Les commentateurs et journalistes mondains qui édifient Mme. Michu sur l’évolution du virus qui attaque la planète entière ont manifestement du mal avec la science statistique. Ceux qui se veulent rassurants n’arrêtent pas de répéter que 80% des patients s’en sortent avec un peu de paracétamol, 15% doivent être traités plus sérieusement, éventuellement à l’hôpital, et les 5% restant nécessitent des soins intensifs en réanimation, dont 1% décèdera. Le problème dans ce ratio n’est donc pas le numérateur mais bien son dénominateur. Si 15 millions de citoyens sont infectés cela fera donc 750 000 personnes (5%) à passer en réanimation (heureusement pas toutes en même temps) et 150 000 morts (1%).
Le débat suivant concerne la capacité d’accueil des hôpitaux qui serait « le résultat scandaleux du sous-investissement de l’Etat dans son système de santé depuis des décennies ». Là encore le calcul statistique fait partie des critères de choix des stratégies. C’est un peu comme la construction d’une digue : on la dimensionne pour résister à la crue triennale, décennale, centenaire, millénaire, qu’importe mais elle aura une limite de résistance. Tout dépend de la hauteur de la vague. C’est une question de coût et de calculs techniques des ingénieurs responsables de la construction.
On parle d’une capacité de 5 000 lits de réanimation en France. Manifestement cette capacité est à peu près suffisante en temps « normal » mais n’a pas été dimensionnée pour une pandémie de coronavirus. Si l’on veut passer cette capacité à 100 000 lits c’est assez simple : il suffit de payer pour de nouveaux hôpitaux, du matériel et du recrutement de personnel médical. Pour ça il existe un parlement qui statue chaque année sur le budget de la sécurité sociale. Il peut décider de doubler, quintupler, décupler le budget actuel en indiquant aux citoyens les sources de financement à mettre en œuvre pour ce faire : cotisations sociales, impôts ou autres, car à la fin c’est bien le citoyen qui paiera.
Laissons passer l’épidémie actuelle qui provoque pas mal d’émotion, peu propice à des réactions raisonnables et, certainement, le débat reviendra sur la table une fois l’orage passé. En attendant il faut juste espérer pour soi et ses proches que nous resterons dans les 80% d’infectés qui se soignent au Doliprane. Statistiquement c’est le cas le plus probable…