MARCEL Gabriel, ‘En chemin vers quel éveil ?’.

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Sortie : 1971, Chez : Voies ouvertes – Gallimard

Gabriel Marcel (1889-1973 ) est un philosophe, dramaturge, critique littéraire et musicien (à ses heures perdues). Auteur de nombreuses œuvres philosophiques et de pièces de théâtre, au crépuscule de sa vie il a décidé d’écrire non pas ses mémoires mais des pensées lui venant lorsqu’il jette un regard sur toutes ces années passées à réfléchir, analyser, écrire sur le sort de l’Homme.

Au cœur d’une période si fertile en philosophes de tous bords, il a aussi développé un courant que l’on a appelé « existentialisme chrétien » pas vraiment compatible avec l’existentialisme de Sartre semble-t-il. Bref, l’Homme n’est pas déterminé par quiconque mais libre et responsable de son existence. Gabriel Marcel s’étant converti à la religion catholique il ajoute Dieu à son existentialisme et là commencent les problèmes conceptuels. Mais qu’importe, il explique ce qu’il croit et n’exclut rien, y compris le spiritisme dont certaines expériences l’ont marqué.

La guerre de 14-18 a précédé sa conversion et l’a poussé vers l’existentialisme, quoi de plus symbolique de la liberté que celle prise par les hommes de s’entre-tuer ? Son passage au catholicisme en 1929 est sans doute le fait marquant de sa vie, et de sa pensée, sur lequel il ne cesse de s’interroger, voire de se justifier. Il reconnaît toutefois « le caractère hasardeux de l’engagement [souscrit] » et n’exclut pas totalement qu’il existe « une marge d’incertitude » quant à la réalité de la résurrection du Christ qui pourrait un jour être contredite. Malgré tout, création, compassion, universalité, mystère [« ce qui n’est pas problématisable »]… sont des concepts qu’il vit « charnellement » et qui nourrissent ses réflexions sur cette religion à laquelle il s’attache en pleine connaissance de cause, non comme à une bouée de sauvetage à ses angoisses mais qu’il reçoit comme une éclairante certitude intellectuelle. Pour lui les valeurs chrétiennes ne peuvent pas être vécues sans la foi et l’existence de cet humanisme semble justement lui confirmer l’existence de Jésus. Chacune de ses pièces de théâtre semble inspirée par ces réflexions. Il reste à les lire !

Au-delà de ce retour sur des décennies de foisonnantes réflexions philosophiques il note quelques passages de l’Histoire et de son existence : le décès du Général de Gaulle qui après une vie de combats glorieux souhaite être enterré dans un petit village de France auprès de sa fille Anne handicapée et morte très jeune ; le procès des basques de Burgos par le régime de Franco en 1970 ; l’adoption de son fils « … une sorte de greffe spirituelle » ; la musique « …capable de traduire cette conjonction du chagrin et de la joie, qui ne se laisse pas exprimer dans un langage conceptuel [au sujet de l’armistice de 1918] » ; le décès de sa femme et d’autres proches…

Gabriel Marcel connut une reconnaissance certaine de ses pairs, y compris à l’étranger. Docteur honoris causa dans nombre d’universités, récipiendaire de nombreux prix… ce livre retrace quelques étapes du parcours d’un humaniste du XXème siècle éclairé par la foi catholique. Les non-initiés ne comprendront pas tous les concepts abordés mais on pressent un humain qui participa à cette grande tâche de la Pensée et c’est bien là le plus fondamental.