Le chaos politique de la dissolution sera-t-il salvateur ?

La décision présidentielle prise dimanche dernier de dissoudre l’assemblée nationale à la suite du score de plus de 35% de la droite dure (le terme extrême-droite est devenu politiquement incorrect) a semé en France un chaos politique de première catégorie dont seuls les plus optimistes espèrent un sursaut salvateur. Il faut dire que c’est un peu l’objet de cette mesure constitutionnelle de la dissolution : secouer le cocotier et remettre les électeurs en mesure d’exprimer leurs choix électoraux partant du constat, réaliste en l’espèce, qu’ils ont perdu confiance dans le régime en place.

Techniquement la France est à l’arrêt pour six mois. L’assemblée nationale est fermée jusqu’au 8 juillet, tous les projets et propositions de loi qui étaient en discussion parlementaires sont gelés (les lois sur la fin de vie, sur l’audiovisuel public, sur le financement des industries de défense… notamment). L’organisation des jeux olympiques et paralympiques Paris-2024 qui doivent se dérouler du 24 juillet au 8 septembre le seront dans un pays en plein psychodrame politique, gage d’une efficacité qui va être plus difficile à garantir. L’arrivée de la discussion budgétaire en septembre prochain, alors que les finances publiques sont hors de contrôle, va immanquablement être perturbée par cette dissolution, sauf dans le cas improbable où le camp présidentiel récupèrerait une majorité absolue à l’issue de ce scrutin imprévu. Sans parler du coût pour les contribuables qui vont devoir financer campagne et élection.

Les membres du parti Les Républicains s’entre-déchirent entre leur président, Éric Ciotti, qui veut se rapprocher du Rassemblement National quand les vieilles ganaches du parti excluent un tel rapprochement au nom de « leurs valeurs ». La « destitution » contestée du président Ciotti a créé un imbroglio juridique digne de celui apparu en 2012 entre MM. Copé et Fillon. Toutes les tendances de la gauche sont en train de tenter de se réunir sous une bannière commune nouvellement intitulée « Front Populaire » dont les futures réunions risquent d’être animées tant certains sujets sont conflictuels entre les participants, de LFI au PS en passant par la NPA…

Quelles que soient les convictions politiques de chacun, on peut raisonnablement constater quà ce jour les haines des différentes parties de la gauche ne les empêchent pas de se former une union, au moins de façade, qui sera sans doute aussi éphémère que celle de la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale ), pour présenter des candidatures communes alors que la droite n’arrive pas à dominer ses propres haines internes. Il peut couler encore beaucoup d’eau sous les ponts d’ici le premier tour des élections dans deux semaines.

Le bal des traîtres a par ailleurs été relancé. Marion Maréchal qui avait quitté le Rassemblement National pour rejoindre le parti d’Éric Zemmour en 2022 est en train de faire le trajet inverse. Zemmour, son président, la qualifie de « traître ».

Xavier Bertrand qui avait quitté Les Républicains pour faire cavalier seul à l’élection présidentielle de 2017, avant de réintégrer piteusement ce parti pour participer à sa primaire désignant son candidat pour la présidentielle 2023 ; Rachida Dati qui a été exclue de LR en 2024 pour intégrer le gouvernement Attal ; ces deux personnages se retrouvent pour abominer Ciotti le traitant également de « traître ». L’hôpital qui se moque de la charité…

Cette dissolution peut potentiellement amener une cohabitation entre le président Macron et un premier-ministre de droite dure, Jordan Bardella est déjà dans les starting-blocks, ou de gauche où les candidats sont nombreux : Jean-Luc Mélanchon, François Ruffin notamment qui n’ont pas brillé jusqu’ici par leur modération. Autre hypothèse, la France n’élit pas de majorité absolue et elle reste difficilement gouvernable, dernier cas, comme après la dissolution prononcée par MonGénéral en 1968, un raz de marée de la majorité présidentielle entre à l’assemblée et le problème est réglé pour quelques temps.

Quoi qu’il en soit, ce sera le choix des électeurs qui, en principe, devrait être respecté. Le président Macron a voulu « clarifier » la situation politique française. Le résultat est incertain, pas sûr que ses nuits soient très paisibles d’ici le 7 juillet…