Il est difficile de ne pas ressentir d’émotion en parcourant les champs de bataille de la « Grande guerre » où nos anciens ont connu la mort et l’enfer pour l’une des choses les plus stupides du XXème siècle occidental : les guerres entre la France et l’Allemagne.
Aujourd’hui des sapins ont été replantés dans les cratères d’obus et le drapeau allemand flotte à côté des bannières française et européenne sur les monuments commémorant cette barbarie. L’Histoire passe ; c’est bien ainsi.
Le Centre mondial de la paix de Verdun
Installé dans un vieux palais épiscopal de Verdun à côté de la cathédrale de la ville, le Centre mondial de la paix organise des évènements sur le thème de la paix, des libertés et des droits de l’Homme. Aujourd’hui, l’exposition « Que reste-t-il de la Grande guerre ? », faisant suite à la commémoration du centenaire de l’armistice du 11 novembre 1918, raconte les traces de cette guerre barbare si présentes dans les paysages de la région. En avançant dans des pièces un peu délabrées où les boiseries moisissent, on découvre l’intensité terrible de cette première guerre moderne mais aussi ce qu’elle déclencha en termes de progrès techniques et médicaux, le rôle des femmes qui ont fait tourner le pays pendant que les hommes se massacraient sur le front (mais elles n’obtiendront le droit de vote qu’à la fin de la guerre suivante en 1946), le sort d’un million de veuves et encore plus d’orphelins, le financement de la guerre comme celui de la reconstruction, les innombrables lettres échangées entre les familles entre le front et l’arrière…
Cette guerre fut la première à être véritablement médiatisée. Il en subsiste un patrimoine photographique et filmographique inestimable dont de nombreux extraits sont présentés ici. Grave et passionnant ! Le site du centre se termine par .eu, histoire de marquer l’importance de l’Europe pour la paix.
Le Mémorial de Verdun
« Ce Mémorial a été édifié par les survivants de Verdun, en souvenir de leurs camarades tombés dans la bataille pour que ceux qui viennent se recueillir et méditer aux lieux mêmes de leur sacrifice, comprennent l’idéal et la foi qui les ont inspirés et soutenus. »
Maurice Genevoix
Créé à l’initiative de l’écrivain Maurice Genevoix et d’autres survivants, le musée a été agrandi et modernisé entre 2013 et 2016, année où il a été réouvert pour le centenaire de la bataille de Verdun. La visite est passionnante ; basée sur les techniques muséales modernes elle nous fait comprendre les tenants et aboutissants des 300 jours de combats à Verdun et ses alentours. Et l’on revient sur les points de vue français, allemand, sur le Kaiser, l’Alsace et la Lorraine, l’économie de guerre, les techniques de combat, les généraux et maréchaux français ou allemands, l’arrivée et l’aguerrissement des troupes américaines (jusqu’à 2 millions d’hommes sous le commandement du général Pershing), les histoires de fraternisation entre combattants, les forts des environs pris et repris, les villages détruits, les débuts de l’aviation de guerre… jusqu’au jour tant attendu de l’armistice qui s’ouvre sur une Europe dévastée qui ne s’en est jamais vraiment remise !
L’ossuaire de Douaumont
Réunissant les restes de quelques 130 000 combattants, français et allemands, le bâtiment construit après la guerre sur une colline qui domine une vallée de croix blanches. Les ossements sont entassés au sous-sol. Au premier étage la chapelle et une immense salle du souvenir où se succèdent des plaques individuelles avec d’autres rappelant des unités combattantes et des lieux de la bataille. C’est le lieu du recueillement. Au-dessus, le sommet de la tour offre un panorama sur cet immense cimetière de croix blanches cernée des collines ondulantes de la Meuse.
Les forts de Douaumont et de Vaux
Symbole de la lutte sauvage qui opposa les français aux allemands, pris et repris par les uns puis les autres, ils ont été l’objet d’un héroïsme exceptionnel de leurs défenseurs. Sortes de canonnières fixes, ils marquaient, avec d’autres, la ligne de front que les « boches » n’ont finalement jamais pu durablement franchir dans leur offensive sur Verdun. Des combats au corps à corps se sont déroulés dans les souterrains qui ont été gazés, les installations ont subi des bombardements continuels et massifs durant toute la bataille dont tous les paysages alentours portent encore les traces. Même les pigeons, seuls moyens de communication quand le téléphone fut coupé, furent héroïques. Le dernier d’entre eux a même été décoré après qu’il mourut mais porta à destination le message suivant du 4 juin 1916 en provenance de Vaux :
Nous tenons toujours mais nous subissons une attaque par les gaz et les fumées très dangereuse. Il y a urgence à nous dégager. Faites-nous donner de suite communication optique par Souville qui ne répond pas à nos appels. C’est mon dernier pigeon.
Commandant Raynal
Quelques heures plus tard les survivants français se rendaient. Il se dit que les allemands rendirent les honneurs à ces soldats alors qu’ils sortaient de leur souterrain. Mais l’inverse a également été avancé. Sur le haut du fort de Douaumont, les tourelles métalliques des canons, défoncées par les obus prussiens et tournées vers l’Est subsistent, sombre symbole d’un combat que l’on espérait définitivement révolu, hélas à tort en 1918.
Les Eparges
Voici le cadre du récit de guerre de Maurice Genevoix : « Ceux de 14’ ». On se promène sur ces collines reboisées comme dans les pages de l’œuvre de Genevoix, avec fascination et désespérance devant le spectacle de cette sauvagerie européenne. Il y a le monument dédié aux mineurs du génie qui s’évertuaient à creuser sous les lignes ennemies pour y déposer et faire exploser des charges de plusieurs centaines de kilos d’explosifs qui tuaient et ensevelissaient « le boche » qui ne se gênait pas pour rendre la pareille. Il y a aussi le « point X » qui domine la plaine et représente un observatoire idéal pour l’artillerie, pris et repris par les forces en présence. On y regarde désormais un paisible paysage en pensant intensément à « Ceux de 14’ ».
La citadelle enterrée de Verdun
Cette citadelle fut le quartier général de l’armée française durant la Grande guerre. La partie haute fut construite au XVIIème siècle, renforcée par Vauban, puis complétée d’une citadelle « basse », enterrée à la fin du XIXème avec 7 kilomètres de galeries. C’est là que fut organisée la cérémonie de désignation du soldat inconnu qui repose depuis 1920 à Paris sous l’Arc de triomphe. Le caporal Thin fut chargé de déposer un bouquet de fleurs sur le cercueil qu’il choisit, le sixième des sept présents en l’occurrence :
Il me vint une pensée simple : j’appartiens au 6e corps. En additionnant les chiffres de mon régiment, le 132e, c’est également le chiffre 6 que je retiens. La décision est prise : ce sera le 6e cercueil que je rencontrerai. »
Auguste Thin
La visite de la citadelle se déroule sur des chariots sans chauffeur qui cheminent dans une partie seulement des galeries et marquent des poses devant des scènes reconstituées en hologramme.
La voie sacrée nationale
C’est la dernière étape pour aller reprendre son train à la gare TGV Meuse, suivre une partie de cette route stratégique reliant Bar-le-Duc à Verdun, qui fut utilisée la guerre durant pour nourrir la bête guerrière en hommes et munitions. Entretenue jours et nuits par une noria de sapeurs du Génie, protégée par la force aérienne, elle a vu défiler des centaines de milliers de soldats et autant de tonnes de matériel de ravitaillement. C’était l’artère vitale à maintenir ouverte, elle le resta jusqu’à la victoire.