A la suite de la victoire de leur équipe de fouteballe dans une compétition internationale de baballe des supporters se répandent dans Paris, bloquent le périphérique, détruisent et pillent des magasins de moto sur l’avenue de la Grande Armée. Cela devient désormais un rituel, pour exister il faut casser quelque chose chez le voisin, le piller au passage lorsque cela se présente. L’intérêt particulier des uns n’est considéré comme comblé que si celui de la majorité des autres est dévasté. C’est devenu un mode de fonctionnement dans la République.
Elément de contexte, la compétition de foute en question est une coupe d’Afrique, l’équipe fêtée est celle d’Algérie et c’est là que les choses s’enveniment. Première (bonne) nouvelle : un supporter de l’équipe d’Algérie est une personne ni plus ni moins navrante que son alter-ego de l’équipe de France, un être décérébré dont la joie ou la peine ne peuvent s’exprimer qu’au détriment de son prochain. Deuxième nouvelle (moins bonne) : le syndrome franco-algérien toujours présent aggrave les effets de l’incivisme. Les supporters hooligans se drapent dans… des drapeaux algériens ce qui a tendance à provoquer un léger agacement chez une partie de la population, sans parler des partis politiques conservateurs. Ces comportements communautaires sont à tout le moins maladroits, chaque drapeau algérien agité provoque à coup sûr des votes supplémentaires en faveur de l’extrême droite et de ses messages simplistes.
Du bon sens et de la modération devraient amener ces supporters à un peu plus de discrétion, peut-être en déployant un peu moins de drapeaux algériens ? Ces qualités sont, hélas, assez peu partagées dans le monde de la baballe, la relation franco-algérienne à fleur de peau fait le reste en jetant du sel sur des plaies jamais complètement cicatrisées de la guerre coloniale qui a opposé ces deux pays. Les descendants de ces combattants qui ont vaincu leur puissance coloniale se croient beaucoup permis dans ladite puissance qui, le plus souvent, a octroyé sa nationalité à leurs parents. Et c’est là toute l’ambiguïté de la relation entre ces deux nations : des millions de français d’origine algérienne vivent dans le pays qui a asservi leurs ancêtres. Il y a pour certains la volonté plus ou moins consciente d’une revanche à prendre, d’une dette à faire payer, même après tout ce temps passé. La génération qui a fait et vécu cette guerre est en train de s’éteindre doucement des deux côtés ; gageons qu’une fois complètement disparue les tensions diminueront peu à peu. Les gouvernements algérien et français ne réussissent toujours pas à partager une relation politique apaisée, les prises de bec sont fréquentes, souvent sur des détails de protocole, même si la coopération sur le fond est excellente. Comment imaginer alors qu’il puisse en être autrement pour les citoyens ?
Une partie significative de la population française a des origines au Sud de la Méditerranée alors chaque évènement dans ces pays riverains d’Afrique du Nord, heureux ou malheureux, a des répercussions dans l’hexagone. L’enthousiasme méditerranéen ajoute l’exubérance et l’excès que l’on voit dans les rues ces jours-ci. Une génération plus tôt, la réconciliation franco-allemande s’est faite sur un mode plus froid, propre aux pays du Nord. Elle ne s’est pas traduite non plus par l’émigration significative d’une population vers le pays de l’autre. Après la dernière guerre chacun a repris son développement de son côté, mené par deux dirigeants visionnaires : le Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer. Peut-être l’Algérie et la France ont-elles manqué de visionnaires ces dernières décennies ?