Le parlement britannique a rejeté pour la seconde fois l’accord de divorce négocié entre le gouvernement et l’Union européenne. Comme la fois précédente, l’accord mécontente la majorité pour des raisons opposées : les partisans du divorce ne le trouvent pas assez radical, ceux qui veulent rester dans l’Union le trouvent trop mou, et tout ce petit monde campe sur ses positions, refusant de compromettre, oubliant leur mission et, probablement, participant à la montée de la détestation du monde politique par le citoyen. Comme d’autres nations occidentales, le Royaume roule en pente douce vers la décadence démocratique qui gangrène nombre de nations.
Le cas du Brexit est emblématique. On l’a vu dans le passé, les britanniques n’ont jamais été de francs partisans de l’union politique européenne mais uniquement intéressés par l’accès au marché unique que lui permettait son adhésion à l’Union en 1973. Ils se sont opposés depuis à beaucoup de politiques européennes et ont obtenu nombre d’exceptions et d’exemptions leur conférant un statut particulier : « le beurre et l’argent du beurre ». Avec le sentiment de leur bon droit et une efficacité certaine, ils ont cherché depuis leur adhésion à savonner la planche sur laquelle les pays membres cherchaient à renforcer les aspects politiques de l’Union. En juin 2016, un gouvernement conservateur organisa un référendum sur le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union pour de basses raisons de politique interne. Contre toutes attentes, le résultat fut en faveur d’une sortie. La campagne électorale fut un consternant déchaînement de beaufitudes et de mensonges des deux côtés, le résultat inattendu.
Les partisans du Brexit croyaient si peu à leur victoire que rien n’avait été préparé pour la mise en œuvre d’une telle hypothèse et nombre des dirigeants qui la défendaient ont d’ailleurs disparu dans la nature et sont retournés à leurs affaires. En fait, ils sont généralement de vrais libéraux et pensent profondément qu’il faut laisser faire les choses, surtout ne pas convenir d’un accord avec l’Union, le sacrosaint « Monsieur le Marché » devant régler naturellement tous les problèmes et aplanir les difficultés.
En attendant il n’y a pas de majorité au Parlement, ni pour la solution libérale, ni pour l’option modérée d’une séparation encadrée par un accord. Encore plus contradictoire, le lendemain du second rejet du projet d’accord remodelé, ce Parlement a voté massivement contre l’option d’une sortie sans accord… retour à la case départ et aveu d’impuissance. Du coup, un nouveau vote de ce parlement indécis demande à la première ministre de négocier un report de la date limite de sortie fixée au 31 mars 2019.
L’un des points de blocage les plus sensibles concerne le cas de l’Irlande du nord. Celle-ci faisant partie du territoire de la couronne, une fois le Royaume sorti de l’Union, il conviendrait donc de rétablir une frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du nord, c’est la logique de la sortie du marché unique. Simplement, les britanniques n’en veulent pas car cela risquerait de relancer la guerre civile en Irlande du nord entre les catholiques partisans de la réunification des deux Irlande et les protestants voulant maintenir leur appartenance à la couronne britannique. Du coup, le Royaume-Uni quitte l’Union, principalement pour revenir tranquillement à l’abri de ses frontières mais… ne veut pas rétablir celle avec la République d’Irlande. C’est inextricable et nous en sommes là. Les britanniques qui ont pollué l’Union du temps de leur présence, continuent à la perturber sérieusement pour en sortir.
Cerise sur le gâteau, le gouvernement conservateur dirigé par Theresa May, elle-même initialement partisane du maintien dans l’Union, chargé de négocier la sortie, organisa des élections anticipées en avril 2017 pour renforcer sa majorité, dont le résultat aboutit à… l’affaiblir, rendant plus délicate encore l’adoption du produit de ses négociations avec Bruxelles, comme on l’a vu ces derniers mois. Bref, c’est le chaos à tous les étages mais peut-être cette déconstruction sera-t-elle positive.
Il reste encore quelques semaines pour aboutir à un divorce à l’amiable, si celui-ci ne pouvait pas être conclu à temps, et bien la sortie serait plus brutale mais pas forcément plus mauvaise. Il faudra refaire le point dans dix ans sur les positions respectives de l’Union sans le Royaume-Uni et du Royaume indépendant. Bien malin est celui qui croît pouvoir prédire aujourd’hui ce qu’il en sera demain. God save the Queen !