« Salgado Amazônia » de Sebastião et Lélia Salgado à la Philharmonie de Paris

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Salgado Amazônia

C’est une impressionnante exposition de photos de Sebastião Salgado présentée à la Philharmonie de Paris sur une illustration sonore de Jean-Michel Jarre : plus de 200 clichés en noir et blanc, tirés en grand format et issus des pérégrinations de Salgado durant sept années, à pied ou en hélicoptère, au cœur de la forêt amazonienne pour la sauvegarde de laquelle le photographe brésilien consacre une grande partie de son œuvre et da vie.

On apprend tout sur l’incroyable système climatologique de cet ensemble forestier grand comme l’Europe, composé de 300 à 400 milliards d’arbres, s’étendant sur plusieurs pays d’Amérique latine bien que majoritairement située au Brésil. La forêt tropicale humide pompe elle-même l’eau de la terre par les racines des arbres, qui s’évapore ensuite pour constituer les « rivières volantes » qui, enfin, se déversent à nouveau sur les arbres. Le tout est auto-suffisant mais mis en risque par déforestation qui elle-même alimenterait le réchauffement climatique.

Sebastião Salgado

Les photos de paysages sont majestueuses et plongent le visiteur dans un abyme de méditation sur ce monde primaire que l’humain n’a pas encore perverti. C’est sans doute l’un des derniers endroits de la planète Terre qui est encore dans l’état dans lequel nous l’avons « reçu » et cela rend la contemplation du travail de Salgado émouvante. Les clichés aériens sont tous pris avec de grands angles et l’option du noir et blanc fait parfois confondre la canopée avec un sol volcanique ou lunaire. L’eau est partout, dans les nuages comme au sol. Les fleuves débordent et peuvent monter 20 mètres au-dessus de leur cours normal en saison des pluies, modelant d’éphémères archipels d’eau douce.

Quelques tribus subsistent encore dans cette immensité et Salgado réalise aussi des clichés de ces humains survivants si loin du modernisme, veillant à maintenir leurs pratiques culturelles traditionnalistes. Leurs photos montrent des personnes plutôt trapues, taillées pour survivre dans cet improbable environnement fait d’arbres et d’eau. Les Surawahá par exemple, spécialistes de poisons, dont le taux de mortalité est important car beaucoup des adultes en bonne santé âgés de 14 à 28 ans ingèrent un poison puissant qui provoque leur mort. Il existe dans leur cosmologie trois cieux où se rendent les âmes après le décès. Le plus désirable est celui où se retrouvent les personnes qui meurent en bonne santé quand les deux autres rassemblent celles qui ont été mordues par un serpent, et celles qui meurent de vieillesse. On dirait un texte de loi sur le suicide assisté !

Quel espace, quel mystère !

La musique sur laquelle est posée cette exposition est la porte d’entrée de la Philharmonie de Paris pour aborder les questions écologiques. Jean-Michel Jarre a composé ses habituelles nappes de clavier sur lesquelles ont été greffés des échantillons des bruits de la forêt : pépiements d’oiseaux ; bruissements du vent, éclats d’eau, etc. qui sont diffusées dans les salles de l’exposition des photos. Dans les deux petites salles de projection on écoute des compositions de musiciens brésiliens : Heitor Villa-Lobas (1887-1959) et Rodolfo Stroeter, bassiste-compositeur contemporain. La Philharmonie organise par ailleurs un week-end de concerts de musiciens brésiliens et des communautés d’Amazonie.

J’ai conçu [cette musique] comme une déambulation à travers des éléments naturels, ethniques, orchestraux, électroniques, figures passagères d’une forêt que l’on traverse  et qu’on laisserait derrière soi, vestiges d’un temps et d’un espace infinis.

Jean-Michel Jarre