AUSTER Paul, ‘4321’.

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Sortie : 2017, Chez : ACTES SUD.

Un roman monumental de Paul Auster (mille pages) ou l’histoire d’un adolescent américain dans les années 60 à New-York et alentours ; nous sommes au mitan des années 60, entre « summer of love » et assassinats des Kennedy et de Martin Luther King, des manifestations contre la guerre au Vietnam à celles pour l’émancipation des noirs, des Black Panthers aux Républicains tendance Nixon. Le héros du livre, Archie Fergusson, navigue entre ces évènements, intègre les concepts d’une époque qui en fut fertile, hésite entre les orientations, alterne entre les amours, bref, découvre la vie pré-adulte. Il y a sûrement beaucoup de Paul Auster dans cet adolescent tellement porté sur la littérature et le cinéma.

Le côté fantastique dans ce roman est sa structure : Auster raconte quatre scénarios possibles pour les années que nous traversons dans la vie d’Archie, chacun diffère par ce qui arrive au héros, non point par des options fondamentalement différentes mais par de petites touches qui marquent son entourage et ses choix. Nous sommes toujours au cœur d’une famille juive new-yorkaise, issue de l’immigration d’un ancêtre russe arrivé à Ellis Island le 1erjanvier 1900 et dont Archie représente la troisième génération désormais intégrée dans l’Amérique moyenne, mais l’auteur imagine quatre histoires possibles pour Archie et les siens, et ces quatre scénarios s’entremêlent dans la narration, chaque chapitre passant d’une vie à une autre. Celles-ci sont globalement proches mais toujours différentes, on se perd un peu dans toutes ces vies qui s’entrechoquent, selon les cas le même personnage féminin passera du statut d’amour infini à celui de belle-sœur confidente, Archie sera un apprenti-poète neurasthénique ou un brillant étudiant, son père mourra accidentellement dans l’incendie de sa compagnie ou d’un arrêt cardiaque sur un cours de tennis, etc.

Mais il y a des constantes dans cette mosaïque : la littérature tout d’abord dont Archie fait la découverte avant de se lancer dans l’écriture ou la traduction, le cinéma de la nouvelle vague française, la ville de New York et cette Histoire américaine si prolixe et tragique à l’époque, les émois amoureux de l’adolescence…

Le cheminement du héros à travers ces obstacles et découvertes est merveilleusement couché sur la papier par cet écrivain d’exception dont la capacité à décrire les petites choses de la vie est merveilleuse. Qui ne se retrouvera pas dans la narration des tourments de l’adolescence, de la difficulté des relations avec les parents, de la découverte des idées politiques… ? La densité de l’écriture ne laisse pas un moment de répit tout au long de ces mille pages qui se dévorent comme un roman policier. Evidement le lecteur apprend à la fin lequel des quatre Archie est le vrai, c’est l’écrivain bien sûr et le roman qu’il termine s’appelle « 4321 ». Merci Paul Auster !