L’impossible dialogue

Alors que la guerre est relancée au Proche-Orient entre Israël et le mouvement Hamas qui « gouverne » la bande de Gaza, la France s’enferre dans ses habituelles querelles entre les pro-israéliens et les propalestiniens. Les chaînes de télévision se régalent en convoquant des débats stériles pour savoir s’il faut qualifier le Hamas de « terroriste » ou de « résistant », si les massacres du Hamas en Israël le 7 octobre sont plus « génocidaires » que les bombardements d’Israël sur Gaza, si la « Cisjordanie » doit s’appeler la « Judée et Samarie » ou non, si un fermier israélien installé en Cisjordanie est un « colon » ou pas, si la Bible donne le droit à Israël d’occuper la Cisjordanie ou pas, etc., etc. Vouloir mettre d’accord des pro-israéliens avec des propalestiniens est juste impossible, chacun développe son argumentation, ponctuée d’emportements voire d’insultes, personne ne convainc personne et tous se quittent en se haïssant un peu plus qu’au début du débat. C’est un peu comme chercher à réconcilier un descendant de harki avec un partisan du FLN algérien, c’est une perte de temps mais de l’audience garantie pour des médias racoleurs.

Chacun défend son camp sur ce qui s’est passé le 7 octobre et se passe depuis. Personne n’envisage ni le compromis ni l’avenir. En réalité le Proche-Orient perturbe le monde depuis 1947, déclenchant des passions mortifères et des non-solutions sans avenir. Alors pour le moment comme depuis 70 ans ce sont les armes qui parlent. Israël n’a jamais réussi à annihiler le terrorisme palestinien et le camp arabe n’a jamais rencontré de succès en cherchant à éliminer l’Etat d’Israël. Nous en sommes toujours là aujourd’hui. C’est triste et inefficace.

Des espoirs sont tout de même apparus au cours des évènements récents : le voyage de Sadate en Israël en 1977, la paix entre Israël et l’Egypte (1979) d’une part, et la Jordanie (1994) d’autre part, les accords d’Oslo (1994), les accords d’Abraham (2020). Ces accords, qui ont été le fait de dirigeants à la hauteur de leurs tâches, ont délivré quelques avancées mais aussi de grandes déceptions, autant au Proche-Orient que dans le reste du monde. 70 ans après la partition de la Palestine prononcée par les Nations-Unie, le cas de la Palestine n’est toujours pas traité conformément aux résolutions de la communauté internationale et il n’a pas plus été résolu par aucune des autres tactiques mises en œuvre par les parties : guerres, colonisation, terrorisme, prises d’otages, assassinats ciblés… alors c’est la barbarie qui continue de régenter cette région pour le moment.

Aujourd’hui Israël règle ses comptes avec le Hamas après l’attaque du 7 octobre qui a fait 1 400 morts sur son territoire, souvent dans des conditions d’une sauvagerie exceptionnelle. Comme lors des précédentes campagnes militaires contre le Hamas, Tel-Aviv élimine quelques dirigeants de ce mouvement terroriste mais n’arrivera évidemment pas à annihiler son idéologie ni de nouveaux volontaires pour en porter le message de violence. Les armes vont se taire un jour, il serait opportun de saisir alors l’occasion pour avancer vers la solution à deux Etats qui n’est probablement pas idéale mais la « moins mauvaise de toutes ». Si l’on pousse l’absurde à son terme et que l’on imagine un schéma mono-Etat, soit sous forme fédérale, soit après annexion par Israël de la Cisjordanie et de la bande de Gaza pour reconstituer le territoire biblique, l’Etat juif se retrouverait être un Etat avec une majorité de citoyens arabes et musulmans, la négation même de ce qu’Israël veut être… Si on élimine l’annihilation complète d’une des parties qui est moralement inadmissible et techniquement irréalisable, le schéma de deux Etats tel que décidé par les Nations-Unies en 1947 semble le seul à pouvoir être tenté. Il faut donc se remettre à l’ouvrage, faire preuve d’imagination et de bonne volonté dès que ce conflit sera terminé.