L’issue des élections législatives anticipées de juillet dernier a été de porter à l’assemblée nationale trois minorités : la gauche propalestinienne réunie sous la marque électorale Nouveau Front Populaire (NFP), un conglomérat de partis menés par La France Insoumise (LFI), un centre dominé par le parti présidentiel et Les Républicains (LR) et le Rassemblement National (RN), bâti sur les bases de l’ancien Front National d’extrême droite.
L’entre-deux tours de ces élections a vu la reconstitution du « front républicain » consistant en des désistements et alliances improbables pour empêcher un candidat RN arrivé en tête au premier tour d’être élu au second. Les tenants de ce « front républicain » considèrent que le RN ne fait pas partie de « l’arc républicain » et que tous les moyens doivent donc être utilisés pour l’empêcher d’arriver au pouvoir, y compris, pour le centre droit, en faisant élire des députés LFI. Cette tactique a bien fonctionné et le RN, qui se voyait déjà aux commandes, n’a finalement eu « que » 143 députés élus si l’on compte aussi avec eux les candidats LR qui ont rallié le RN. Malgré les 11 millions d’électeurs qui ont voté pour ce dernier, les caractéristiques de ce scrutin à deux tours ne lui ont pas permis de faire carton plein et d’emporter la majorité, ce qui aurait été sans doute le cas si le scrutin avait été proportionnel ou si le « front républicain » n’avait pas fonctionné.
Les tractations estivales menées alors que la France profitait des dépenses publiques considérables engagées pour les jeux olympiques d’été organisés à Paris ont aboutit au fait que le programme du NFP fait peur à tout le monde (sauf à ses électeurs) et qu’aucune des deux minorités de droite n’est disposée à faire affaire avec lui. Au contraire, le centre droit comme le RN ont affirmé leur volonté de censurer tout gouvernement comportant des ministres LFI. Prenant acte de cette situation, le président de la République a désigné un premier ministre de droite, Michel Barnier, issu du parti Les Républicains, qui ne représente que 8% de l’assemblée, mais qui a le mérite de pouvoir envisager de présenter des textes emportant le soutien, ou au moins l’abstention du centre droit, de LR ou du RN, alors que le NFP aurait quasi systématiquement vu ses projets contrecarrés par le centre et le RN réunis dans une même opposition.
La gauche s’égosille et qualifie de « déni démocratique » le fait que le premier ministre ne soit pas issu de ses rangs mais elle a face à elle deux minorités qui peuvent constituer une majorité pour soutenir ce gouvernement, ou le faire tomber. On pourrait d’ailleurs voir un jour le RN s’associer avec la gauche propalestinienne pour voter une censure, ils pourrait y parvenir, au moins mathématiquement parlant. En attendant les représentants du NFP, relayés par les convives des dîners en ville, réaffirment qu’on ne peut pas parler ni négocier avec le RN. En réalité, le résultat de ces élections a marqué une nouvelle étape dans la « normalisation » du parti fondé par Jean-Marie Le Pen sur des fondamentaux de l’Algérie française et de la collaboration. Son successeur, le RN, présidé par Marine, la fille de Jean-Marie, s’est efforcé de gommer ces aspects rugueux. Par ailleurs, la génération de ceux qui ont connu la guerre d’Algérie, et encore plus la collaboration durant la seconde guerre mondiale, est en train de s’éteindre. Ces irritants vont progressivement disparaître. Et puis, le sujet de l’immigration, autre marotte du RN est maintenant une problématique largement partagée par les autres partis, sauf bien sûr LFI qui vante en permanence les mérites de la « créolisation » de la société française. Il ne devrait pas y avoir trop de difficultés pour le gouvernement Barnier à trouver un accord pour essayer de réduire certains flux migratoires. Pour le reste, notamment l’avenir de la réforme des retraites il faudra attendre pour connaître le sort qui lui sera réservé !
Malgré les vociférations des uns et des autres, le résultat de cette élection législative impromptue montre que la France est « de droite ». Il n’est pas illégitime que le président de la République en ait tenu compte dans le choix du premier ministre. Toute nouvelle dissolution à court terme ne devrait pas fondamentalement changer les choses. Le gouvernement de la France dans ces conditions va être périlleux mais si les Français le voulait différemment ils auraient voté autrement. Il faut maintenant assumer le choix émis par les électeurs. C’est ce qu’on appelle la démocratie.