Un nouveau débat de Café du Commerce saisit le microcosme politico-médiatique : la question de l’islamogauchisme dans les universités françaises. Alors que différentes personnalités accusent l’Université d’abriter des tenants de cette idéologie qui l’utiliseraient pour orienter les programmes et les budgets de recherche, les représentants universitaires adoptent une tactique de défense basée sur le déni, arguant que « l’islamogauchisme » est un concept qui n’existe pas scientifiquement et qu’il n’y a donc pas lieu d’en débattre, circulez il n’y a rien à voir. Une sous-ministre de l’Enseignement supérieur a annoncé sa volonté de mander le CNRS (centre national de la recherche scientifique) pour réaliser une étude sur ce concept dans l’Université, déclenchant aussitôt un hourvari de clameurs scandalisées d’une partie du monde intellectuel, mais aussi, plus discrètes, des voix pour la soutenir.
« L’islamogauchisme », slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique. Ce terme aux contours mal définis, fait l’objet de nombreuses prises de positions publiques, tribunes ou pétitions, souvent passionnées. Le CNRS condamne avec fermeté celles et ceux qui tentent d’en profiter pour remettre en cause la liberté académique, indispensable à la démarche scientifique et à l’avancée des connaissances, ou stigmatiser certaines communautés scientifiques. Le CNRS condamne, en particulier, les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de « race », ou tout autre champ de la connaissance.
Communiqué de presse du CNRS du 17/02/2021
Pas sûr que le CNRS ne participe avec beaucoup d’enthousiasme à l’étude que lui demande sa ministre de tutelle…
En réalité chacun fait assaut de la mauvaise fois typique de ce genre de débat cherchant à bloquer toute remise en cause de certains sujets-valise. L’islamogauchisme n’est sans doute pas encore défini scientifiquement par la science mais il va peut-être falloir commencer à le faire. Dans la bouche de ceux qui emploient ce terme, c’est l’alliance d’une pensée de gauche marquée avec l’islam politique plutôt radical, parfois accompagné d’un relent d’antisionisme, voire d’antisémitisme. Sans doute dans sa sortie la sous-ministre voulait aussi englober les sujets un peu envahissants comme les études « de genre », celles sur le « décolonialisme », le « post-colonialisme », la « race », le féminisme et autres joyeusetés « intersectionnelles », tout ceci rédigé bien entendu en « écriture inclusive ».
La simple consultation des sites web de certaines universités permet de confirmer que certains de ces sujets sont effectivement dans les programmes.
Par exemple, l’université Paris 8 – Vincennes offre un Master « Etudes sur le genre » :
Les études de genre font l’objet d’une attention grandissante dans l’espace public (médias, débats politiques). Les questions de la domination masculine, des LGBTQI, des stéréotypes de genre, etc., sont devenus des enjeux sociaux contemporains de premier ordre. Face aux menaces internationales qui pèsent actuellement sur la conception de la science et des formes de transmission du savoir, les études de genre apparaissent comme un levier de la pensée critique, et sont en cela fortement attaquées. Ainsi, offrir une formation de qualité sur le genre s’inscrit dans la tradition de Paris 8 de développer une pensée critique en prise avec le monde contemporain…
Master Etudes sur le genre – Université Paris 8 (univ-paris8.fr)
ainsi qu’un Laboratoire d’études de genre et de sexualité (LEGS) :
La question des constructions « genrées » et des rapports de sexe concerne d’une manière ou d’une autre l’ensemble des pratiques sociales et symboliques, publiques et privées, collectives et individuelles. Elle se pose désormais de manière explicite dans de nombreux champs de pensée et de savoir. Son traitement requiert ainsi la collaboration d’approches multiples. Dans cette perspective, l’UMR LEGS se donne pour tâche et pour défi de faire travailler ensemble humanités, sciences sociales, et arts.
UMR 8238 : Laboratoire d’études de genre et de sexualité (LEGS) – Université Paris 8 (univ-paris8.fr)
La propension de l’Université à étudier et diffuser des idées « progressistes » n’est pas vraiment nouvelle et cela fait des décennies qu’une gauche que l’on peut qualifier d’extrême s’est retrouvée sur une communauté de pensée… dans les camps palestiniens du Proche Orient ou sur le « Petit Livre rouge » de Mao. Ce qui apparaît novateur aujourd’hui est la volonté de vouloir expliciter et réparer les discriminations dont certaines minorités sont supposées avoir été victimes (minorités sexuelles, femmes, citoyens issus de la « diversité », etc.). Ainsi va la vie intellectuelle en France, plutôt portée par la pensée « de gauche », plutôt protégée par un système universitaire public, reprenant aujourd’hui les sujets en vogue. Comment s’en étonner ? Mais l’Etat ne doit pas s’interdire de faire l’inventaire des recherches en cours, majoritairement financées par les contribuables. Heureusement celles concernant ces nouvelles modes assimilées à « l’islamogauchisme » semblent minoritaires et il faut s’assurer qu’elles le restent. Quand on voit le développement anarchique de l’écriture « inclusive » contre les principes de l’Académie française on comprend qu’il faille rester vigilant. La liberté de pensée et de recherche c’est bien, l’imposition de principes minoritaires à la majorité, c’est plus discutable.
Le CNRS a accepté du bout des lèvres de
C’est dans cet esprit [ouvert et respectueux] que le CNRS pourra participer à la production de l’étude souhaitée par la Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation visant à apporter un éclairage scientifique sur les champs de recherche concernés.
Communiqué de presse du CNRS du 17/02/2021
Ouf !