« Jersey Museum & Art Gallery and Victorian House » de Saint-Hélier (Jersey)

Un autre petit musée provincial, à Jersey aujourd’hui, un peu plus grand que celui de Guernesey. Normal puisque cette ile est également plus étendue que Guernesey. La salle consacrée à la repentance concerne cette fois-ci l’esclavage et son commerce triangulaire auquel les commerçants du coin semblent avoir participé et, pour certains, en avoir bien profité. Des photos et explications sont délivrées concernant le mouvement de « déboulonnage » des statuts représentant encore les profiteurs de cette époque dont, avec force photos, celle de Colson à Bristol, jetée dans le fleuve en 2020.

Le musée est installé dans l’ancienne maison construite par la famille Nicolle dont le patriarche armateur avait accumulé une fortune confortable, aussi liée au commerce de l’esclavage. Après sa mort ses filles continuèrent à habiter cette belle demeure dont les fenêtres donnent sur le port de Saint-Hélier lorsque l’une d’entre elles s’éprit d’un médecin-homéopathe français, Dr Charles Ginestet, qui dut s’exiler à Jersey après la révolution de 1848, quelques années avant Victor-Hugo, du fait de ses visions révolutionnaires. Il dirigeait un journal qui s’appelait « L’œil du peuple ». Il était une espèce de Jean-Paul Sartre avant l’heure, le talent de philosophe en moins. Le garçon semblait plus doué pour soigner « les pauvres » gratuitement que pour les affaires. En quelques années il ruine sa belle-famille et doit retourner en France en catimini pour échapper à ses créanciers. Il organise en catastrophe une vente aux enchères de ses biens que sa banque réussit à bloquer pour se rembourser au moins en partie de ses dettes. Les meubles parsemés dans les pièces sont préparés et étiquetés en lot prêts pour la vente, des écrans vidéo montrent trois personnages (le couple Ginestet et une fille Nicolle) qui s’écharpent sur la faillite de Ginestet et sa fuite peu glorieuse.

La demeure Nicolle est exquise, planchers en bois tropicaux rares, meubles raffinés, lits à baldaquin, portraits familiaux aux murs… on sent toute la réussite de l’armateur, ancêtre de la famille, qui a constitué cette fortune qui va finalement être dilapidée par un révolutionnaire français ! Elle a été transformée depuis en musée, c’est un moindre mal.

Dans la partie moderne du bâtiment, quelques pièces expliquent l’histoire et les spécialités culinaires dont Jersey semble particulièrement fière. Le bateau pour Saint-Malo nous attend, pas le temps de goûter tout ceci. Un sandwich « crispy bacon & brie » en terrasse au soleil fera l’affaire, marquant si besoin en était le caractère anglais et normand de ces iles singulières.

Voir aussi : Les iles Anglo-Normandes