Au musée d’Ennery – Paris

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Adolphe d’Ennery (1811-1899, né Adolphe Philippe) est un auteur et dramaturge à succès dont la réussite financière doit beaucoup aux plus de 200 pièces de théâtre qu’il a écrites ou coécrites. Après une longue vie commune il épouse Clémence qui fut successivement sa maîtresse, puis sa compagne, puis, enfin, sa femme. Profitant de l’expansion « bourgeoise » de Paris sur son flanc ouest, le couple acquiert un terrain sur ce qui deviendra l’avenue Foch et va y construire un hôtel particulier plutôt cossu. Clémence va s’y consacrer à son goût pour les objets d’art d’origine extrême-orientale en constituant une collection de plus de 6 000 objets qui sera léguée par le couple à l’Etat avec l’hôtel particulier en imposant que celui-ci soit transformé en musée et que la collection y soit exposée sans être dispersée. Ami du couple, Clémenceau fut leur exécuteur testamentaire et veilla à la bonne exécution de leur volonté. Emile Guimet qui créa et dirigea le musée qui porte son nom, dédié à l’art oriental, créa ce musée d’Ennery comme une succursale du musée Guimet. Le musée n’a pas toujours été ouvert au public, de rénovations en complications administratives, c’est finalement cet établissement que l’on peut visiter aujourd’hui sur réservation, par petits groupes.

Clémence qui était actrice n’avait pas de formation ni de connaissances particulières concernant l’art asiatique. Elle n’a jamais voyagé ni au Japon, ni en Chine, ni ailleurs en Asie mais s’est révélée une acheteuse instinctive qui a développé sa collection avec beaucoup de goût. Le statut de la femme étant ce qu’il était à l’époque sa passion était considérée comme superficielle et les objets acquis comme sans beaucoup de valeur. En réalité, tous les experts qui ont eu à se pencher sur ceux-ci ont unanimement conclu à leur grand intérêt artistique et patrimonial.

Alors la douzaine de visiteurs admis pour chaque visite guidée défilent devant de vastes vitrines encadrées dans des meubles conçus par Clémence et construits sur ses instructions par assemblage de boiseries aux motifs asiatiques. La collectionneuse était fascinée par les animaux fantastiques et autres chimères que l’art chinois produisait en quantité. Elle avait aussi un fort intérêt pour les Netsuke japonais, minuscules figurines servant à bloquer la cordelette fermant une pochette attachée à la ceinture du kimono. Ils sont confectionnés en bois, en ivoire, en porcelaine, en laque ou autres matériaux. Clémence était sans doute aussi quelque peu compulsive dans son goût de la collection et chimères ou netsuke sont un peu entassés mais qu’importe, la visite vaut aussi par cette plongée dans l’art oriental et l’histoire de ce couple mécène singulier. A leur succession, ils sont décédés à quelques mois d’intervalle, une femme se disant la « fille naturelle » d’Adolphe a tenté de récupérer une partie de l’héritage. La justice considéra qu’elle n’avait pas de droit sur l’héritage d’Ennery qui n’avait aucune descendance connue par ailleurs.