A nouveau une ancienne colonie française, Madagascar, se trouve engagée dans un improbable imbroglio juridique du fait de la politique généreuse de Paris dans l’octroi de la nationalité française à des étrangers. Après avoir appris la nationalité française de plusieurs ministres de l’actuel gouvernement des Comores, en pleine discussion avec le gouvernement français sur l’avenir de Mayotte, on apprend aujourd’hui que le président de la République de Madagascar, Andry Rajoelina, a obtenu la nationalité française en 2014. Cette situation déclenche une sérieuse polémique localement.
L’opposition malgache s’interroge pour savoir si du fait de cette nationalité française, M. Rajoelina peut toujours être considéré comme malgache et donc légitime à la tête de l’Etat ? Il semble que le code local de la nationalité permette de discuter ce point ce dont ne se prive pas l’opposition.
Le plus étonnant dans cette affaire est non pas tant que la France distribue sa nationalité comme des médailles, mais que de hauts dirigeants d’anciens pays décolonisés prennent soin d’acquérir la nationalité de l’ex-puissance coloniale alors même qu’ils dirigent leur propre pays. Comment dans ces conditions peuvent-ils démontrer un engagement sincère au peuple qui les a élus ? C’est bien le problème qu’affronte aujourd’hui M. Rajoelina.
A titre personnel il se sent certainement plus rassuré de bénéficier de la nationalité française et du cortège de protections qui va avec, plutôt que d’être « simplement » malgache, mais son sens de l’intérêt général de Madagascar peur être mis en doute. A-t-il pensé une seconde que si les Malgaches découvraient cette situation ils pourraient se poser de légitimes questions sur sa sincérité ? Pour avoir négligé ce point il risque d’être rapidement confronté à une procédure de destitution.
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On ne sait pas encore si légalement parlant M. Rajoelina a la double nationalité ou, finalement, uniquement la française. L’avenir le dira rapidement mais c’est l’occasion de revenir sur ce concept de double-nationalité, pour le moins ambigüe. La France a eu un premier ministre, Manuel Valls, qui a la double nationalité franco-espagnole. On l’a ainsi vu hésiter sur le pays dans lequel il voulait s’engager. Réélu député français en 2017, il a démissionné rapidement de ce mandat, sans doute car il aspirait à mieux, pour aller se présenter à la mairie de Barcelone. Il n’a gagné qu’un modeste poste de conseiller municipal à Barcelone, dont il a de nouveau démissionné quelques mois plus tard pour venir montrer de nouveau sa frimousse sur les plateaux télévisés politiques parisiens, marquant ainsi sa « disponibilité » pour la République française. Il va même jusqu’à se présenter aux élections législatives françaises de 2022 mais n’est pas élu. Il semble qu’il a maintenant compris que ses démissions compulsives ont fatigué les électeurs. Mais ses atermoiements politiques et son indécision ont justement été rendus possibles par son statut de double nationalité franco-espagnole.
La question majeure posée par ce concept, reconnu en France : si un jour il y a la guerre entre la France et l’Espagne, dans quel camp Manuel Valls ira se battre ?
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