Le Liban a-t-il vraiment besoin d’un Macron en goguette ?

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Le Liban est un pays en faillite financière depuis quelques mois, en déliquescence politique depuis des décennies, en guerre chaude contre Israël de temps à autres, en guerre froide en permanence, en guerre civile régulièrement, occupé par des forces étrangères (palestiniennes, syriennes, israéliennes, Nations-Unies …) durant de longues et récurrentes périodes, tiraillé entre les idéologies religieuses, bref, le Liban est un pays en situation difficile de façon structurelle.

Et voici qu’un incroyable accident s’est produit au port de Beyrouth ce 4 août : l’explosion de près de trois mille tonnes de produits chimiques dévastant la moitié de la ville. On ne sait pas bien ce qui a déclenché l’explosion, de mauvaises conditions de stockage ou une intervention extérieure, voire terroriste.

La France qui se croit toujours plus ou moins protectrice de cet Etat, à la création duquel elle participa dans des conditions troubles, envoie son président de la République sur place dès le 6 août. Il se promène en chemise blanche dans les rues de Beyrouth, monopolise le président libanais, conférence devant la presse, lâche quelques incongruités diplomatiques et rentre chez lui en fin de journée. Comme si le Liban n’avait rien de mieux à faire en ces circonstances que de recevoir une délégation française de haut niveau. A quoi peut donc servir un Emmanuel Macron un 6 août à Beyrouth ?

L’ironie de l’histoire réside aussi dans la leçon de gouvernance infligée par Macron à son alter égo libanais, le Général Aoun, chrétien de 85 ans, passé par les milices, la sécession, les alliances hasardeuses et… l’exil en France durant quinze ans après avoir été exfiltré de l’ambassade de France où il s’était réfugié, ce qui lui a probablement sauvé la vie ! Ce qui ne l’empêche pas de refuser la proposition française d’une enquête internationale sur les causes de l’explosion. Cerise sur le gâteau, alors qu’il déambule dans la ville des habitants implorent l’aide de la France pour « se débarrasser de cette classe politique », et même le retour de Paris comme puissance mandataire, le président Macron répond :

 « Le Liban est un peuple souverain, ce n’est pas à moi de le faire, c’est à vous.

Cela manque pour le moins de diplomatie et, totalement, de réalisme politique. Paris a également expliqué que l’aide sera distribuée directement à la population pour contourner la corruption endémique. Là encore il s’agit d’un vœu pieux puisqu’il est techniquement impossible pour un donateur étranger d’accéder à chaque citoyen du pays aidé. A défaut de passer par l’Etat, il faudra évidemment utiliser d’autres intermédiaires, sans doute des organisations non gouvernementales elles-aussi soumises à la corruption car ce phénomène ne peut fonctionner que globalement : les gros sont grassement corrompus, les moyens sont moyennement corrompus et les petits sont petitement corrompus. C’est ainsi, la corruption est aussi un système de redistribution mais, à la différence de l’impôt, il est organisé informellement en dehors de la Loi.

Dans cet « Orient compliqué », le mieux à faire pour la France est d’aider matériellement ce pays mais surtout ne pas se mêler de sa gouvernance car il n’y a que des coups à prendre et aucun espoir de réussir à faire évoluer les choses. Il faut laisser les libanais et les puissances régionales réformer la gestion de ce pays fracturé, s’ils l’estiment nécessaire. Peut-être le président français est-il confronté à suffisamment de dossiers nationaux urgents pour ne pas aller se mêler de ce qui ne le regarde pas dans les affaires des autres pays, fussent-ils proches de Paris (ce qui d’ailleurs reste encore prouver dans le cas du Liban) ?