David Cameron, à l’origine du Brexit, réintègre le gouvernement britannique

David Cameron vient d’être nommé ministre des affaires étrangères du gouvernement britannique conservateur. Pour ceux qui ne s’en souviendraient pas, c’est lui qui, alors qu’il était premier ministre, organisa en 2016 un référendum pour proposer aux électeurs du royaume le choix entre quitter l’Union européenne (UE) ou rester en son sein. La rumeur veut qu’il ait lancé l’idée pour compromettre avec la tendance la plus à droite de son parti conservateur, tout en étant persuadé que la réponse serait de rester dans l’UE. Le résultat fut inverse et le Royaume-Uni a maintenant légalement quitté l’Union. M. Cameron a ensuite démissionné et laissé ses successeurs gérer, difficilement, l’exécution du choix populaire.

Il est encore trop tôt pour faire le véritable bilan de ce choix révolutionnaire mais il a en tous cas permis de démontrer qu’il est possible de quitter l’UE et on ne voit d’ailleurs pas pourquoi cela n’aurait pas été possible. Les difficultés techniques générées par ce départ ont calmé les ardeurs des anti-européens au sein des 27 pays restants. Ils savent maintenant qu’à continuer de brailler en permanence, et sans risque pour eux, que « Bruxelles » est responsable de tous les malheurs de la nation, leurs électeurs vont un jour leur demander d’aller au bout de leurs slogans et d’inclure le départ de leur pays de l’UE dans leurs programmes ce qu’ils n’ont pas tous le courage de faire. En France, le Rassemblement National qui voulait encore il y a quelques années faire sortir le pays de la zone euro et de l’Union a jeté un voile pudique sur ce projet dont on entend plus parler mais qui peut ressortir au gré du vent qui tourne.

Il apparaît que M. Cameron, après sa démission en 2016, s’est mû en lobbyiste à forts honoraires, notamment pour défendre les intérêts chinois, ce qui pose quelques problèmes éthiques vis-à-vis de ses nouvelles responsabilités. Bref, pas rancunière, la couronne britannique est en train de l’investir dans un poste que les analystes politiques jugent qu’il ne gardera pas longtemps car les prochaines élections législatives pourraient renvoyer le parti conservateur du pouvoir pour les remplacer par les travaillistes qui, eux, étaient très majoritairement en faveur du maintien dans l’UE.

Kiro / Le Canard Enchaîné (15/11/2023)

Le plus ironique dans ce fait divers est que le jeu de chaises musicales ayant entraîné le retour de Cameron a été provoqué par le départ de la ministre de l’intérieur, Suella Braverman, pour ses positions extrêmes, notamment concernant la politique migratoire. Elle-même, née à Londres de parents immigrés indiens, n’avait de cesse de chercher à durcir cette politique pour mieux réduire les flux d’entrée, ce que le Brexit aurait dû en principe faciliter. Le premier ministre, Rishi Sunak, né au Royaume-Uni, est lui issu de la diaspora indienne, installée en Afrique de l’Est. Comme le parti conservateur auquel il appartient, il a pour objectif de mieux contrôler les flux migratoires vers le Royaume-Uni mais sans valider pour autant l’extrémisme de sa ministre Braverman qui a été débarquée.

En résumé : au lendemain du Brexit censé redonner à Londres la main sur sa politique migratoire, on a deux ministres conservateurs, eux-mêmes issus de cette immigration, qui échouent à la réduire pour les migrants venant après eux, ce qui coûte la place de l’un d’entre eux et l’autre, premier ministre, fait appel à celui de ses prédécesseurs pour le nommer ministre des affaires étrangères, lui qui a initié le Brexit alors qu’il était lui-même opposé à la sortie de l’UE et qu’il a immédiatement démissionné après le résultat pour laisser les autres gérer la misère de sa décision…

On peut comprendre que les électeurs britanniques annoncent vouloir voter pour l’alternance politique pour les élections législatives de 2024 !