Il y a 70 ans, le 7 mai 1954, le camp français retranché de Diên Biên Phu tombait devant les assauts des troupes communistes du Viêt Minh menées par le Général Giap. On parle de 8 000 morts côté vietnamien et 2 500 du côté français. A l’issue de la furieuse bataille qui dura près de deux mois, les vainqueurs vietnamiens emmenèrent plus de 10 000 prisonniers originaires de l’empire français dans une marche harassante de 700 km jusqu’à leurs lieux d’internement. Seuls 2 à 3 000 furent finalement libérés une fois la paix signée via les accords de Genève signé en juillet 1954, aboutissant notamment à l’évacuation du Vietnam du nord par la France.
Les troupes françaises étaient composées, outre de soldats métropolitains d’active, de toute une série de recrues venant d’Indochine et d’Afrique mais aussi de la Légion étrangère qui avait recyclé nombre de soldats allemands après la défaite de 1945. Il se disait que l’on parlait plus le français du côté des troupes de Giap qui avait suivi l’enseignement colonial, que dans le camp français où la langue allemande était très présente…
Cette défaite militaire fut d’abord le résultat de l’inconséquence des stratèges militaires français qui, en s’installant au nord de la colonie voulait couper les routes d’approvisionnement de la rébellion au Sud par les rebelles communistes du Nord. Le problème est qu’ils installèrent la corp expéditionnaire dans une cuvette d’environ 17 km sur 6, cernée par une ceinture de collines que les galonnés coloniaux pensaient inatteignable par le Viêt Minh. Mais contre toutes attentes, et hors de la vue des observateurs français, les Vietnamiens du nord ont transporté nombre de pièces d’artillerie, et leurs munitions, en pièces détachées, transportées à dos d’homme ou à bicyclette jusqu’à ces collines « inatteignables ». Une fois remontées et mise en batterie, elles ont taillé en pièces le camp français qui ne put plus être ravitaillé par air du fait de la destruction de la piste d’aviation. La fin de Diên Biên Phu n’était plus qu’une question de patience et de tonnes d’obus déversés sur la cuvette.
Après la IIe guerre mondiale et la défaite japonaise dont les troupes occupaient les colonies asiatiques de la France et du Royaume-Uni, ces deux puissances sévèrement affaiblies pensèrent reprendre leurs activités coloniales « comme avant ». Il n’en fut rien et les mouvements d’émancipation des peuples de ces territoire exigèrent leurs indépendances parfois conquises par la force des armes. Mais les deux empires connurent le même sort, qui était écrit : la fin de la colonisation.
Le problème spécifiquement français est que Paris ne comprit pas immédiatement le message de Diên Biên Phu et envoya immédiatement son corps expéditionnaire indochinois en Algérie où avait débuté, la même année 1954, une rébellion armée de lutte pour l’indépendance de ce qui était encore à l’époque un département français. On connait la suite : l’indépendance de l’Algérie en 1962 après une guerre qui ne disait pas son nom, des dizaines de milliers de morts et blessés des deux côtés, un déchaînement de barbarie largement partagé entre les parties. Contrairement à l’Indochine, les troupes militaires françaises étaient surtout composées d’appelés dont toute une génération (en train de s’éteindre) garda un traumatisme profond.
La décolonisation du reste des territoires coloniaux français s’est heureusement déroulée plus pacifiquement dans le reste de l’Afrique, bien que la Françafrique substitua des relations postcoloniales perverses à une relation de domination obsolète. Depuis le XXIe siècle et l’apparition d’une philosophie de la « déconstruction » poussant dans certains cas à la victimisation, la responsabilité des ex-puissances coloniales est régulièrement mise en cause pour expliquer le sous-développement et les difficultés politiques actuels des anciens pays colonisés, d’où leur volonté de rompre définitivement avec les anciens colons comme au Mali, au Burkina-Faso ou au Niger. Le fait colonial français a été et il aurait mieux valu qu’il ne fut pas. Idem pour l’esclavage. On ne peut pas revenir en arrière, on doit par contre lancer, ou accélérer, le processus de décolonisation des confettis de l’Empire que sont les territoires dits « ultramarins » : Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, les iles caraïbes, la Guyane et la Réunion. Et s’il faut payer des indemnités comme solde de tous comptes, il ne faut pas s’interdire de l’envisager.