Le Rassemblement National (RN) effraie toujours autant

A l’issue des élections européennes du mois de juin aussitôt suivies d’une dissolution de l’assemblée nationale qui a divisé la nouvelle assemblée en trois blocs d’importance électorale à peu près équivalente, le RN, successeur du Front National (FN) s’est retrouvé aux portes du pouvoir en France avec environ 30% des votes exprimés. C’est le meilleur score jamais réussi par ce parti depuis que Jean-Marie Le Pen, le fondateur du FN dont la fille Marine préside le RN, s’était qualifié pour le second tour des élections présidentielles de 2002, reléguant le candidat socialiste (ancien trotskiste tendance lambertiste) à la troisième place. Opposé à Jacques Chirac le père Le Pen avait été balayé par le « Front républicain » qui s’était mis en place et n’avait rassemblé que 18% des suffrages au deuxième tour. C’était il y a vingt-deux ans.

Ce 30 juin dernier, le RN et ses associés arrivaient en tête du premier tour des élections législatives avec 33% des suffrages. Aussitôt un nouveau « barrage républicain » est construit afin de limiter le nombre de députés RN à l’issue du deuxième tour et, effectivement, à force d’alliances improbables et de désistements opportunistes, au soir du 7 juillet, le RN et associés n’obtiennent « que » 143 députés alors que certains sondagiers leur prévoyaient au moins la majorité absolue (289 députés) et que le président du parti, bien rasé derrière les oreilles, se voyait déjà nommé premier ministre. Dans les dîners en villes c’est le soulagement : « les fascistes ne sont pas passés ! » Dans le reste du pays c’est la déception : « les bobos urbains nous volent notre victoire ! »

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Le Nouveau front populaire (NFP), association électorale hétéroclite dominée par la gauche propalestienne et son leader Jean-Luc Mélanchon (lui aussi d’origine trotskyste tendance lambertiste), se réjouit de l’efficacité du « barrage contre le fascisme » et aspire au pouvoir sur la base d’un programme électoral radical.

Dans ces dîners en ville au cœur des quartiers gentrifiés, on se veut se rassurer en se disant que jamais un tel programme ne pourra être mis en œuvre en France, qu’il ne s’agit que de promesses électorales sans conséquences et les convives, qui, le plus souvent, ne l’ont pas lu, se tranquillisent en se disant que leurs impôts n’augmenteront pas et que leur patrimoine sera préservé.

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La France forte de son histoire révolutionnaire, reste irriguée par une pensée marxiste plus ou moins diffuse mais toujours prégnante dans l’imaginaire collectif poussant ainsi une bourgeoisie aisée à préférer voter pour l’extrême gauche plutôt que l’extrême droite, réduisant ainsi à portion congrue le bloc « central » qui est pourtant à l’origine de leur réussite. Le résultat est aujourd’hui un pays avec à sa tête un gouvernement démissionnaire, un président de la République qui passe son temps à congratuler les athlètes français médaillés aux jeux olympiques PARIS 2024 et une assemblée nationale en vacances, sans majorité réelle où, pour le moment, droite et gauche affirment leur volonté de ne pas collaborer avec le centre, ou alors sur la base de leur programme et uniquement celui-ci. Les choses risquent d’évoluer à la rentrée car il faudra bien gouverner le pays. Si personne ne veut faire de concession Paris pourrait rester avec son gouvernement démissionnaire et le parlement ne plus voter de réforme mais expédier lui aussi les affaires courantes. Et si la loi de Finances 2025 ne peut pas être votée faute de majorité il faudra bien qu’un texte de compromis pour faire fonctionner l’Etat à partir du 01/01/2025, ne serait-ce que pour lever l’impôt et, notamment, payer les salaires et les frais des députés… Sans doute feront-ils preuve d’un minimum de réalisme le moment venu quitte à s’accorder sur un budget irréaliste. Les électeurs en jugeront et, s’ils sont mécontents, il leur restera l’opportunité de voter différemment aux prochaines élections législatives car malgré les craintes de beaucoup, la démocratie n’est pas encore en risque dans le pays.