« Les herbes sèches » de Nuri Bilge Ceylan

Un beau et étrange film du réalisateur turc Ceylan ; celui-ci reçut déjà la Palme d’or pour Winter Sleep en 2014 et cette année c’est sa comédienne Merve Dizdar qui a été primée du prix d’interprétation féminine pour son rôle dans Les herbes sèches. Le scénario se déroule dans les montages que l’on imagine au Kurdistan. Cette localisation n’est qu’à peine suggérée par une référence à la langue que parlent les enfants et au bruit de la canonnade que l’on entend parfois au loin dans la nuit.

La majorité du film se déroule en hiver, dans un petit village au milieu de la vallée écrasée de neige, cernée par les montagnes et le plus souvent sous la tempête de flocons. Deux professeurs de l’école du village cohabitent dans la même maison et travaillent dans la même école. Ils sont perdus au milieu de nulle part et, sortis de leurs salles de classe, se retrouvent pour boire le thé autour de leur poêle. Il fait froid, humide, le climat et la saison se prêtent au nombrilisme et chacun se lamente sur son sort.

A l’école ils jouent un peu les coqs du village et s’abandonnent à un petit jeu puéril de séduction des fillettes qu’ils enseignent. Nous sommes dans un pays de traditions ancestrales au conservatisme pesant, ils vont devoir rendre des comptes sur leur comportement.

Lorsqu’ils se rendent à la ville la plus proche ils jouent aussi au jeu de la séduction avec Nuray qui y enseigne l’anglais après un engagement politique (pro-kurde ?) qui lui a fait perdre une jambe lors d’un attentat. Ce n’est pas celui qu’on attend qui va l’emporter dans ce jeu trouble mais il va devoir se justifier de son non-engagement face à Nuray et de sa trahison face à son camarade d’infortune.

Le film dure 3h15, une durée à l’image des longues conversations existentielles menées par les trois personnages principaux au coin des poêles rougeoyants où chacun s’enflamme pour expliquer ses lâchetés, ses petits arrangements avec ses convictions ou sa morale. Ces huis-clos lourds et pesants sont seulement ponctués par les paysages de montagnes blancs et floconneux, c’est le face-à-face de la minéralité des lieux avec l’inertie des hommes.

Un film lent et méditatif.