KOUCHNER Camille, ‘La familia grande’.

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Sortie : 2021, Chez : Editions du Seuil.

Camille Kouchner révèle dans ce livre comment son beau-père, un juriste-politologue connu, a violé de façon régulière à la fin des années 1980′, son frère jumeau, baptisé « Victor » dans le récit. La révélation publique de cette perversion crée actuellement un choc et l’impétrant, Olivier Duhamel, 70 ans aujourd’hui, a démissionné de toutes ses fonctions et disparu de la scène publique et médiatique qu’il aimait tant fréquenter du temps de sa gloire.

Ce récit décrit une famille de babyboomers engagée dans la défense des idées humanistes de gauche de l’après deuxième guerre mondiale. Evelyne Pisier, la mère de Camille et « Victor », Paula leur grand-mère, ont des personnalités fascinantes qui ont basé leurs vies entières sur les grandes idées de la liberté et du féminisme. Evelyne se mariera avec Bernard Kouchner, père des jumeaux Camille et « Victor » et de leur grand frère, qui, lui aussi, vibrionne au cœur des grandes idées humanistes de gauche du XXème siècle, notamment via son engagement comme médecin du monde dans les guerres du Biafra et dans bien d’autres pays en voie de développement.

Olivier Duhamel, fils du ministre radical et ancien résistant Jacques Duhamel (1924-1977), qui fréquente ce microcosme parisien « progressiste », adopte rapidement cette famille improbable et brillante, épouse Evelyne et accueille tout son petit monde l’été dans sa vaste villa de Sanary où défile également tout un aéropage d’intellectuels et de politiques sous le soleil et la convivialité méditerranéennes.

Ambiance détendue voire libertaire et exigence intellectuelle caractérisent l’atmosphère au sein de la « familia grande » dont Duhamel devient le gentil organisateur. Mais les limites vont être franchies et l’irréparable va être commis. Duhamel obtint des fellations de son beau-fils plusieurs années durant. « Victor » s’en ouvre auprès de Camille en exigeant son silence. Plusieurs années après les faits, la famille va progressivement être informée mais tout faire pour que la révélation ne sorte pas à l’extérieur. Evelyne, déjà à la dérive après le suicide de sa mère, protège son mariet accuse même ses enfants de « l’avoir trahie ». « Victor » a fait sa vie à l’étranger avec sa femme et ses enfants et veut à tout prix oublier cette période maudite. Camille culpabilise de n’avoir pas su empêcher la maltraitance de son jumeau. Bref, le mal fermente, la honte et la haine rongent la famille jusqu’à ce que, 35 ans après les faits, Camille obtienne l’agrément de « Victor » pour publier son livre.

Outre l’information choc, cet ouvrage-catharsis relève aussi du règlement de comptes général avec cette famille si séduisante à l’extérieur mais tellement perverse à l’intérieur, certainement un cas d’école que Freud eut apprécié au plus haut point. Le style d’écriture est rapide : courtes phrases parfois sans verbe ni sujet, ne négligeant pas l’anaphore, langage parlé. L’objet du récit n’est pas la littérature, mais la révélation. Il atteint son but et cette famille chahutée n’a pas fini de ressasser ce drame. Depuis la publication l’accusé se fait silencieux. Il est en principe à l’abri de la justice car ses crimes sont prescrits. A la pédophilie il a ajouté l’inceste homosexuel, sans que l’on sache bien aujourd’hui, en notre époque de « mariage pour tous » si l’inceste homosexuel est équivalent ou plus condamnable que l’inceste hétérosexuel…

Pour ceux qui l’aurait oublié, la famille est en principe le cadre de l’éducation, de l’amour et de la responsabilité, mais elle peut être aussi parfois l’antre du silence et de la perversion, quelles que soient les catégories socio-professionnelles. « La familia grande » le rappelle cruellement.

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