Un projet de loi sur l’économie est en cours de discussion au parlement. Il s’appelle PACTE pour plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, prévoit différentes mesures pour simplifier et dynamiser l’environnement dans lequel évoluent les entreprises. A priori, rien à redire s’agissant de nouvelles mesures dans le cadre d’un programme économique présidentiel sous le slogan « libérer et protéger ».
Plus délicat, le projet prévoit la vente ou sur le marché (ou la mise en concession) d’une partie des participations de l’Etat (c’est-à-dire de nous les contribuables) dans deux entreprises afin de créer un Fonds pour l’industrie et l’innovation à hauteur de 10 milliards d’euros dont les revenus serviront au financement de « dispositifs de soutien à l’innovation de rupture ». Les deux entreprises ciblées sont Aéroports de Paris (ADP) et la Française des Jeux (FDJ) ; par ailleurs un changement de mécanisme juridique au sein du capital d’Engie est également prévu, supprimant la contrainte du capital minimum de l’Etat.
Une polémique franchouillarde est en cours sur la soi-disant privatisation d’ADP. En réalité il ne s’agit pas d’une privatisation à proprement parler mais d’une mise en concession de l’exploitation pour 70 ans. Aujourd’hui l’entreprise est détenue par l’Etat à hauteur de 59% le reste revenant au privé, y compris donc la propriété des installations, pistes et terminaux. Le projet prévoit qu’à l’issue de la concession de 70 ans, la propriété de l’ensemble des actifs reviennent à la République qui pourra alors opter pour une nouvelle concession ou un autre mode d’exploitation. Accessoirement, il se trouve que le cours de l’action ADP étant plutôt haut, le rendement de cette participation publique est actuellement inférieur au rendement moyen du portefeuille de l’Etat…
A peu près l’ensemble des partis d’opposition contestent cette mise en concession et, le plus drôle, même la droite libérale argue contre « ce bradage des biens de la République ». Il s’est même trouvé un groupe de parlementaires pour lancer un processus de référendum d’initiative partagée comme prévu dans la constitution. L’argumentation des uns et des autres ne mérite même pas de s’y attarder tant elle relève du Café du commerce après mout blanc-secs ! Si l’on regarde le dossier sereinement il s’agit plus d’une question de financement que de philosophie. L’Etat, comme n’importe quel ménage, a sous la main un actif A et veut acquérir un actif B. Pour cela il vend A pour construire B. Il se trouve que le parlement élu démocratiquement approuve ce transfert. Il suffit de le réaliser tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit bien d’une mise en concession prévoyant que l’ensemble des actifs (incessibles durant la concession sans l’accord de l’Etat) reviendra ensuite à la République, donc au contribuable.
La théorie économique libérale qui guide globalement le gouvernement actuel pose que le secteur privé saura faire mieux faire fonctionner cette société que l’Etat. Certes elle est rentable et efficace aujourd’hui, elle le sera peut-être plus demain, ou pas… Voir la droite, également libérale, se contorsionner pour défendre la gestion par l’Etat d’un aéroport est sans doute l’aspect le plus novateur et intéressant de ce dossier.
Cela rappelle le psychodrame qui était intervenu à l’issue du projet de mise en location de l’Hôtel de la Marine sur la place de la Concorde après que le ministère de la marine l’eut quitté en 2009. Le gouvernement de droite de l’époque (MM. Woerth ministre du budget, Juppé ministre des affaires étrangères, notamment, et Sarkozy président de la République) avait dû reculer et annoncer que ce lieu serait dédié à la culture et à l’Histoire, c’est-à-dire ne génèrerait pas de loyers substantiels. Eternel recommencement dans la gestion de l’Etat, on restructure le patrimoine public, en l’occurrence on avait réuni les états-majors militaires dans le nouvel ensemble immobilier de Balard, mais on conserve les anciens immeubles en renonçant à en tirer des revenus… Cette droite-là quand elle était aux commandes voulaient faire ce qu’elle reproche au gouvernement actuel qui lui, semble un peu plus malin car il a réussi à faire voter sa loi PACTE. L’avenir dira s’il réussit à en appliquer son volet privatisation.