Fin de vie : « c’est pas à nous d’faire ça ! »

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Les débats parlementaires ont débuté les discussions sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Le thème est sensible en ce qu’il agite les convictions profondes des uns et des autres, auxquelles se mêlent éventuellement leurs croyances religieuses ou leur foi en la laïcité. Bien sûr nous somme en France, alors les petites querelles politiciennes ne sont jamais loin. Des réflexions profondes et respectables sont partagées dans les médias. Des membres du personnel soignant, des philosophes, des malades, des chercheurs font part, le plus souvent avec beaucoup de tact et de modération, de leurs positions sur des sujets aussi vertigineux que : faut-il autoriser un patient à mettre fin à ses jours ? Pour quelles pathologies, à quel stade de celles-ci ? Faut-il inclure les maladies mentales ? Si le patient exprime sa volonté de mourir mais n’est plus en mesure de se « suicider », faut-il autoriser quelqu’un de son entourage à administrer le produit qui va donner la mort ? Ou imposer ce geste au personnel soignant ? Faut-il s’arrêter au « suicide assisté », aller jusqu’à l’euthanasie ? Bref, on est au cœur d’une véritable modification du statut donné jusqu’ici à la vie dans nos sociétés occidentales depuis des siècles et il n’est pas facile de trouver une voie satisfaisante pour tous.

Alors chacun y va généralement de son exemple personnel sur un cas tragique de son entourage pour en tirer des conclusions souvent diamétralement opposées sur la façon souhaitable de le traiter le cadre général de la loi. Les références à l’expérience des pays européens qui sont allés vers l’euthanasie donnent aussi souvent lieu à des interprétations contradictoires

Dans un très intéressant podcast en quatre épisodes de l’émission « Lsd – la série documentaire », intitulé « Des vivants jusqu’à la mort » l’émission interroge les acteurs de ces questions, y compris les malades et leurs familles, et l’on entend s’exprimer avec intelligence des positions qui semblent irréconciliables.

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La fille d’un patient explique comment elle a pu se procurer illégalement un produit léthal via une association proactive en la matière et l’a administré elle-même à son père, pour respecter sa volonté. On imagine aisément le traumatisme engendré par ce geste sur les survivants. Dans un cri du cœur cette femme dit : « c’est pas à nous d’faire ça ! ». C’est bien là tout le problème, qui « doit faire ça » ? Réflexe bien français même en ces circonstances dramatiques, le citoyen répond : « l’Etat [ou ses représentants] doit le faire ». Facile…

Le corps médical est partagé, certains soignants expliquent qu’ils se voient mal effectuer le geste léthal, d’autres y sont favorables. Beaucoup s’expriment pour dire que la loi dite « Leonetti – Claeys » (du 02/02/2016) actuellement en vigueur est un cadre juridique satisfaisant pour appréhender la fin de vie des malades. Elle prévoit la mise en sédation profonde jusqu’à la mort du patient.

Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire.

Article 2

La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire qui permet à l’équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d’application prévues aux alinéas précédents sont remplies.

Article 3

Avant cette loi, chacun admet que le corps médical prenait parfois les décisions qui s’imposaient dans le secret de réunions collégiales pour abréger les souffrances intolérables et sans espoir de certains patients. Cela se faisait sans cadre légal, ce qui n’était plus en accord avec la judiciarisation de notre société. MM. Claes et Leonetti avaient initié la réflexion sur le vote d’une loi pour encadrer la pratique, mais sans aller jusqu’à légaliser le suicide assisté ou à l’euthanasie comme envisagés dans la présente loi. Les allers-retours en cours entre sénat et assemblée nationale montrent qu’une presque-majorité cherche à assouplir le projet de loi pour élargir le plus possible l’accès à cette fin de vie assistée ou provoquée. La loi finalisée devrait être votée d’ici à l’été. La majorité des citoyens affirment dans les sondages qu’ils sont en faveur de l’accès au suicide assisté voire à l’euthanasie mais ils ne précisent pas s’ils sont prêts à pratiquer le geste léthal eux-mêmes ou s’ils entendent le « déléguer » à d’autres…

D’ores et déjà ce projet de loi réactive l’éternel conflit entre Intérêts particuliers et intérêt général, ce dernier étant bien délicat à définir de façon unanime en la matière