourtant le chantre de « l’ambition » ?

Est-ce un signe de renoncement de l’Etat ou au contraire un signe de sa volonté de nous accuser et de nous exclure de notre propre terre ?

Comment croire que l’assouplissement des lois littoral et montagne pourra à lui seul, par magie, par idéologie, ou par la recherche exclusive du profit, permettre aux Corses de se loger alors qu’il poursuit l’unique but de bétonner pour construire encore davantage de résidences secondaires ?

Que dire de la volonté affichée de décrédibiliser les institutions de la Corse en cherchant à infantiliser et à vexer, par un discours aux accents faussement paternalistes les élus de la majorité territoriale ?

Devons-nous rappeler que les représentants légitimement élus de la Corse tiennent depuis 2015 un discours de responsabilisation des acteurs économiques et institutionnels de l’île sans avoir attendu la venue d’un messie parisien, comme au temps des colonies françaises ?

En effet, conformément à l’article 174 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, la mise en œuvre d’une fiscalité adaptée à notre situation géographique, notre insularité, notre relief et notre démographie vise à mettre en œuvre un statut fiscal idoine et à remplacer les dotations d’Etat par des transferts de fiscalité sans lui demander un seul euro de plus.

Pourquoi le Président de la République a-t-il jugé bon d’essayer d’induire en erreur l’opinion française en laissant croire que les Corses usent et abusent de la « solidarité nationale » en demandant toujours plus d’argent à Paris ?

Que dire également des sous-entendus stigmatisants envers l’Université de Corse sommée de s’ouvrir quand l’Etat n’a eu de cesse de la maintenir fermée.

Comment accepter d’entendre que le recul du bilinguisme soit imputable aux professeurs de langue et culture corses alors que toutes les études montrent une corrélation entre le niveau de compétence et le statut de la langue à l’Ecole et dans la vie publique ?

Là encore, la construction d’une solution ne pourra passer que par un diagnostic partagé plutôt que par l’indexation de fausses responsabilités pour mieux se libérer des siennes.

Les développements malhabiles sur l’identité corse, systématiquement invitée à s’ouvrir, nous font sourire tant le mouvement du Riacquistu a su se fonder et se prolonger dans une tradition d’échanges avec le monde méditerranéen, avec d’autres cultures, minoritaires ou non, avec d’autres mouvements artistiques, dans la musique, dans la littérature, dans le cinéma ou dans les arts plastiques aussi.

L’ouverture par la Président Macron, c’est une dissolution, prélude à la disparition.

Les acteurs culturels n’ont sur le sujet aucune leçon à recevoir d’un économiste qui semble ignorer la dimension économique de la culture en Corse et de son attractivité.

Par ailleurs, l’appel du Président Macron à l’ouverture de l’île est bienvenu de sa part, tant la construction de l’Etat-nation nous a enfermé dans une relation exclusive et unilatérale avec la France continentale.

Permettons-nous de lui rappeler qu’il aura fallu attendre notre arrivée aux responsabilités pour que la Corse affirme son ambition euro-méditerranéenne, pour qu’enfin des relations soient renouées avec nos voisins et partenaires, notamment la Sardaigne.

Gageons qu’il saura appuyer nos demandes de continuité territoriale européenne, de représentation de la Corse au Parlement européen, de mise en place d’une solidarité européenne, notamment sur les incendies et d’échanges culturels, tels que nous les avons initiés notamment avec la Sardaigne.

Le président français nous annonce également un retour en force de l’Etat par le biais d’un discours reconnu par les observateurs comme un nouveau pacte jacobin.

Rappelons que la dernière fois que l’Etat a tenu de telles annonces, cela s’est traduit par plus de 400 interpellations, l’incarcération d’une quarantaine de personnes sans motif valable. Triste période qui s’est soldée par un Etat humilié dans le sable de Cala d’Orzu mais néanmoins solidaire de son préfet et des errements judiciaires qui suivirent.

En revanche, le Président est moins tatillon lorsqu’il évoque la santé, compétence exclusive de l’Etat pour dénoncer la mauvaise gestion, alors que depuis des années, nous sommes mobilisés pour la modernisation de nos infrastructures sanitaires car la mauvaise situation actuelle qui est de la responsabilité pleine et entière de l’Etat n’est pas acceptable !

Nous avons apprécié le retour en force de l’Etat en matière de sécurité. Doit-on comprendre que l’Etat ouvrira enfin une enquête et procédera à l’établissement des responsabilités des incendies de Bunifaziu et de Casta, provoqués de notoriété publique par ses propres services ? L’impunité de l’Etat en Corse, cela aussi doit cesser !

Rappelons au Président français que dans son vieil Etat, les ordres courent moins vite que les flammes et qu’il aura fallu attendre une journée pour que la France donne enfin son accord pour qu’un avion italien puisse intervenir sur le feu de Biguglia. A son arrivée, le feu était circonscrit.

Au lieu de faire un pas vers l’avenir, le Président Macron nous promet le retour d’un gouverneur de la Corse, comme à l’époque génoise, en nous précisant qu’à la fin du PEI, le préfet pilotera et décidera des grands projets d’infrastructures de l’île en lieu et place des élus démocratiquement désignés par leur peuple.

C’est tout simplement inenvisageable !

Devant tant de mauvaise foi, de condescendance malsaine et de mépris envers notre peuple, nous continuerons à nous battre aux côtés de nos élus pour la reconnaissance officielle du peuple corse en tant que communauté originale ayant droit lui aussi à l’existence.

Conformément à nos engagements, nous continuerons à travailler quotidiennement pour répondre aux attentes et aux besoins de notre peuple, le peuple corse.

Il faut que la France et ses représentants comprennent une bonne fois pour toutes, que, même si nous sommes disposés à dialoguer loyalement, sans tabou ni préalable de tout pour enraciner notre pays dans une voie de paix et de développement au profit de notre peuple :

– Jamais nous n’accepterons sans réagir que notre peuple soit aussi injustement méprisé dans les symboles (institutions, drapeau, langue, peuple) et par le biais d’un discours néo colonial scandaleux et inacceptable ;

– Jamais nous n’accepterons que les choix du peuple corse, si largement exprimé par le biais du suffrage universel pour l’instauration d’un statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice ne soient pas respectés par la France ;

– Nous refuserons toujours catégoriquement la confiscation de la volonté collective du peuple corse exprimée démocratiquement, par la nomination parisienne d’un administratif ayant le pouvoir de décider sans être élu à la place de notre peuple ;

– Nous défendrons toujours avec force et fierté la langue multiséculaire de nos ancêtres. Nous ne la laisserons jamais disparaître et nous ferons toujours flotter notre drapeau, a testa mora, symboles de notre unité et de ce que nous sommes.

Corsica Libera appelle l’ensemble du peuple corse à rester déterminé, serein, prêt à se mobiliser pour défendre nos intérêts aux côtés de nos élus mais aussi à rejoindre en nombre le collectif « Demucrazia è rispettu pè u populu corsu ».

Nous soutiendrons nos élus qui au cours du mois à venir, feront la démonstration du bien-fondé de l’inscription de la Corse à l’article 74 de la Constitution afin que nous obtenions un statut nous permettant de disposer du pouvoir législatif, et d’une loi organique nous permettant d’agir sur le quotidien des Corses, notamment en matière fiscale, foncière et linguistique.

Que le gouvernement français n’en doute pas, Corsica Libera ne reniera jamais les engagements pris devant la Nation corse et se battra toujours pour défendre les intérêts de son peuple, le peuple corse.

Chì u statu francese è i so ripresentanti fussinu intesi o nò, avemu un paese da fà è u feremu ! À populu fattu, bisogn’à marchjà !