En compagnie des pays mal gérés du sud de l’Europe, la France (en déficit de ses finances publiques depuis 1974) relance sa vieille idée de mutualiser la dette européenne, espérant profiter de la crise sanitaire en cours pour faire plier les pays du nord, et en particulier l’Allemagne. En fait il s’agit de faire emprunter l’Union européenne en tant que personne morale, sachant que les éventuels prêteurs savent que derrière cet emprunteur multinational il y a des propriétaires que sont les Etats avec des bons et des mauvais mais, l’un dans l’autre, les prêteurs espèrent que les dérives des uns seront compensées par les vertus des autres. C’est un peu comme l’assurance automobile, les bons conducteurs payent pour les accidents provoqués par les mauvais, c’est le principe de la mutualisation. Dans le cas d’une dette européenne, les mauvais élèves bénéficieraient d’un taux d’intérêt et d’un accès à la ressource moyennés, c’est-à-dire meilleurs que ce qu’ils obtiendraient seuls. A l’inverse, les bons élèves paieraient plus chers…
On imagine toutefois la difficulté d’une dette communautaire : comment détermine-t-on le montant à emprunter, l’affectation des sous encaissés, les parts respectives de chaque Etat dans le pool d’emprunteurs, le mode de remboursement ? Que se passe-t-il si un Etat quitte l’Union avant l’échéance ou y rentre, etc. Bref, nous sommes sans doute encore (très) loin de présenter la maturité et la solidarité suffisantes pour mettre en œuvre une dette mutualisée.
D’ailleurs l’Allemagne et les Pays-Bas viennent déjà de dire (sèchement) non ! L’inquiétude des pays mal gérés réside sans doute aussi dans l’accès aux marchés : compte tenu de l’ampleur des sommes dont on parle, qui se chiffrent en centaines de milliards d’euros, trouveront-ils assez de prêteurs pour répondre à la somme de leurs besoins nationaux ?
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Non, décidément, le mieux qu’aurait pu faire la République française eut été de rétablir l’équilibre de ses finances publiques avant la crise pour pouvoir affronter celle-ci dans de meilleures conditions sans avoir à devoir « faire la manche » auprès des pays nord-européens ! Cela n’a pas été fait et nous allons sans doute en payer les conséquences.
Les plus anciens se souviendront que « faire payer l’Allemagne » on a déjà essayé avec le Traité de Versailles signé en 1919 à l’issue de la Ière guerre mondiale. Conclusion, elle n’a pas payé et elle a de nouveau franchi le Rhin vers l’Ouest en 1940… Il convient donc de manier ce concept avec prudence et intelligence.