Des nouvelles des confettis de l’Empire

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La Corse et la Nouvelle Calédonie organisent leur éloignement de la République, dans la douleur.

L’assemblée de Corse s’est mise d’accord sur un texte issu de négociations avec le gouvernement qui prévoit une nouvelle modification de la Constitution pour renforcer le statut spécifique dont dispose déjà cette ile au regard du droit français.

Le premier alinéa stipule que :

La Corse est dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République, qui tient compte de ses intérêts propres, liés à son insularité méditerranéenne et à sa communauté historique, linguistique, culturelle, ayant développé un lien singulier à sa terre.

Très bien, très bien. Le reste est à l’avenant et on envisage de donner à ce territoire un pouvoir « d’adaptations justifiées » des lois et règlements à la collectivité de Corse, ainsi qu’au gouvernement « d’adapter » les dispositions législatives « aux spécificités de la collectivité ». Qu’en termes élégants ces choses sont dites puisqu’il s’agit donc d’accroître encore les différences de statut entre les citoyens corses et leurs homologues français du continent. Cette possibilité, si elle était constitutionalisée, ne manquerait d’être utilisée et de donner lieu à de sévères bagarres juridiques que pimenteront quelques « nuits bleues » au gré de l’inspiration des vrais indépendantistes.

Dans un avis adopté par 25 voix pour, 8 contre, 1 abstention et 25 absents l’Assemblea di a Giuventù di a Corsica :

SOUTIENT la volonté exprimée par les élus, dans le respect du fait majoritaire, que la Corse acquiert une autonomie comprenant un pouvoir législatif et qu’ainsi la Collectivité de Corse puisse générer des normes dans les domaines de compétences qui lui seront dédiés.

CONSENT à une progressivité dans l’attribution des nouvelles compétences propres à la future Collectivité de Corse.

SE SATISFAIT que la proposition de modification constitutionnelle ouvre la voie à une future loi organique dont les dispositions devraient permettre d’atteindre les objectifs fixés par la délibération de l’Assemblée de Corse du 5 juillet 2023.

On ne peut pas dire que ce soit un oui franc et massif d’autant plus que cet avis est assorti de toute une série de considérations commençant par « REGRETTE », « S’INQUIETE », « ALERTE », « DEMANDE », « RAPPELLE »… Bref, la méfiance est de mise. Avant d’arriver à intégrer une modification du statut de la Corse dans la Constitution il faut maintenant que le parlement le vote à une majorité des trois cinquièmes, ou qu’un référendum l’approuve. Ce ne serait d’ailleurs pas intéressant de demander l’avis des citoyens français. Dans un cas comme dans l’autre ce n’est pas gagné et l’indépendance, souhaitable, ne sera pas immédiate. En revanche toute étape vers le détachement de la Corse de la République sera bénéfique. Dans ce but il reste à espérer que la Constitution puisse être modifiée tel que prévu.

En Nouvelle-Calédonie la décolonisation de l’archipel se passe dans la douleur, rendue encore plus aigüe par la crise économique générée par la non-compétitivité de la filière locale du nickel. Après le rejet de l’indépendance à l’occasion de trois référendums organisés ces dernières années il s’agit de mettre sur pieds un nouveau processus pour prendre la suite des accords dits de Nouméa de 1998 qui sont désormais échus. Il semble qu’une réforme constitutionnelle soit également envisagée de ce côté-là. Sur place les indépendantistes (qui gouvernent le territoire) ne parlent plus aux loyalistes depuis longtemps. L’une des questions majeures concernent la composition du corps électoral qui sera appelé à voter lors des nouveaux référendums sur l’indépendance qui seront immanquablement organisés dans le futur. Selon les options prises, les indépendantistes seront majoritaires ou, au contraire, dilués si l’on admet dans le corps électoral les résidents non canaques présents sur le territoire depuis une durée à déterminer. Selon où sera placé le curseur le corps électoral, qui est gelé depuis l’accord de Nouméa, pourra pencher d’un côté ou de l’autre. C’est donc un point fondamental.

Bien entendu, devant ces évolutions qui s’annoncent pour la Corse comme pour la Nouvelle-Calédonie, d’autres régions françaises signalent qu’elles souhaitent également renégocier leurs statuts au sein de la République, y compris à l’intérieur de l’hexagone. Nous sommes peut-être à la veille d’une évolution sensible de l’organisation de la République vers un système plus fédéral et moins centralisé provoquée par la volonté d’indépendance d’anciennes colonies que les hasards de l’Histoire ont laissé rattachées à la France. Tout cela va prendre du temps et de l’énergie, mais si l’objectif d’indépendance des territoires « ultramarins » doit entraîner une véritable décentralisation de la République, il faut sans doute en passer par là.